Macron au Bangladesh : La question de la place de la France dans l’Indo-Pacifique

International

Après avoir participé au sommet du G20 en Inde, Emmanuel Macron est arrivé dimanche soir à Dacca, au Bangladesh. Première visite d’un président français en 33 ans. Cette venue s’inscrit dans la nouvelle stratégie indo-pacifique de Paris. Une visite qui s’accompagne d’un volet économique, avec notamment un important contrat de livraison d’Airbus pour la compagnie aérienne nationale Biman Bangladesh Airlines.

Emmanuel Macron a annoncé un engagement sur dix avions A350 d’Airbus. Il s’agit du premier contrat entre le constructeur aéronautique européen et Dacca. Le montant, en cours de finalisation, devrait tourner autour de 3 milliards de dollars.

Cette compagnie se fournissait jusqu’à maintenant exclusivement auprès de l’Américain Boeing, précise notre envoyée spéciale au Bangladesh, Dominique Baillard. C’est donc un évènement pour les Européens et en particulier pour la France, où sont installées les usines d’Airbus.

Pour passer un contrat commercial, il fallait d’abord signer un accord politique. C’est chose faite depuis ce lundi matin. Après son arrivée dimanche soir, Emmanuel Macron a été reçu en grande pompe par la Première ministre, Sheik Hasina.

Dans l’aérospatial, une lettre d’intention a également été signée entre Airbus Defense et Bangladesh Satellite, pour la livraison d’un satellite d’observation.

Enfin, l’Agence française de développement (AFD) a signé une convention de financement avec le gouvernement portant sur 200 millions de dollars, pour accompagner le développement de 86 municipalités, dans le domaine du traitement des déchets, de l’eau potable ou de l’évacuation des eaux de pluie.

Paris mise de plus en plus sur Dacca. L’année 2022 a marqué un nouveau record des échanges commerciaux entre les deux pays. Ils ont augmenté de 50%, pour atteindre près de 5 milliards de dollars.

Les liens entre la France et le Bangladesh ont un fondement historique. André Malraux, venu sur place il y a tout juste 50 ans, avait appelé à l’indépendance du pays dès 1971. Mais ces liens ont désormais besoin d’être réactivés. La dernière visite d’un président français remontait aux années 1990.

La venue d’Emmanuel Macron s’inscrit dans la nouvelle stratégie indo-pacifique de la France. Dans le droit fil du rapprochement avec l’Inde. Et bien sûr, elle s’accompagne d’un volet économique. Outre des avions, la France aimerait bien vendre des centrales nucléaires au Bangladesh.

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Indo-Pacifique

Quelle stratégie et quels moyens pour la France?

Le chef de l’État français a ouvert la voie à une consolidation de la stratégie française dans l’Indo-Pacifique. Pari réussi ? L’analyse d’Emmanuel Véron, spécialiste de la Chine contemporaine et chercheur associé à l’Inalco et à l’École navale.

Il y a, côté français, me semble-t-il, un véritable intérêt pour ces questions-là qui s’est lui-même considérablement renforcé depuis 2017 et donc, par là même, sous les mandatures du président Macron. Reste la difficulté entre la question des échelles et des moyens. Il est formidable d’avoir sur le papier des documents parfaitement présentables, agréables à lire, et qui donnent envie, si je puis dire, quand on regarde les « concepts » indo-pacifiques, les « stratégies » – on mobilise les grands mots – , maintenant quand on met en perspective les moyens dont on dispose, on s’interroge, on a quelques questions. Quand on regarde l’éventualité de potentiel, à savoir l’Inde dans quinze ans, ou vingt ans, on s’interroge. Peut-être que tout n’est pas encore réuni. Donc aux universitaires et aux spécialistes de ces questions-là de mener les tâches de front pour véritablement donner des éclairages auprès du décideur politique, en l’occurrence les administrations actuelles sous les deux mandats du président Macron.

La stratégie française implique une volonté de rapprochement avec l’Inde, poursuit M. Véron.

Cette politique indo-pacifique, elle concerne en premier chef l’ensemble des fonctions régaliennes françaises. Pourquoi ? Parce qu’il y a d’abord et avant tout une logique de souveraineté, et qui est, la plupart du temps, ultra-marine, c’est-à-dire que l’Indo-Pacifique, après tout, est d’abord et avant tout une question maritime, d’espace maritime, de sécurité maritime, de souveraineté en mer. Vient ensuite la logique diplomatique, multilatérale, où la France essaye, autant que faire se peut, d’avoir une position qui n’est pas nécessairement celle des États-Unis, ou éventuellement des Britanniques, voire de l’Inde elle-même, du Japon ou de l’Australie, qui sont parmi les principales puissances de cet ensemble régional immense et qui – chacune de ces puissances – développe un agenda qui lui est propre. Donc la France essaie là-dedans d’avoir sa ligne originale, singulière. Il y a la recherche de partenaires principaux, c’est bien évidemment l’Inde, parce que l’Inde est un géant régional et une puissance qui cherche à avoir un agenda global, une logique multilatérale, une logique tous azimuts. La France essaie autant que faire se peut là aussi de se rapprocher de l’Inde pour en faire un partenaire à part entière, sur les questions environnementales, sur les questions internationales globales, un partenaire sur les questions d’industrie et de défense. Et puis, plus largement, une logique de partenaires diplomatiques tous azimuts.