La Russie a dit mercredi vouloir repêcher elle-même le drone américain qu’elle est accusée d’avoir fait s’abîmer en mer Noire et que les Etats-Unis ont dit vouloir récupérer, Moscou voyant dans le déploiement de ces appareils une preuve d’implication directe de Washington dans le conflit en Ukraine.
Le Reaper MQ-9 est tombé en mer après avoir été percuté, selon Washington, par un chasseur russe. Moscou admet l’interception de l’appareil mais dément tout contact et être à l’origine du crash. Un porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, avait précédemment affirmé sur CNN que les Etats-Unis avaient “pris des mesures” pour récupérer leur appareil.
La Russie a jugé les Etats-Unis responsables de l’incident et des tensions qu’il suscite, appelant Washington à cesser les vols “hostiles” de drones. A l’inverse, les autorités ukrainiennes ont accusé les forces russes d’avoir délibérément fait chuter le Reaper, afin de signaler que Moscou était prêt à l’escalade. C’est “un signal de (Vladimir) Poutine qu’il est prêt à étendre la zone du conflit et à y impliquer d’autres parties”, a déclaré sur Twitter le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien, Oleksiï Danilov.
La Russie a entretemps indiqué qu’elle allait s’efforcer de retrouver l’appareil et de la remonter à la surface pour l’analyser, alors que les Etats-Unis prévoient de faire de même. “Je ne sais pas si on arrivera à l’atteindre ou pas, mais il faut essayer. Et on va obligatoirement s’en occuper, et j’espère bien sûr avec succès”, a dit à la télévision russe le secrétaire du Conseil de sécurité, Nikolaï Patrouchev. Le responsable a également estimé que l’incident prouvait que les Etats-Unis “participent directement (…) à la guerre”.
Vols “hostiles”
Plus tôt, l’ambassadeur russe aux Etats-Unis, Anatoli Antonov, avait, lui, employé un langage martial et assené que son pays considérait la présence de drones américains dans la zone comme une menace, intimant aux Américains de cesser “leurs vols près des frontières russes”. “Nous considérons toute action avec recours à des armements américains comme ouvertement hostile”, a-t-il insisté, après avoir été convoqué par le département d’Etat américain.
Mardi, le général James Hecker, commandant des forces aériennes américaines en Europe, avait lui assuré que “les drones des Etats-Unis et des alliés continueront à opérer dans l’espace aérien international”. Selon sa version des faits, le Reaper MQ-9 effectuait “des opérations de routine dans l’espace aérien international” quand il a été intercepté par des chasseurs Su-27 puis “percuté” par l’un deux, entraînant la perte du drone. L’armée russe a elle démenti avoir provoqué la chute de l’appareil, mais admis que deux de ses chasseurs l’avaient intercepté.
C’est la première fois depuis le début de l’assaut russe contre l’Ukraine le 24 février 2022 qu’un pays de l’Otan reconnaît avoir perdu un équipement opéré par lui-même dans cette région hautement inflammable. L’armée américaine a donc dénoncé “les actions agressives des équipages russes” et relevé que ce type d’incidents pourrait provoquer “une escalade involontaire”. Selon la version russe des faits, le drone américain a été détecté “dans la zone de la péninsule de Crimée” un territoire ukrainien annexé par Moscou en 2014.
Interactions en mer Noire
L’appareil avançait “en direction” des frontières de la Russie “avec des transpondeurs éteints” et avait violé “la zone du régime provisoire d’utilisation de l’espace aérien établie pour mener l’opération militaire spéciale” en Ukraine, selon le ministère russe de la Défense. Il a été intercepté sans le toucher par deux chasseurs russes, avait-il ajouté, affirmant que soudain le drone “a commencé un vol non contrôlé avec une perte d’altitude et a heurté la surface de l’eau”.
Le drone Reaper est un aéronef de 20 mètres d’envergure piloté à distance, équipé de capteurs embarqués pour la surveillance, ainsi que d’armement. Volant à une vitesse de croisière de 335 km/h, il bénéficie d’une autonomie de plus de 24 heures.
Le ciel de la mer Noire est le théâtre de très régulières interactions entre des drones et des aéronefs des pays de l’Otan et les forces armées russes, en particulier depuis le début de la guerre en Ukraine. “Avec la crise actuelle, on a une augmentation du nombre de vecteurs de reconnaissance vers la Crimée, avec du Reaper, que l’on n’avait pas avant. Et en fonction de la situation, cela peut énerver les Russes”, souligne un expert français sous couvert d’anonymat.
Les alliés occidentaux de l’Ukraine, qui livrent depuis le début du conflit des armements à Kiev pour l’aider à se défendre, ne sont pas directement impliqués sur le territoire ukrainien, de crainte d’une escalade avec la puissance nucléaire russe.
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