La classe politique béninoise rend hommage à Mathieu Kérékou

Actualités

La classe politique ainsi qu’une grande majorité de la population béninoise ont rendu hommage à Mathieu Kérékou, ce jeudi, au lendemain de l’annonce du décès de l’ex-chef de l’Etat. L’actuel président Boni Yayi a présenté ses condoléances « les plus attristées », ainsi que celles de la nation tout entière, à la famille du défunt. Dans la rue, beaucoup gardent l’image d’une figure respectée et rassurante.

Au Bénin, les hommages se multiplient à l’endroit de celui qui a présidé aux destinées du pays pendant près de trois décennies. L’actuel chef de l’Etat s’est rendu au domicile deson prédécesseur disparu, afin de présenter ses condoléances ainsi que celles « de la République et du gouvernement ». « La nation béninoise tout entière est en deuil », a fait savoir Boni Yayi, qui a décrété une semaine de deuil national.
De son côté, Adrien Houngbedji, président de l’Assemblée nationale et grande figure de la vie politique béninoise, salue la mémoire d’un homme qui, selon lui, a su écouter son peuple et évoluer vers la démocratie. « Je garde du président Kérékou, l’image d’un grand homme d’Etat, a déclaré à RFI Adrien Houngbedji, un homme sage qui a su [entreprendre] le virage que demandait son peuple. »
Un bel hommage rendu l’ancien Premier ministre du président défunt, mais qui fut aussi son adversaire auparavant. Kérékou l’avait même fait condamner à mort en 1976 parce qu’il avait défendu dans le prétoire un opposant pourchassé par la dictature.
« Il n’était pas indifférent à la souffrance du peuple, il voyait manifestement que le marxisme-léninisme ne conduisait qu’à une plus grande paupérisation, juge l’actuel président de l’Assemblée. Il se rendait bien compte que la privation de la liberté était un frein absolu au développement du pays et, redevenu président de la République, il a été un président concerné par […] le respect des libertés publiques, le respect des droits de l’homme et le respect de la démocratie elle-même. Et c’est en cela que les Béninois considèrent qu’il est le père de notre démocratie, le père de la nation. »
Un vision que partage Antoine Idji Kolawolé. L’ancien ministre des Affaires étrangères de Kérékou l’a d’abord combattu politiquement lorsque l’ancien chef de l’Etat était le chantre du parti unique, puis l’a rejoint lorsque le président s’est converti à la démocratie.
« Le président Kérékou qui est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, a dirigé le parti unique, un parti que l’on pouvait dire totalitaire, qui régnait sans partage, et que j’ai combattu totalement pendant cette période. C’est le même président Kérékou qui, après la conférence nationale, a découvert la démocratie et je crois, s’y est converti de manière sincère. Beaucoup de choses qu’il a faites par la suite sont marquées par le désir de mettre en œuvre la démocratie au Bénin, de faire du Bénin un pays respecté, un pays qui compte en Afrique. »
Admiration et mauvais souvenirs
Au diapason de la classe politique, la majorité des Béninois rend hommage à l’homme qui a accepté les conclusions de la conférence nationale en 1990, au premier président africain à avoir mené une transition démocratique et ouvert son pays au multipartisme. Celui aussi qui est revenu au pouvoir par les urnes en 1996 et qu’il a quitté en 2006 après ces deux mandats constitutionnels. Beaucoup, dans les rues de Cotonou saluent « l’homme de paix et de réconciliation ».
Mais ceux qui ont souffert pendant le régime marxiste léniniste ont une autre vision. Ce sont des voix assez rares, discrètes pour le moment, qui rappellent cette expression de l’époque : « Soit tu es révolutionnaire, soit tu es réactionnaire ». Les opposants ont été considérés comme tels, ont été envoyés en prison, torturés, poussés à l’exil. Certains ont tout perdu, et des familles ont été brisées.
Le décès de Mathieu Kérékou, à quatre mois et demi de la présidentielle, suscite beaucoup de commentaires. De nombreux Béninois, des personnalités, des jeunes disent ou écrivent sur les réseaux sociaux, que le Bénin a besoin de lui, car même s’il n’intervenait plus dans la vie politique, l’ancien président conservait une aura et une influence qui, quelque part, rassurait la population.