La France deviendra le premier pays du monde à inscrire explicitement l’Interruption volontaire de grossesse dans sa constitution, sanctuarisant une procédure qui était au cœur de la bataille pour les droits des femmes au cours du XXème siècle. Pour ce faire le Parlement se réunit en Congrès lundi 4 mars à 15h30 à Versailles, dans une procédure rare : ce sera 22ème fois de la Vème République et la première depuis 2008.
Selon le protocole du vote, les 925 députés et sénateurs vont d’abord prendre place dans l’aile du Midi du Château de Versailles. Dans le décor rococo, ils écouteront alors sagement le Premier ministre Gabriel Attal présenter le texte, très court, qui ajoute simplement, à l’article 34 de la Constitution, la mention « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Les représentants des 18 groupes politiques du Parlement parleront ensuite cinq minutes chacun : il ne s’agit pas d’un débat, ce sont des prises de parole pour expliquer la position de chacun. À la suite de ce passage, les parlementaires iront dans les salles voisines pour voter.
Au vu des scores lors du passage du texte à l’Assemblée et au Sénat, la majorité requise des trois cinquièmes du Parlement devrait être largement atteinte.
Une fois les résultats proclamés – un faux suspense dont la fin est attendue pour 18h30 (17h30 TU) – le Congrès authentifiera d’abord ces résultats. Il ne manquera alors qu’une seule étape : le scellement de la Constitution par le Garde des sceaux. Cette procédure est prévue vendredi au ministère de la Justice, place Vendôme, en présence du président français Emmanuel Macron : nous serons alors le 8 mars, soit la journée internationale des droits des femmes.
« Il reste des difficultés à l’accès à l’IVG » en France
Delphine Giraud, coprésidente de l’Association des sage-femmes orthogénistes (Anso), espère que cette « très bonne nouvelle » aura de « vraies conséquences à l’accès à l’IVG », car « il reste des difficultés d’accès à l’IVG dans le territoire ».
Delphine Giraud, coprésidente de l’Association des sage-femmes orthogénistes (Anso), espère que cette « très bonne nouvelle » aura de « vraies conséquences à l’accès à l’IVG »
Pour la sage-femme orthogéniste – classification des sage-femmes qui s’occupent des IVG et de la contraception -, la perspective d’une meilleure prise en charge est importante car l’IVG est souvent vue comme « l’enfant pauvre de l’hôpital ».
Delphine Giraud, coprésidente de l’association des sage-femmes orthogénistes (Anso), espère que l’IVG sera mieux mieux considérée, étant souvent une variable d’ajustement face au manque de moyens de l’hôpital
Alors que la France deviendra ainsi le premier pays à inscrire ce droit dans sa loi fondamentale, dans de nombreux pays, on est très loin de cette avancée. Camille Butin, de la Fédération internationale des plannings familiaux, espère ce qu’il se passe en France va servir à influencer d’autres pays.
«Une décision importante pour la France, mais aussi très importante à l’international», selon Camille Butin, de la Fédération internationale des plannings familiaux
Les parisiennes saluent un geste « symbolique » mais « très fort »
Deux Français sur trois sont favorables à cette mesure, car cela rendra toute tentative de suppression de ce droit plus difficile.
Pour Elisabeth, la cinquantaine, lunettes rouges au nez, l’inscription de l’IVG dans la Constitution est une fierté : « Pour la France, c’est une très bonne nouvelle, puisqu’on sera le premier pays dans le Monde à l’inscrire dans sa Constitution, explique la quinquagénaire, des lunettes rouges aux nez. Même si dans les faits, cela ne change pas grande chose, symboliquement, je trouve cela très fort. »
Même son de cloche pour Michelle, 76 ans, qui se réjouit, mais qui regrette que « certains l’utilisent comme substitution à la pilule contraceptive ». Comme Michelle, Jeanne, 21 ans, salue une mesure qui empêchera toute tentative éventuelle de supprimer ce droit.
Les parisiens qui le souhaitent pourront suivre le vote du Congrès sur un écran géant sur la place du Trocadéro.
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Une longue bataille pour l’avortement en France
Si actuellement une forte majorité est favorable à l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) à la Constitution, comme lors du vote du Parlement en Congrès lundi 4 mars, la légalisation de l’avortement a été le fruit d’une bataille acharnée des femmes, qui a pris fin il y a moins de 50 ans.
Il y a près de 80 ans seulement, le régime de Vichy (1940-1944) faisait de l’avortement un « crime contre la sureté de l’État » et guillotinait les avorteuses.
Malgré l’abrogation de cette loi à la Libération, l’avortement est resté un délit. Si à la fin des années 1950, les mouvements pour la légalisation se multiplient, les femmes, surtout les plus pauvres, continuent à avorter clandestinement, souvent au péril de leur vie.
Les années 1970 ont marqué un tournant : « je me suis fait avorter », clament en 1971 dans la presse 343 femmes, dont l’actrice Catherine Deneuve ou l’écrivaine et figure du féminisme Simone de Beauvoir, brisant un tabou pour forcer le débat public. L’avocate Gisèle Halimi fera de même l’année suivante, avec le procès de Bobigny : une adolescente, dénoncée par son violeur pour s’être fait avorter, est alors transformé en tribune politique.
Ces deux électrochocs aideront Simone Veil, alors ministre de la Santé sous Valéry Giscard d’Estaing, à arracher en 1975, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse.
Les décennies suivantes verront le combat se poursuivre, pour que ce droit formel à l’IVG – motivé à l’origine surtout par des considérations de santé publique – se mue en un réel droit des femmes à disposer de leur corps. Cela se fait notamment via la consolidation des modalités d’accès et de prise en charge : la création d’un délit d’entrave à l’IVG en 1993, sa prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie en 2013 ou encore l’allongement progressif du délai légal de recours en 2001 et 2022.