Au Sénégal, à cinq jours de la tenue de législatives anticipées le 17 novembre 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko fait polémique après la tenue de propos d’une rare virulence, ravivant le spectre de nouvelles violences. Sur Facebook, le chef du gouvernement et chef du Pastef appelle en effet ses militants à se « venger » après des agressions, menées, selon lui, contre ses supporters par des opposants en campagne.
Ousmane Sonko va même plus loin : il demande à ce que le maire de Dakar, à la tête de la coalition Sam sa kaddu, soit interdit de faire campagne. Car, selon le Premier ministre-candidat à ces législatives, cette coalition de l’opposition s’est rendue responsable, dans plusieurs villes du Sénégal, d’agressions de militants des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) : il appelle donc ses partisans à répondre aux attaques et parle « de droit légitime à la riposte ».
Une déclaration qui fait bondir l’opposition, qui dénonce cet appel public et dangereux à la violence. Mais dans les rangs de la société civile et du parti au pouvoir aussi, on appelle le Premier ministre à revenir à la raison. Guy Marius Sagna, par exemple candidat aux législatives pour le Pastef, dans un post sur X, parle d’« agressions extrêmement grave » mais récuse « la vengeance » et appelle le ministère de l’Intérieur à faire respecter l’ordre public.
À cinq jours de la tenue de ces législatives anticipées, la tension a grimpé d’un cran ces dernières 24 heures. Tout part donc de ce nouvel accrochage lundi entre militants du Pastef et militants de la coalition de Barthélémy Dias, à Saint-Louis, dans le nord du pays. En fin d’après-midi, selon plusieurs témoins joints sur place, alors que la caravane de la coalition d’opposition Sam sa kaddu défile à Saint-Louis, des sympathisants du Pastef huent le convoi. Mais l’ambiance est calme. Tout dérape quand des hommes de la sécurité du convoi de Barthélémy Dias sortent des matraques, voire des couteaux. Sur des images de vidéo-surveillance, on voit l’un d’entre eux donner un coup de couteau à un jeune homme au niveau du bras. Bilan, selon une source hospitalière : deux blessés par coups de couteau et un blessé par coup de poing, soignés à l’hôpital de Saint-Louis.
Lundi soir, selon le chargé de communication de la coalition Sam sa kaddu, Papi Konaré, la police a interpellé 40 membres de l’équipe chargée de la sécurité de la coalition de Barthélémy Dias, au niveau de Thiès, sur la route de retour vers Dakar.
Quatre-vingt-une personnes ont également été interpellées à Saint-Louis, selon le gouverneur de la ville, Al Hassan Sall, qui invite les acteurs politiques à « bannir la violence » dans un communiqué.
À noter que le ministre de l’Intérieur, dans un communiqué publié le 11 novembre, a rappelé qu’un arrêté interdit depuis le 17 octobre et jusqu’au 17 décembre le port d’arme de toute catégorie et que des instructions ont été données pour « fouiller systématiquement les personnes et les cortèges considérés suspects ».
L’ancien Premier ministre Amadou Ba et leader de la coalition Jamm ak Njariñ, invite à la retenue de la part des acteurs politiques. Il a pris la parole depuis Matam, dans l’est du pays, où il est actuellement en campagne.
Ces derniers jours, nous avons malheureusement été témoins de cette inacceptable violence physique comme verbal qui n’augure rien de bon pour notre cher pays. Ce n’est ni la voie de l’unité, ni celle du progrès, encore moins celle de la paix et de la cohésion. Dès lors, je condamne vigoureusement toute forme de violence et invite solennellement les autorités, le président de la République en premier, à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de tous les citoyens sans distinction aucune et de leurs biens. Je lance enfin un appel présent au calme et à la retenue à l’attention de tous les acteurs politiques. Il est de notre responsabilité individuelle et collective de nous respecter, de défendre nos idées avec élégance dans nos pluralités et de bannir à jamais les affrontements physiques dans l’espace politique. Les Sénégalais qui traversent des moments difficiles avec la conjoncture actuelle attendent des solutions concrètes à leurs problèmes, que des discours va-t-en-guerre, des protagonistes aux conséquences incalculables.