C’est une autre déflagration après la dissolution de l’Assemblée nationale. Sur la chaîne TF1, le président du parti conservateur Les Républicains, Éric Ciotti, a annoncé, jeudi 11 juin, qu’il souhaitait un accord avec le Rassemblement national (extrême droite) pour les élections législatives à venir.
C’est peut-être l’acte de décès des Républicains (LR) que vient de prononcer son patron Éric Ciotti en annonçant qu’il souhaitait un accord avec l’extrême droite du Rassemblement national (RN) pour les législatives à venir. Un accord auquel Jordan Bardella avait ouvert la porte dès lundi 10 juin. Les chefs de parti se sont parlés et ont donc topé, rapporte Valérie Gas du service politique de RFI. Le RN veut élargir son socle et Éric Ciotti estime que les LR sont trop faibles et ont besoin d’alliance pour préserver un groupe à l’Assemblée. Les députés sortants qui le suivront n’auront donc pas de candidats RN face à eux. L’accord prévoit aussi ce qu’Éric Ciotti appelle des circonscriptions de conquête pour les LR.
L’objectif est ainsi de combattre le président Emmanuel Macron et former une nouvelle majorité : « un choix courageux », a tout de suite salué Marine Le Pen. « Quarante ans d’un pseudo-cordon sanitaire, qui a fait perdre beaucoup d’élections, est en train de disparaître », a fait valoir auprès de l’AFP la patronne des députés Rassemblement national à l’Assemblée nationale.
Si l’accord se concrétise, ce sera le premier de ce genre en France entre la droite et l’extrême droite. Le patron de LR a estimé que la droite avait besoin de cet accord pour préserver sa représentation à l’Assemblée nationale, qui compte aujourd’hui 61 députés, dont beaucoup ne sont pas sur la ligne du président du parti.
Une grande partie des responsables LR opposés à l’accord
Cette annonce marque en effet un point de non-retour pour une grande partie des responsables LR. Ceux-ci, dès avant la prise de parole d’Éric Ciotti, sont montés au créneau pour dénoncer toute alliance avec le parti de Marine Le Pen. De Xavier Bertrand à Jean-François Copé en passant par Valérie Pécresse, Olivier Marleix et même Laurent Wauquiez.
Ce dernier, qui est le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a affirmé qu’il ne « croit pas » aux « alliances » et prône une ligne de « clarté » qui « ne trahit jamais » : « Je vois tous ceux qui sont en train de s’agiter pour faire des coalitions, pour faire des alliances, pour faire des petites combinaisons. Je le dis tout de suite : je n’y crois pas », a ajouté l’ancien patron de LR, qui a annoncé être candidat aux législatives à venir, dans son fief de Haute-Loire.
Le sénateur Bruno Retailleau s’est, lui aussi, désolidarisé en dénonçant une « ligne personnelle » d’Éric Ciotti, tout comme Gérard Larcher. Celui qui est le président des sénateurs LR a accusé Eric Ciotti d’avoir « menti » et de « déloyauté » : il « nous a menti dans un but sans doute personnel vis-à-vis de Nice, mais aussi dans un but qui était de nous placer dans une situation telle qu’on ne puisse pas se retourner », a déploré Bruno Retailleau.
L’eurodéputé François-Xavier Bellamy a estimé que la droite ne doit « pas abandonner ses couleurs ». Les dirigeants de LR ont voulu montrer leur unité et la solitude de M. Ciotti en publiant une tribune dans Le Figaro, assurant que sa décision était « une impasse ».
Au sein du parti, on assure par ailleurs que M. Ciotti « n’a aucun pouvoir d’investir » et que la désignation des candidats LR revient à la commission nationale d’investiture (CNI) où il ne disposerait pas d’une majorité. « Sa décision est donc nulle et non avenue », assure à l’AFP un cadre du parti.
Deux défections après l’annonce
Deux premières défections ont d’ores et déjà été rapportées. La vice-présidente Sophie Primas et le rapporteur général du Budget, Jean-François Husson, ont annoncé ce mardi qu’ils quittaient le parti gaulliste après l’annonce d’Éric Ciotti. « Une alliance avec le RN aux législatives, c’est bien sûr sans moi ! Je quitte Les Républicains et continue le combat avec le soutien unanime du groupe de Gérard Larcher (président du Sénat) et Bruno Retailleau (chef des sénateurs LR) », a écrit Jean-François Husson sur X.
« Éric Ciotti signe les accords de Munich »
Éric Ciotti reste pour le moment président de LR et dit s’en remettre aux militants. Mais on voit mal comment le parti, tiraillé depuis 2017 entre une ligne droitière et une ligne centriste, peut survivre à cette annonce. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui en est issu, a dénoncé la décision, affirmant que « Éric Ciotti signe les accords de Munich », du nom de l’accord de 1938 permettant à l’Allemagne nazie d’annexer une partie de la Tchécoslovaquie, et « enfonce la famille gaulliste dans le déshonneur ». Cela peut-être dans l’espoir de voir les opposants à Éric Ciotti rejoindre la majorité.
L’union de la droite avec l’extrême droite a été aussitôt dénoncée également dans le camp présidentiel et à gauche. Pour l’eurodéputée insoumise Manon Aubry, « cela dit clairement que la droite républicaine est morte, ce qui est un choc pour nous tous ».