Mali  : L’ancien Premier ministre Choguel Maïga accusé de malversations

Afrique

Au Mali, le Bureau du vérificateur général (BVG), institution chargée de contrôler les dépenses publiques, a publié le 30 décembre 2024 un rapport sur la gestion de l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (Agefau), entre 2020 et 2023. L’Agefau promeut l’accès aux services d’information et de télécommunication. Elle est placée sous la tutelle du Premier ministre, qui en préside le Conseil d’administration. Le rapport du Vérificateur relève de nombreuses malversations, pour d’importants montants, que l’ancien chef du gouvernement, Choguel Maïga, aurait couvert, ou dont il aurait même, pour certaines, directement bénéficié. Des révélations qui ne sortent pas aujourd’hui par hasard.

Dans son rapport de 113 pages (annexes inclues), le BVG pointe des irrégularités administratives et surtout financières, comme « l’approbation d’un prêt irrégulier pour un montant total de plus de 20 milliards de FCFA » (30 millions d’euros). Un prêt dont a bénéficié le Trésor public du Mali, en avril 2020, dans le cadre du plan de réponse à la pandémie de Covid-19. Choguel Maïga n’était alors pas en poste, puisqu’il a accédé à la Primature en juin 2021, avant d’en être limogé en novembre 2024.

Mais le Vérificateur relève aussi, sur l’ensemble de la période 2020-2023, des « dépenses indues au profit du personnel » – des abonnements téléphoniques, notamment – pour près de 13 millions de francs CFA (près de 20 000 euros), le non-reversement de redevances destinées à l’ORTM, la télévision d’État, pour plus de 92 millions de FCFA (140 000 euros), ou encore des équipements manquants – wifi, ordinateurs – pour près de 15 millions de FCFA (environ 22 800 euros), dans des écoles notamment où ce matériel était censé être mis à disposition. Plusieurs attributions ou exécutions de marché sont également mises en cause.

« Dépenses de souveraineté du Premier ministre »

Surtout, le Vérificateur pointe des irrégularités ayant directement bénéficié à Choguel Maïga : deux déplacements de l’ancien chef du gouvernement, pour des cérémonies à Konobougou et Dalala, en décembre 2023, ont ainsi donné lieu au versement de « frais de mission indus » pour plus de 12 millions de FCFA (environ 18 300 euros), qui ont financé l’importante délégation personnelle de Choguel Maïga. Ces deux déplacements ont également donné lieu au versement de près de 35 millions de FCFA (53 300 euros), au titre des « dépenses de souveraineté du Premier ministre » : des dépenses « non prévues » et « indues », selon le Vérificateur général.

Choguel Maïga est-il convoqué ce 2 janvier par la Cour suprême ? La rumeur a enflé sur les réseaux sociaux, mais la réponse est non : cette fausse information est démentie à RFI par l’entourage de l’ancien Premier ministre de transition et par plusieurs sources judiciaires maliennes. En revanche, le Bureau du vérificateur général a bien transmis ses « dénonciations de faits » à la section des comptes de la Cour suprême. Des suites sont donc vraisemblablement à prévoir.

Règlement de comptes

Ce dossier potentiellement explosif relève de la lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics, une priorité revendiquée des autorités de transition qui correspond à une attente réelle de tous les Maliens.

Mais il pourrait aussi servir de terrain de règlement de comptes politiques : Choguel Maïga a été limogé de la Primature il y a un peu plus d’un mois, ses désaccords avec les militaires au pouvoir ont éclaté au grand jour, et l’ancien Premier ministre ne cache pas conserver des ambitions politiques, présidentielles même, selon de nombreux observateurs avertis.

C’est dans ce contexte particulier que le Vérificateur publie son rapport, après un travail d’enquête mené entre mars et octobre dernier, juste avant le limogeage de Choguel Maïga, suite à l’opportune « saisine reçue d’un citoyen ».  Le rapport ne donne pas plus de précision sur cette opportune saisine.

« Des plans » et « des histoires »

Sollicité par RFI, Choguel Maïga n’a pas souhaité commenter. Son entourage crie au complot et rappelle que, début décembre, recevant chez lui des collaborateurs lors d’une réunion filmée, l’ancien Premier ministre de transition évoquait déjà ce dossier, dont il était informé puisque le Vérificateur avait commencé ses recherches d’information. Choguel Maïga avait alors dénoncé « des plans » et « des histoires » et assuré : « Moi, j’ai une conscience claire. »

« Il n’était pas tout seul, commente un ancien ministre. Mais, maintenant, les militaires lui cherchent des poux dans la tête. Ils vont sans doute le coffrer, tant pis pour lui ! »

 

A lire aussi:

 

Le Nigeria prévient ses voyageurs vers l’Australie d’un risque de «discrimination»