Pendant près de de 90 ans, Robert Hossein a jonglé entre le cinéma et le théâtre, allant jusqu’à marier les deux dans les grandes productions titanesques qu’il mettait en scène. Acteur, réalisateur, scénariste, metteur en scène, producteur… Notamment révélé par son rôle Joffrey de Peyrac dans le film «Angélique, marquise des Anges», ce monument de l’art français, profondément inspiré par ses racines russes, sincèrement transcendé par une foi tardive mais chevillée au corps, s’est éteint le 31 décembre 2020, à l’âge de 93 ans.
« Le génie, c’est 18 heures de travail par jour », était l’une des devises de Robert Hossein. Celui qui deviendra l’une des figures françaises les plus prolifiques des 4e et 9e arts n’a pourtant pas toujours été un bourreau de travail: petit, il sèche assidument les cours. Il leur préfère les salles obscures des cinémas et des théâtres, où il se rend en cachette.
Né en 1927 à Paris, d’une mère russe et d’un père compositeur azéri originaire de Samaracande (Ouzbékistan), Robert Hosseinoff de son vrai nom a su s’imposer sur les écrans et sur les planches comme en coulisse. Spectaculaire touche-à-tout empli d’humanité, il a fait sa place et laissé son empreinte grâce à son bagout d’abord, mais aussi grâce à son acharnement.
Homme à films, homme à femmes
Robert Hossein rencontre ses premiers succès au théâtre avant même d’être majeur. Et c’est avec Le diable boiteux, de Sacha Guitry qu’il fait sa première apparition au cinéma. Il a à peine passé la vingtaine et n’a qu’un rôle de figurant. Mais sa carrière s’accélère et on le remarque ensuite dans Du rififi chez les hommes, en 1955. C’est aussi l’année où il réalise son premier film, Les salauds vont en enfer.
Depuis, Robert Hossein a joué dans plus d’une centaine de films, partageant souvent l’affiche avec les grands noms du cinéma français (Jean Gabin, Brigitte Bardot, Francis Huster, Jean Rochefort, Jean-Pierre Belmondo…). La renommée lui est définitivement acquise en 1964 : il est Joffrey de Peyrac, le mari malmené d’Angélique, Marquise des Anges. Dans le film éponyme et dans les quatre autres de la série, il tient le rôle central du héros très à l’aise avec les femmes. Un personnage à moitié joué, tant Robert Hossein a collectionné les conquêtes au cours de sa vie. « Je dois beaucoup aux femmes. Je leur dois tout et encore plus, affirmait-il. Quand un spectacle existe, c’est parce que les femmes y entraînent les hommes. »
Robert Hossein s’est marié trois fois. D’abord avec Marina Vlady dont il aura deux fils, puis avec Caroline Eliatcheff, la fille de Françoise Giroud. Elle a seulement 15 ans, moitié moins que lui lors de leurs vœux en 1962 et lui donnera un enfant. Enfin, il s’éprend de Candice Patou, qu’il surnomme « l’infirmière héroïque ». L’actrice, mère du dernier enfant de Robert Hossein, aura partagé sa vie pendant plus de 40 ans.
Des épopées grandioses
S’il a réalisé plus d’une quinzaine de long-métrages, c’est surtout pour ses talents de metteur en scène de superproductions que les plus jeunes générations connaissent Robert Hossein. Un des dénominateurs communs de la plupart des spectacles qu’il régit, c’est le choix des épopées grandioses, des grands moments de l’histoire. Souvent française, mais parfois russe. Son premier fait d’arme en la matière est d’ailleurs Le Cuirassé Potemkine, en 1975. Robert Hossein est toujours resté attaché aux origines russes de sa famille. Il a également adapté pour le théâtre des textes de Gorki, de Dostoïevski –des auteurs qu’il place très haut dans son panthéon littéraire.
Dans le panthéon hosseinien, on trouve aussi Victor Hugo: Robert Hossein met en scène Notre Dame de Paris(1978) et Les Misérables(1982). Son travail et sa vie témoignent de l’intérêt qu’il porte aux plus pauvres et aux exclus. Robert Hossein s’attaque aussi aux figures emblématiques de l’histoire hexagonale. À coup de productions hors normes, il dessine une galerie de portraits, véritable succession d’images d’Epinal : Danton, Marie-Antoinette, Napoléon, Charles de Gaulle … Racontant des hommes et des femmes dans tout ce qu’ils ont de plus extraordinaire et de plus humain. Toujours, il s’attache aux détails de la réalisation, participe à toutes les étapes de la production, de la mise en scène.
« Je crois dans les hommes parce que je crois en Dieu »
Ce qui ressort de l’œuvre de Robert Hossein, c’est aussi son attachement à la foi et à Dieu: Un homme nommé Jésus(1983), Jésus était son nom (1991), Jésus la Résurrection (2000)… C’est d’ailleurs au premier de ce triptyque que le metteur en scène doit son plus gros succès. Un homme nommé Jésus attire plus de 700 000 spectateurs au Palais des Sports de Paris.
Robert Hossein a aussi consacré un spectacle au pape Jean-Paul II, et un autre à Marie. « Avant, je disais que je croyais en Dieu parce que je croyais dans les hommes. Aujourd’hui, je crois dans les hommes parce que je crois en Dieu », déclare-t-il dans de nombreux entretiens dans les années 2000.Aux journalistes qui l’interrogent, entre deux portraits de ses parents, il montre volontiers le portrait de Sainte Thérèse de Lisieux, qu’il conserve religieusement dans son portefeuille.
Dans une interview au journal suisse La Tribune de Genève, en 2011, Robert Hossein confessait: «Je suis venu à Dieu peu à peu, au fil d’une jeunesse difficile et d’une vie tourmentée, à travers la longue inspiration que m’ont donnée les écrivains, les bandes dessinées, les musiciens, les peintres, etc. J’ai toujours recherché ce qui améliore la condition humaine, même auprès d’œuvres athées –j’ai joué Sartre, j’ai monté Genet, j’ai mis en scène Le cuirassé Potemkine, hymne communiste ! Ma première pièce s’appelait Les voyous. J’en étais un. »
La légende du cinéma est de retour sur grand écran en 2019 avec Le Fruit de l’espoir, un film réalisé par Alain Williams. Il y incarne un maire dont la petite fille, chercheuse en biologie, est sur le point de découvrir un remède contre le cancer.
Invité sur TV5 Monde en juin 2019 pour parler du film, Robert Hossein déclare: « Il faut essayer de faire les choses très sérieusement, mais pas se prendre au sérieux parce que vraiment, on n’est que de passage. »« Le génie, c’est 18 heures de travail par jour », répétait Robert Hossein. Cette devise s’accompagnait toujours d’une autre: «?Et le talent c’est d’en trouver aux autres. »
Le talent, il n’en manquait pas, même s’il disait parfois le contraire. Dans ses spectacles ou ses films, Robert Hossein n’a jamais hésité à accorder des rôles centraux à de parfaits inconnus. L’homme faisait confiance à ses semblables. Et aujourd’hui, il va surtout leur faire défaut.
Avec RFI