La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) a rendu le 5 mai 2020 une autre décision sur les élections communales 2020 au Bénin où la campagne électorale bat son plein.
Le Requérant est Monsieur Hounguè Eric Noudehouenou, un citoyen béninois, économiste et fiscaliste de formation.Il est représenté par le bâtonnier Robert Dossou et Maître Laurent Bognon, Avocats au Barreau du Bénin..Dans sa requête au fond, il expose : « la loi numéro 2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la Constitution béninoise exclut de la participation aux affaires publiques du Bénin tout citoyen béninois qui n’est pas affilié à un parti politique et institue le parrainage comme condition à la candidature à l’élection du Président de la République. Ceci a pour effet de remettre en cause le principe d’impartialité et d’alternance démocratique. A cela s’ajoutent I’exigence d’un quitus fiscal prévu par le code électoral du Bénin dont la délivrance relève de la seule compétence du Directeur des lmpôts, et l’instauration par le Conseil constitutionnel béninois d’un certificat de conformité à la loi numéro 2018-23 du 17 septembre 2018 ce qui n’existe pas dans la loi n° 2018-31 du 09 octobre 2018 qui régit les pièces de candidature ».
En saisissant la Cour, le Requérant sollicite au fond les mesures suivantes : « Une décision affirmant que sont fondées les violations des droits humains du Requérant et que l’Etat défendeur ( l’Etat béninois, ndlr) a violé chacun des droits humains en cause ou des articles des instruments internationaux évoqués ; une décision ordonnant à l’Etat béninois de prendre toutes les mesures constitutionnelles, législatives et autres dispositions utiles dans un délai d’un mois et avant les prochaines élections ( scrutin du 17 mai 2020, ndlr), afin de mettre fin aux violations constatées et informer la Cour des mesures prises à cet égard ; une décision ordonnant particulièrement à l’Etat béninois de prendre toutes les mesures afin de garantir au plaignant comme à tout citoyen béninois, le droit de participer librement et directement aux élections communales, municipales, de quartiers de ville et de
villages de 2020 ; une décision ordonnant à l’Etat béninois de prendre toutes les dispositions afin de faire cesser tous les effets des violations dont il a été reconnu coupable par cette Cour conformément au chapitre
‘’lX Réparation du préjudice subi’’de la résolution 60/147 des Nations Unies du 16 décembre 2005 ; une décision permettant au plaignant, eu égard à l’urgence des questions de fond, de compléter ultérieurement I’analyse juridique sur les réparations des préjudices pécuniaires et moraux dans un délai que la Cour fixera ;un ordre que l’Etat béninois paie le coût de cette action ; un ordre que l’Etat béninois soit condamné aux entiers dépens».
La CADHP demande au Bénin « la levée de tout obstacle administratif, judiciaire et politique à la candidature aux élections… »
Après étude de la requête, dans son arrêt du 5 mai, la Cour africaine « ordonne à l’Etat défendeur ( l’Etat béninois, ndlr) de prendre toutes les mesures nécessaires afin de lever de façon effective tout obstacle administratif, judiciaire et politique à la candidature aux prochaines élections communales, municipales, de quartier, de ville ou de village au bénéfice du Requérant ». Aussi, la CADHP « demande à l’Etat béninois de faire rapport sur la mise en œuvre de la présente ordonnance dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de réception » de la décision.
Il faut souligner que le gouvernement béninois a récemment retiré sa déclaration au protocole instituant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). En retirant sa déclaration au protocole de la Cour africaine des droits de l’homme, le Bénin ne permet plus à ses citoyens et aux organisations de la société civile du pays de saisir, en cas de violation de leurs droits, la Cour africaine des droits de l’homme. qui siège à Arusha, en Tanzanie.
Et pour corroborer ce retrait, le 25 mars 2020, I’Etat béninois a déposé auprès de la Commission de l’Union Africaine, l’instrument de retrait de sa déclaration. Dans son arrêt rendu le 5 mai, la Cour africaine rappelle au Bénin que dans son arrêt dans l’affaire lngabiré Victoire contre la République du Rwanda, elle a conclu que « le retrait de la déclaration déposée en vertu de l’article 34 (6) du Protocole n’a pas d’effet rétroactif et n’a aucune incidence sur les affaires pendantes au moment de la notification du retrait, comme c’est le cas pour la présente requête ». La Cour a également confirmé que « tout retrait de la Déclaration ne prend effet que douze (12) mois après le dépôt de l’instrument de retrait ». Avec cette nouvelle décision, la CADHP s’attend donc à recevoir du Bénin le rapport sur la mise en œuvre de la présente ordonnance. Et ce, dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de réception. Lire ci-dessous l’intégralité de la décision.
Jean-Louis KOGBEDJI
Voici l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples
003-2020—HOUNGUE-ERIC-NOUDEHOUENOU-c-Republique-du-benin—mesure-provisoire