Invité du débat africain animé sur Radio France internationale par Alain Foka dimanche dernier, Fernand Amoussou prétendant à la magistrature suprême au Bénin a levé un coin de voile sur sa vision de l’école béninoise. Il propose des réformes majeures pour éviter que le Bénin ne continue de former des chômeurs. « La question de l’emploi des jeunes doit être la priorité des priorités », déclare –t-il avant d’ajouter : « ’Je propose la création d’une banque de la jeunesse. Une banque spécialisée dans le financement de l’accompagnement de l’entreprenariat des jeunes». Interview.
Alain Foka : Vous avez un parcours remarquable dans l’armée. Qu’est-ce qui vous amène aujourd’hui à penser que vous pouvez être président de la république ? Vous voulez ressemblez au président Mathieu Kérékou qui vient de décéder ou c’est quoi exactement ?
Fernand Amoussou : Je suis très heureux. Nous avons rendu des hommages officiels au président Mathieu Kérékou. Parce qu’il nous a laissé un héritage. Servir le Pays. Ma vie a été au service du Bénin et de mes compatriotes. Je suis rentré dans l’armée à l’âge de 19 ans et la seule chose que j’ai faite dans ma vie et que je sais faire, c’est servir. Servir mon pays, servir mes compatriotes. Et en décidant d’être candidat à l’élection présidentielle, c’est simplement pour continuer de servir mes compatriotes.
Qu’est-ce qui vous fait penser que vous allez mieux servir que tous les autres finalement ? Ce n’est pas l’armée, la gestion d’un pays.
Vous-même vous le savez, que l’histoire du monde montre que des officiers militaires éminents ont joué un grand rôle dans l’histoire de leur pays. Je ne prétends pas jouer ce rôle, mais je crois que mon expérience auprès du Général Kérékou me permet de le faire. Mon expérience aussi, au service de la paix et de la sécurité en Afrique sont autant d’éléments qui peuvent permettre de mieux gérer ce pays dans l’apaisement, dans le dialogue, dans le consensus
Quand on entend un militaire parler de l’apaisement et de dialogue, on s’interroge
Vous savez, les militaires ne déclarent jamais la guerre. On fait faire la guerre aux militaires. Ce sont les politiques et d’autres qui déclarent les guerres. Et les militaires vont à la guerre pour mourir pour les autres.
Mais quand un militaire devient politique ; ça fait un cocktail assez détonnant non ?
Adenauer n’a pas été un dictateur. Charles de Gaul non plus. Et il y en a beaucoup dans l’histoire.
Mon Général, on va prendre maintenant les choses, les unes après les autres. On ira de l’économique, social au domaine politique. Commençons par l’économie puisque dans ce pays il y a une vraie attente. Le chômage est endémique. Dans le domaine économique, quel est votre projet à vous ?
Je pense qu’il faut mettre l’accent dans notre pays sur l’agriculture et sur les petites et moyennes industries. Nous sommes dans pays, vous l’avez rappelé, où il y a beaucoup de souffrances. Il y a beaucoup de chômage. Et donc, la question que nous devons nous poser est comment booster la croissance et créer de l’emploi. Il est clair aujourd’hui que l’Etat ne peut plus booster la croissance et créer de l’emploi. Ce sont les entreprises. Il faut donc que l’Etat soutienne l’entreprenariat national afin de créer les conditions pour que ces entreprises puissent soutenir la croissance économique et créer de l’emploi. A cet égard, je voudrais dire que les entreprises béninoises croulent sous le poids de la dette intérieure. Et l’une des mesures urgentes à prendre, c’est d’apurer la dette intérieure. Simplifier la fiscalité, la rendre plus transparente afin de soulager ces entreprises. Et ensuite, nous devons aussi créer des conditions pour améliorer le climat des affaires afin de permettre aux investisseurs étrangers de venir s’installer au Bénin. Je pense que le clou de notre vision, c’est la gouvernance. Le Bénin ne souffre aujourd’hui que de sa gouvernance. Nous avons de l’argent dans ce pays. Les gens en détournent tous les jours, mais il y en a toujours. Donc il y a de l’argent dans pays. Il y a les hommes et les femmes pour travailler dans ce pays. La preuve est qu’il y en a tellement que d’autres sont au chômage. Et grâce à Dieu, nous sommes dans un pays de paix. Alors, c’est la gouvernance. Et cette gouvernance là doit aussi se traduire au plan économique.
Quel doit être la place du secteur privé ?
Je voudrais dire que dans tout Etat, il n’y a de progrès que dans l’apaisement. Dans l’apaisement et les relations sociales au sein de la société. Et ce qui fait problème au Bénin, c’est que les relations sociales entre les différents partenaires, que ce soit les opérateurs économiques et l’Etat ; que ce soit entre l’Etat et les salariés. A tous les niveaux, il y a de la tension. Et c’est ça qui thésaurise l’activité économique. Je pense que ce qui est le plus important c’est l’apaisement. C’est une nouvelle manière de gérer la cité dans le dialogue, dans l’apaisement qui pourra permettre de créer les conditions d’un sursaut national.
Je vous entends tous parlez de l’économie(…), mais l’un des soucis majeurs dans ce pays, c’est l’énergie. A la question de l’énergie, avez-vous une solution pour qu’on en finisse avec les sempiternels problèmes de délestage dans ce pays ?
La question de la précarité de l’énergie affecte la vie des citoyens et l’activité économique. Et à cet égard, je pense que ça doit être l’une des priorités du prochain régime. Et je dois reconnaître que le gouvernement en place à fait des efforts dans ce domaine. Le dernier compact du Millénium Challenge Account (MCA), que j’ai épluché est essentiellement orienté vers la résolution de cette question énergétique. Et je souhaite que la mise en œuvre de ce programme permette avec d’autres initiatives qui vont être prises au lendemain de la passation de pouvoir, réellement de résoudre une fois pour toute, cette question de l’énergie.
Nous avons listé un certain nombre d’attente des jeunes. (…). Qu’est-ce que vous apportez comme solutions à leur problème endémique de chômage ? Comment comptez-vous trouver de la formation et de l’emploi à ces jeunes qui ont perdu l’espoir ? (…)
La question de l’emploi des jeunes doit être la priorité des priorités. Des jeunes au chômage constituent une menace pour la paix ; une menace pour la sécurité de nos pays. Parce que l’insécurité et le terrorisme instrumentalisent les difficultés des jeunes. Je pense que le premier point, c’est d’abord de réformer notre système éducatif. Nous avons un problème, c’est simplement que nous formons des jeunes qui ne trouvent pas de l’emploi. C’est-à-dire que la formation n’est pas en adéquation avec le marché de l’emploi. Ce n’est pas seulement le marché de l’emploi au Bénin. Mais le marché de la sous-région. Le ministre Golou a rappelé toute à l’heure notre proximité avec le Nigeria qui doit être une niche d’emplois pour nous. Et donc, la première chose, c’est revisiter notre système éducatif. Et j’ai l’habitude de dire que l’éducation nationale au Bénin doit changer de paradigme. Elle doit être orientée vers les filières technologiques, vers les filières de services, mais aussi tournée vers notre environnement. Le Nigeria, l’Afrique de l’est, mais aussi l’Afrique centrale où il y a des besoins. Nous avons aussi un autre problème avec tous nos jeunes qui sortent du système éducatif sans qualifications et qui en seconde ou qui en cinquième, par manque de moyens des parents. Je propose donc l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans avec une obligation de qualification précoce. C’est-à-dire, nous devons tout faire pour que nos enfants qui sortent du système éducatif, sortent avec une qualification. Mais je termine rapidement pour dire, qu’il y a aussi le cas de nos enfants qui passent par l’apprentissage : couturière, tailleur, soudeur. Nous ne pouvons pas les laisser. C’est pour cela que je propose, la mise en place d’un fond destiné à soutenir l’activité de ces jeunes. Soutenir leurs activités économiques et tout ce qu’ils voudront entreprendre pour pouvoir s’auto-employer. Je termine pour dire que nous devons aussi entretenir nos jeunes à l’entreprenariat. Et je propose la création d’une banque de la jeunesse. Une banque spécialisée dans le financement de l’accompagnement de l’entreprenariat des jeunes.
Est-ce que vous êtes confiant dans l’organisation des élections ? Est-ce que les conditions sont réunies pour des élections apaisées ?
Il faut que les conditions soient réunies. Nous sommes en train de suivre. Parce que si les conditions ne sont pas réunies, alors notre pays pourrait basculer dans une crise profonde. Je suis bien placé pour le savoir. J’ai géré la crise en Côte d’ivoire et je connais les conséquences d’une mauvaise gestion des élections. J’en appelle donc, à toutes les structures chargées de l’organisation de l’élection. Je ne veux pas que mon pays bascule.
Est-ce-que aujourd’hui vous avez le sentiment que tout est organisé ?
J’ai le sentiment qu’il y a une volonté.