Au Nigeria, malgré la flambée de violences de ces derniers jours, le président Buhari garde le silence. Avant-hier les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur des jeunes qui manifestaient contre les violences policieres à Lagos, tuant 10 personnes selon Amnesty international. Les autorités confirment la mort de plusieurs personnes sans avancer de chiffres précis et les images des violences sont devenues virales. Mercredi, le couvre-feu a été renouvelé pour 72 heures.
Beaucoup de Nigérians s’interrogent sur la décision du président Muhammadu Buhari de ne pas s’adresser à son peuple directement en cette période difficile. Mercredi, alors que les images des violences en cours devenaient virales sur les réseaux sociaux et que les messages et réactions affluaient du monde entier, Muhammadu Buhari continuait de se murer dans le silence.
Mais la présidence du Nigeria a lancé un appel au calme via la voie du porte-parole Femi Adesina. Elle a communiqué surtout sur la mise en place d’un panel et un comité de justice dans plusieurs États de la Fédération, des instances qui ont pour mission d’apporter de réponses judicaires concrètes et rapides à la problématique des violences policières.
Amnesty interpelle le gouvernement nigérian
« Ils (le gouvernement) devraient enquêter et s’assurer que ceux qui ont commis des crimes, ceux qui ont violé les droits de l’homme, se retrouvent devant la justice ».
Mais du côté du commandant en chef Muhammadu Buhari, aucune adresse à la nation, alors que se multiplient attaques et agressions interpersonnelles, destructions et pillages aux quatre coins du Nigeria et qu’au moins sept gouverneurs ont décidé d’instaurer un couvre-feu total ou partiel sur leur territoire.
« Apaiser et rassurer le peuple »
Mutisme volontaire par choix tactique du président Muhammadu Buhari, réflexe personnel d’autodéfense ou bien paralysie face à l’immensité des problèmes ? Nnamdi Obasi, conseiller principal à l’International Crisis Group, estime que « si lors de son premier mandat, Muhammadu Buhari donnait l’impression qu’il tenait vraiment les manettes, son leadership fait défaut à ce moment décisif ».
Se disant inquiet en tant que Nigérian, le politologue Adewale Yagboyaju, professeur de sciences politiques à l’Université d’Ibadan, pense que « l’absence du discours présidentiel ne se justifie pas. S’adresser à la nation sans tarder, peut aider à apaiser et rassurer le peuple ».
« Un certain nombre de policiers ont été tués. Un certain nombre de citoyens ont aussi été tués. Ce n’est pas comme ça que des manifestations pacifiques sont censées se dérouler », estime Maigari Dingyadi, ministre nigérian de la police.
Lagos, ville sous extrême tension
En attendant, c’est l’escalade de violences à Lagos où deux médias ont été saccagés et brûlés ; TVC une télévision privée et la Nation, un journal. Tous les deux appartenant à Bola Tinubu, un ex-gouverneur de Lagos et père fondateur de l’APC, le parti de la majorité présidentielle. Des propriétés de l’actuel gouverneur de Lagos, Babajide Sanwo Olu ainsi que de ses proches sont aussi la cible de groupes de pilleurs et casseurs.
Le siège de l’autorité portuaire du Nigeria a été incendié, ainsi que des bâtiments portant le sigle des Ports du Nigeria ont été visés.
Des branches de la GT Bank, un des principaux établissements bancaires et financiers du Nigeria ont été saccagés aussi. Des vestiges du patrimoine architectural de Lagos ont également été ciblés. Comme si ces groupes de casseurs sans nom cherchaient à délivrer un message. Laissant Lagos déboussolée et ses habitants désemparés et sans réponse.
Kano en proie aussi à la violence et aux contestations
Des bâtiments incendiés, des églises attaquées et des commerces pillés. La ville de Kano dans le nord du Nigeria, la deuxième plus importante du pays en terme de population, a elle aussi été le théâtre de violences mardi dernier en marge des manifestations. Jusqu’à présent la protestation dans le pays était plutôt localisée dans le Sud, mais elle s’étend à d’autres localités désormais.
« Les revendications des manifestants du Nord sont plus centrés sur des problèmes locaux liés à l’insécurité: le banditisme, les kidnappings et le vol de bétail ».
Avec RFI