Une chronique du Dr. Hubert DJOGUÉ : Le Bénin et son scandale carcéral

Société

La situation des établissements pénitentiaires au Bénin s’apparente aujourd’hui à une tragédie humaine d’une gravité sans nom, révélatrice des dysfonctionnements criants de notre système judiciaire.

D’après les données officielles, au 9 septembre 2024, le pays abritait 19 563 prisonniers pour une capacité d’accueil initialement prévue pour 7 000 personnes, engendrant un taux de surpopulation effarant de 298,85%. Ce simple constat chiffre une réalité intenable : les lieux de détention se transforment en espaces de souffrance et de promiscuité où la dignité humaine est sacrifiée sur l’autel de l’inefficacité institutionnelle. Dans l’enfer carcéral de la maison d’arrêt de Cotonou, certains détenus en viennent à dormir à tour de rôle, comme l’a révélé avec amertume Euloge Alle, régisseur des lieux. Ces conditions d’incarcération sont une violation flagrante des droits humains et devraient mobiliser la conscience nationale.

Face à ce tableau d’une insupportable cruauté, il devient urgent et impératif de poser des actes audacieux pour alléger ce fardeau. L’engorgement de nos prisons découle en partie de la lenteur des procédures judiciaires. Pour y remédier, il est primordial d’organiser la multiplication des procès, garantissant ainsi à chaque détenu un jugement rapide et équitable, et réduisant le nombre alarmant de personnes en détention préventive prolongée. Par ailleurs, la libération des prisonniers politiques et des individus emprisonnés de manière abusive doit être envisagée sans délai. Il est inacceptable qu’un État de droit tolère la détention d’individus pour des motifs contraires à la justice et à la démocratie.

Cependant, au-delà de ces mesures urgentes, seule une réforme en profondeur pourra apporter un changement durable. Il est essentiel de renforcer l’Agence Pénitentiaire du Bénin en y intégrant des personnels qualifiés, comme l’a justement souligné le régisseur Euloge Alle, et de veiller à ce que ces lieux de privation de liberté soient humanisés, réformés pour ne plus être synonymes de misère et d’abandon. En outre, la mise en place de cadres de concertation réunissant l’ensemble des acteurs du système carcéral et les défenseurs des droits humains, tel que préconisé par la Commission Béninoise des Droits de l’Homme, permettra de restaurer un équilibre éthique et législatif. Il est grand temps que le Bénin rompe avec cette indifférence institutionnalisée et prenne la mesure de ses responsabilités face à cette crise carcérale qui bafoue la dignité de ses citoyens. Cela doit être un des prochains chantiers du Chef de l’État. Et je pense que le Président Talon n’est pas informé de cette affaire.

D’après une opinion de Dr. Hubert DJOGUÉ

(20 septembre 2024)