Les sphères économique et politique s’entrelacent de plus en plus, qu’on est en devoir de s’interroger sur la trajectoire des hommes d’affaire parvenus à la tête des Etats, en Afrique, en Europe, qu’en Amérique.
Les exemples sont légions. De grands patrons d’entreprises parvenus à de hautes positions dans la vie politique : Bernard Tapie ou Thierry Breton par exemple en France, mais également Silvio Berlusconi, Marc Ravalomana, Michael Bloomberg, Thaksin Shinawatra ou Christoph Blocher ailleurs et plus récemment Donald TRUMP, Président sortant des Etats Unis d’Amérique.
Ce bref échantillon rappelle cependant que l’entrée des hommes d’affaires sur la scène politique reste une grande préoccupation en pleine 21è siècle. Tout porte à croire que les hommes d’affaires n’ont pas une connotation très positive en politique. Il apparaît difficilement conciliable de prétendre vouloir servir l’intérêt général quand on a passé l’essentiel de sa carrière à poursuivre le sien en particulier.
On notera toutefois que le passage en sens inverse n’est pas moins problématique. Autrement dit, pour emprunter le vocabulaire forgé par Pierre Bourdieu, la conversion d’un capital économique en capital politique n’est pas une opération aussi simple qu’il n’y paraît, et ce, même si la montée du New Public Management a sans doute facilité les choses en alignant la culture et la rhétorique politico-administrative sur celle de la gestion.
Au-delà de ce fait qu’un homme d’affaires aura du mal à jouer pleinement son rôle d’homme d’Etat, avec équité, probité et de façon désintéressé, son titre de grand acteur du monde des affaires pourrait être pour lui une grande contrainte dans l’exercice du pouvoir de Chef d’Etat.
Il est très souvent remarqué que l’homme d’affaires parvenu à la tête d’un Etat, reste incompris par le peuple dans ses décisions de gestion du pouvoir. Chaque pas posé par ce dernier est à tort ou à raison interprété comme un acte du capitaliste, de compromission, de conflit d’intérêt ou de corruption.
Ce qui retient plus l’attention est la fin du règne des hommes d’affaires à la tête des Etats. La stratégie politique la plus maladroitement adoptée par ces derniers pour conserver le pouvoir est soit la politique de la terre brûlée comme le fait si bien TRUMP aux USA. Ils sont à cette étape méconnaissable et peuvent devenir très vite un danger pour la cohésion nationale et le fonctionnement normal des institutions de la République.
A titre d’exemple, pour ce qui le concerne, TRUMP a mis à mal, le modèle démocratique des américains hérité des pères fondateurs de cette nation. Il a géré son pouvoir dans la polémique interne et la brouille des relations diplomatiques des USA avec le monde et les institutions qui le gouvernent.
Ce dernier exemple conforte la position de certains qui estiment qu’un homme d’affaires à la tête d’un Etat reste et demeure une anomalie symptomatique dans la construction d’un Etat-Nation et le vivre ensemble.
Cependant, à mon humble avis, un individu qui a réussi dans les affaires devrait normalement mieux gérer une nation. Il sait mieux se fixer des objectifs à impacts forts pour un mieux-être de ses administrés. Il sait mieux se donner les moyens pour atteindre rapidement ses objectifs de développement. Il connait mieux que quiconque les leviers de développement à activer pour booster l’économie de son pays. Bref, ses capacités à réussir cette fonction sont évidentes.
La vraie préoccupation pour ce qui concerne les pays africains, est de savoir à qui incombe la responsabilité de l’émergence des hommes d’affaire en politique ?
Si le sentiment d’indignation sur le fond, d’une gestion aux relents amateuristes, des affaires de la plupart des pays africains par les hommes d’affaires projetés au-devant de la scène politique, il y a lieu de savoir à quelle classe incombe la responsabilité.
En effet, la lutte politique depuis la période coloniale jusqu’à nos jours a été l’apanage de l’élite. Et le bilan est là patent, puant, déshonorant et mérite une thérapie de choc. Les tares constatés, sont énormes et constituent de véritables entraves à la construction de l’édifice national.
N’est-ce pas ce qui a poussé le Général Mathieu KEREKOU, le sage, le baobab, l’homme du peuple à sortir de ses gongs et traiter l’élite béninoise « d’intellectuels tarés » ? Il va loin, pour dire « Ils n’aiment pas leur pays, ils se comportent s’ils sont des étrangers en mission dans leur pays ». Il revient plus tard pour dire « si vous êtes prêts moi aussi je suis prêt ». Et à l’ancien président du Bénin, Boni Yayi de prévenir « si vous voulez changer, changez vos mentalités »…
Mes chers intellectuels, prenons le courage de nous mirer dans la glace. Nous avons échoué, pour la majorité, dans les hautes fonctions de la République. Bref, c’est ce qui a fait émerger des hommes d’affaires au-devant de la scène politique alors qu’ils devaient être des acteurs économiques pourvoyeurs d’emplois, de richessses et de devises pour les trésors publics et le développement de nos Nations.
Le patriotisme, l’amour de nos pays, le service désintéressé, l’esprit de probité et d’équité devront être, entre autres, les valeurs qui nous conduiront à la renaissance.
Dr Jean DOSSOUMOU