Audace et Héritage Inspirant de Marie José Sombo : La RDC doit rendre hommage à l »Ève noire » de la presse africaine

Société

(« Susciter de nouvelles vocations de femmes journalistes pour mieux combattre les discriminations et violences faites aux femmes »)

Dans les années 50, des femmes courageuses ont ouvert la voie dans le monde des médias africains. Parmi elles, Marie José Sombo, pionnière de la presse congolaise, a brillamment joué son rôle lors de l’accession des pays africains à l’indépendance. Malgré les obstacles, elle est devenue la première femme noire africaine journaliste, inspirant les générations futures. À travers son travail acharné et sa passion pour la vérité, elle a brisé les barrières et a laissé un héritage indélébile. Aujourd’hui, il est essentiel de revisiter son histoire et de lui rendre hommage, même à titre posthume. La République Démocratique du Congo pourrait honorer sa mémoire en la décorant, inspirant ainsi les futures générations de femmes congolaises et africaines. En rendant hommage à Marie José Sombo, la RDC envoie un message puissant : l’histoire est façonnée par ceux qui osent, qui se battent et qui laissent une empreinte durable. C’est un devoir de préserver son héritage et de continuer à encourager la diversité et l’inclusion dans le journalisme et au-delà.

Présentation : Fréjus MASSIHOUNTON

 

« Si l’émergence des femmes dans les médias en Afrique a commencé dans les années  50,  avec des pionnières  qui ont bravé tous les obstacles antiféministes de cette période et ont su dignement  jouer  leur partition à l’accession des pays africains à l’indépendance, il est constaté de nos jours que cette propension des femmes à s’intéresser à ce noble secteur penche  drastiquement vers une tendance baissière. Plusieurs phénomènes sont à la base de cette situation et il s’avère impérieux de chercher à redresser cette pente. De ce fait, il faut regarder dans le rétroviseur, revisiter l’histoire et surtout reconnaitre le mérite de celles-là qui ont porté le flambeau de l’audace féminine dans les médias en Afrique à cette période-là et impérativement leur rendre l’hommage qu’elles méritent,  même à titre posthume,  à défaut de l’avoir fait de leur vivant. Au nombre de ces précurseurs, se trouve en tête de peloton madame Marie José Sombo. L’Ève noire de la presse africaine révélée à Bruxelles en 1956.

La presse africaine a joué un grand rôle à l’avènement de l’indépendance des pays d’Afrique. Parmi les acteurs des médias ayant accompagné les nations africaines  sur ce chantier,  il y avait aussi des femmes. Elles étaient presque inexistantes à cette époque et celles-là qui ont réussi à briser les barrières pour dire leur mot au même titre que les hommes ne sont pas nombreuses. Le peloton de tête constitué à ces premières heures d’émergence de la presse en Afrique d’après l’histoire, a connu des noms comme Marie-José Sombo du Congo Kinshassa, Annette Mbaye d’Erneville du Sénégal, Thérèse Bella-Mbida du Cameroun, Géraldine FALADÉ d’origine béninoise et bien d’autres.

Aperçu historique sur les quatre pionnières de la presse en Afrique

 

Marie José SOMBO est née le 27 décembre 1934. Après des études dites moyennes au Congo, elle devint rapidement membre de l’élite congolaise dans un pays que le colon avait orienté sur des futilités afin de mieux dominer et exploiter sans écueils.

Ainsi, dès l’âge de seize ans (1949), Marie José SOMBO, jeune fille, était speakerine à Radio Léopoldville actuelle Kinshasa. Elle rencontrera Urbain Karim Elisio da SILVA, un béninois, le premier homme de sa vie, qu’elle épousera. Urbain Karim Elisio da SILVA était alors patron de PUBLAFRIC, Agence de Publicité Africaine, une entreprise de publicité, comme son nom l’indique, et installé à Brazzaville. Ce dernier réussit à faire d’elle, une news-femmes hors du commun qui s’est vite fait remarquée dans les milieux politique du pays. Déjà en 1952, elle intègre le comité de rédaction du journal de son mari, ‘’ l’Echos Congolais’’ avant de rejoindre deux années plus tard le grand journal du Congo ‘’ L’Avenir du Congolais’’. Grâce à sa quête permanente de ‘’clarification’’ sur les grands enjeux politiques et économiques de son pays, elle a effectué de nombreux voyages professionnels où elle a toujours su porter haut la voix féminine sur les grandes questions sur l’Afrique.

 

Annette Mbaye d’Erneville est née le 15 décembre 1926, à Sokone , une ville à l’ouest du Sénégal, dans le Sine-Saloum. Elle est issue d’une famille métisse chrétienne, fille d’Hyppolithe d’Erneville et de Marie Turpin. Sa mère meurt lorsqu’elle n’a que deux ans. Elle effectue le début de sa scolarité à Saint-Louis, puis, en 1942, rejoint l’École normale de Rufisque jusqu’en 1945. Désireuse d’approfondir ses connaissances, elle est admise en 1947 au lycée Jules-Ferry puis à l’École normale des Batignolles à Paris ; à Saint-Germain-des-Prés, où elle rencontre Léopold Sédar Senghor, qui l’aide dans sa scolarité.

Puis, intéressée par les médias, elle réalise des émissions sur l’Afrique pour la Sofirad. En 1952, elle s’exprime pour la première fois à la radio sur la Radiodiffusion-télévision française (RTF). Elle complète sa formation, à partir d’octobre 1955, sur la production radiophonique à la Sorafom (société de Radiodiffusion de la France d’Outre-Mer) crée par Pierre Schaeffer, le Studio-École de Maisons-Laffitte en France (en région parisienne). Elle en est diplômée en 1951. En 1957, elle revient au Sénégal, y est tout d’abord enseignante, s’installe à Dakar avec ses enfants et y devient journaliste à Radio Sénégal.

 

Thérèse Bella-Mbida naît en 1933 au sud du Cameroun, dans l’ethnie des Betis. Elle reçoit son éducation de missionnaires catholiques. Dans les années 1950, après avoir obtenu son baccalauréat dans une école de Yaoundé, elle part à Paris pour poursuivre ses études, en lettres classiques. Diplômée de la Société de radiodiffusion de la France d’outre-mer (SORAFOM), elle rencontre la Béninoise Géraldine Faladé, qui vient, elle aussi, d’être diplômée en journalisme et qui devient une amie. C’est en France qu’elle développe un intérêt pour le journalisme et le cinéma. À Paris, en 1959, elle participe à la création de La Vie africaine, mensuel destiné aux Africains du continent et de la diaspora, dont elle est la seule femme africaine parmi les rédacteurs.

 

Géraldine Faladé , après des études au Centre de Formation des journalistes rue du Louvre, débute au magazine La Vie africaine à Paris, en 1958. Son père, Maximilien Faladé, est un fonctionnaire qui a fondé le premier journal du Dahomey et connu toutes sortes de tracasseries politiques. « Je suis allée le voir après avoir couvert la cérémonie de l’indépendance du Dahomey pour La Vie Africaine. Il m’a dit que ce que j’écrivais était bien, mais se demandait si j’étais sûre de pouvoir gagner ma vie avec la presse écrite », se souvient-elle. A son retour à Paris, la journaliste opte pour la radio, et rejoint l’équipe de la Sorafom, la Société de radiodiffusion de la France d’Outre-Mer qui devient en 1962 l’Office de coopération radiophonique, l’OCORA, ancêtre de Radio France Internationale. De là, elle continue à suivre les mouvements de libération.

 

Retour sur le champ de formation de Marie-José SOMBO, la première femme journaliste en Afrique noire

Déjà à seize ans, soit en 1949, Marie-José SOMBO s’est fait remarquer pour sa passion pour les médias et elle fait ses premières armes à Radio Léopoldville comme speakerine. Il a fallu sa rencontre avec le promoteur de PUBLIAFRIC, en 1951, pour que son destin de journaliste s’éclore, se façonne et se révèle.

Il faut préciser qu’à l’époque, Urbain Karim Elisio da SILVA était perçu comme un blanc-noir, cette expression locale désignait le noir de peau qui avait créé une entreprise comme un blanc et traitait avec les blancs.

Dans le contexte des deux Congo en ce temps, une jeune fille de Léopoldville qui travaillait avec un blanc noir à Brazzaville, préparait les dossiers, recevait les clients à tour de rôle, discutait avec eux, d’égal à égal, était inimaginable, inadmissible et inacceptable. Toujours est-il que c’est avec lui qu’elle reçut une formation plurielle incluant celle de journaliste.

Invité à se prononcer sur Marie José SOMBO, les impressions de celui qu’elle aimait et qu’elle préférait appeler Elisio, sont édifiantes :

« … mon épouse, si jeune, était une femme particulièrement éveillée, curieuse de toutes les choses de la vie… Et, par-dessus tout, intelligente, toujours avide d’apprendre… »

« Après la création du dépliant publicitaire et le journal « L’Echo Congolais » dont j’étais le rédacteur en chef, je l’initiai au métier de journalisme… Elle se révéla alors très réceptive, toujours éveillée, posant tous les jours des questions, pour mieux tout saisir, pour comprendre et savoir… « Il faut dire qu’entre-temps, en terminant mon séjour au Congo ex-Belge en 1954, je l’ai laissée dans les mains de futurs héros patriotiques congolais, comme Patrice Lumumba, Joseph Désiré Mobutu etc… Fin de citations.

Il n’est donc pas étonnant que des années après, Marie José SOMBO, autodidacte devint rédactrice du redoutable journal Congolais ‘’l’Avenir de Kinshasa’’ et, soit l’unique journaliste noire de son temps et de son Etat.  Membre d’une délégation Congolaise à Bruxelles,  en 1956,  elle relèvera « … qu’aucune Ève noire n’ait été invitée à faire partie d’aucune délégation de visiteurs… ».

 

Susciter de nouvelles vocations de femmes journalistes pour mieux combattre les discriminations et violences faites aux femmes

Aujourd’hui, les femmes rencontrent assez de difficultés pour se hisser dans ce secteur réservé au départ aux hommes. Les femmes qui y accèdent, doivent être courageuses pour affronter des obstacles qui leur sont souvent dressés sur le chemin. Principalement le harcèlement sexuel. Les femmes journalistes sont les meilleurs défenseurs du corps des femmes. La pente aujourd’hui observée en termes de représentativité des femmes dans le secteur doit amener les décideurs à penser à un lobbying approprié. Il s’agira entre autres de revisiter l’histoire des premières femmes journalistes, préparer des enseignements sur leurs parcours professionnels et surtout organiser des distinctions à ces dernières.

 

Une décoration à titre posthume pour l’Ève noire de la presse en Afrique

À l’échelle du continent, Marie José SOMBO fut la première femme noire africaine journaliste. Décédée en 2014, dans l’anonymat, à l’âge de 80 ans, la République Démocratique du Congo gagnerait à décorer Marie José SOMBO, à titre posthume, afin d’inspirer ou donner un exemple aux générations montantes de la gente féminine Congolaise voire africaine.

Anancone DJEMB

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