À peine commencé, le quatrième mandat du Président togolais Faure Gnassingbé est ébranlé par la mort mystérieuse d’un colonel de l’armée, retrouvé un matin dans un bain de sang dans son bureau. À moins d’en conclure au suicide, qui donc a tué le colonel Madjoulba Bitala, chef de corps du 1er Bataillon d’intervention rapide?
Qui en voulait au colonel Madjoulba Bitala au point de l’assassiner dans les locaux mêmes de l’état-major général des forces armées togolaises? C’est la question qui taraude tout Lomé depuis une dizaine de jours. Le 4 mai dernier, le corps du chef du 1er Bataillon d’intervention rapide (BIR) a été découvert, baignant dans une flaque de sang. Une balle de 9 mm lui avait traversé le corps.
Pour faire toute la lumière sur «cet assassinat», Faure Gnassingbé, le chef de l’État togolais, vient de mettre en place une commission à la tête de laquelle se trouve le général Yark Damehame, ministre de la Sécurité et de la Protection civile togolaise. Son mandat: résoudre à tout prix ce qui est arrivé à l’officier du BIR dans la nuit du 3 au 4 mai.
Cette commission doit aider dans l’enquête criminelle ouverte par le procureur de la République Blaise Poyodi qui a communiqué une seule fois avec les médias pour évoquer, de façon lapidaire, les conditions dans lesquelles le corps a été retrouvé. Les seuls éléments connus à ce jour sont que le colonel a été aperçu pour la dernière fois quelques heures avant son assassinat. Il assistait à la cérémonie de prestation de serment de Faure Gnassingbé pour son quatrième mandat, avant d’être de garde, la nuit.
La théorie du complot
Dès le lendemain de cette mort tragique, le lieutenant-colonel Tchangani Atafai a été nommé, par décret présidentiel, en remplacement de l’officier défunt à la tête du 1er Bataillon d’intervention rapide de l’armée togolaise. Il a fait auparavant ses armes comme ancien chef de section interarmes à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr puis comme ancien commandant de l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire Bataillon Onoci.
Gerry Taama , député, président d’un parti politique d’opposition et ancien militaire lui-même, a exprimé son indignation dans la presse locale. Dans un long texte publié sur sa page Facebook, l’homme, qui est originaire du même village que le colonel assassiné, se répand:
«En pays nawda [origine du colonel assassiné, ndlr], un guerrier mort violemment est enterré en procédure d’urgence. Alors donc que rien n’est encore fait, on se précipite pour nommer un remplaçant. Nous ne sommes pas non plus en temps de guerre pour qu’il y ait un besoin opérationnel d’un nouveau chef rapidement. Si vous vouliez renforcer la théorie du complot et exacerber la colère de ceux qui se considèrent comme héritiers du colonel Madjoulba, vous ne pouviez pas mieux faire.»
La théorie du complot à laquelle fait allusion Taama trouve écho sur les réseaux sociaux. Des hypothèses selon lesquelles on aurait assassiné un «homme du peuple» qui n’était pas d’accord avec «le simulacre d’élection» de Gnassingbé se multiplient. Le tout, bien entendu, sans autre forme de preuve que des assertions rapportées par des «témoins» et des «sources» anonymes.
Plusieurs partis politiques et organisations de la société civile togolaise ont aussi réagi, demandant au gouvernement de faire, pour une fois, «toute la lumière sur cet assassinat».
«Au Togo, on assiste toujours à l’ouverture des enquêtes. Mais des enquêtes qui n’aboutissent jamais. Cette fois-ci, nous demandons au gouvernement d’entendre la voix des frères du colonel Madjoulba Bitala qui manifestent depuis quelques jours déjà dans la préfecture de Doufelgou, et de faire aboutir cette enquête pour que les auteurs de cette barbarie soient punis conformément à la loi», a déclaré au micro de Sputnik, Kao Atcholi, un ancien gendarme à la tête d’une association des victimes de la torture au Togo (ASVITO)
Pour la ligue togolaise des droits de l’Homme, la piste la plus crédible pour connaître l’auteur de cet assassinat est la balle trouvée dans le corps du colonel Madjoulba Bitala. L’organisation appelle le procureur à faire jaillir la vérité le plus tôt possible.
S.E.