C’était un vote symbolique mais attendu : une majorité écrasante de l’Assemblée générale des Nations unies a jugé, ce vendredi à New York, que les Palestiniens mériteraient d’être membres à part entière de l’organisation, leur octroyant quelques droits supplémentaires à défaut d’une véritable adhésion bloquée par les États-Unis.
Je me suis tenu des centaines de fois à cette tribune, souvent dans des circonstances tragiques, mais aucune comparable à ce que mon peuple vit aujourd’hui, a lancé l’ambassadeur palestinien à l’ONU Riyad Mansour. Je me suis tenu des centaines de fois à cette tribune, mais jamais pour un vote plus important qu’aujourd’hui, historique », a-t-il ajouté, la voix serrée par l’émotion.
Cette résolution « aura un impact important sur l’avenir du peuple palestinien », même si en elle-même, elle « ne rend pas justice à l’État de Palestine » qui reste observateur, a ajouté l’ambassadeur des Émirats arabes unis Mohamed Issa Abushahab. Il s’est exprimé au nom des pays arabes.
Face à la guerre à Gaza, les Palestiniens avaient relancé début avril leur requête de 2011 réclamant de devenir un État membre à part entière des Nations unies. Ils ont depuis 2012 un statut « d’État non membre observateur ».
Avant un vote de l’Assemblée générale à la majorité des deux tiers, une telle initiative nécessite une recommandation positive du Conseil de sécurité pour aboutir. Mais les États-Unis ont mis leur veto à cette dernière le 18 avril.
Même si l’Assemblée générale ne peut court-circuiter ce veto, les Palestiniens ont décidé de se tourner vers ses 193 États membres. Ils ont ainsi réussi à prouver que sans le veto américain, ils auraient la majorité des deux tiers nécessaire pour valider une adhésion.
La résolution présentée par les Émirats arabes unis a été adoptée par 143 voix pour, 9 contre et 25 abstentions. Parmi les neuf pays ayant voté contre la résolution, se trouvent les États-Unis, Israël, l’Argentine, la République tchèque et la Hongrie.
La résolution « constate que l’État de Palestine remplit les conditions requises pour devenir membre » de l’ONU, et « devrait donc être admis à l’Organisation ». Elle demande ainsi que le Conseil de sécurité « réexamine favorablement la question ».
Mais les États-Unis, qui s’opposent à toute reconnaissance en dehors d’un accord bilatéral entre leur allié israélien et les Palestiniens, ont prévenu vendredi 10 mai que si la question retournait au Conseil, ils s’attendent « à un résultat similaire à avril ».
Pas le droit au vote, mais le droit de soumettre des propositions et des amendements directement
« On pourrait se retrouver dans une sorte de boucle diplomatique funeste avec l’Assemblée qui appelle de façon répétée le Conseil à accepter l’adhésion palestinienne, et les États-Unis qui mettent leur veto », a commenté Richard Gowan, analyste à l’International Crisis Group.
Dans cette perspective, le texte octroie sans attendre « à titre exceptionnel et sans que cela constitue un précédent », une série de « droits et privilèges supplémentaires » aux Palestiniens à partir de la 79e session de l’Assemblée, en septembre 2024.
Excluant sans ambiguïté le droit de voter et d’être membre du Conseil de sécurité, cette résolution leur permettra par exemple de soumettre directement des propositions et des amendements. Cela sans passer par un pays tiers, ou encore de siéger parmi les États membres par ordre alphabétique.
Même si ces mesures sont largement symboliques, Israël, dont le gouvernement rejette la solution à deux États, a fustigé la résolution. « Cela me rend malade », a déclaré l’ambassadeur israélien Gilad Erdan à la tribune, accusant l’Assemblée de « donner les droits d’un État à une entité déjà partiellement contrôlée par des terroristes ».
« Avec ce nouveau précédent, nous pourrions voir ici des représentants de Daech [l’acronyme en arabe du groupe État Islamique – NDLR] ou Boko Haram siéger parmi nous ». « Vous réduisez la Charte en lambeaux, honte à vous ! », a-t-il encore lancé, joignant le geste à la parole en passant le texte de la charte de l’ONU dans une déchiqueteuse.
Les États-Unis, qui ont voté contre, avaient également largement exprimé leurs réserves sur l’initiative. Les Américains estiment toujours que « des mesures unilatérales à l’ONU et sur le terrain » ne permettront pas d’avancer vers une paix durable et une solution à deux États, a insisté le porte-parole de la mission américaine auprès de l’ONU Nate Evans.