(La décision du retrait ne peut s’appliquer qu’au bout d’un an en vertu du traité de l’organisation sous-régionale)
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé, dimanche 28 janvier, leur « retrait sans délai » de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Une décision qui ne peut s’appliquer qu’au bout d’un an en vertu du traité de l’organisation sous-régionale. La Cédéao se dit prête à une « solution négociée ».
Par un communiqué conjoint daté du 28 janvier, le Mali, le Niger et le Burkina Faso annoncent le « retrait sans délai » de leurs pays de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest.
Après l’annonce de retrait, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’est déclarée prête dimanche dans un communiqué à trouver « une solution négociée ».
Ces trois pays sont « des membres importants de la Communauté » qui « reste engagée à trouver une solution négociée à l’impasse politique » créée par l’annonce de leur retrait dimanche dans un communiqué commun. La Cédéao dit attendre encore « la notification formelle et directe » de cette décision.
Que reprochent le Mali, le Burkina Faso et le Niger à la Cédéao ?
Plusieurs reproches sont adressés par les trois pays qui rappellent avoir été à l’origine de la fondation de l’organisation régionale il y a près d’un demi siècle par 15 États d’Afrique de l’Ouest.
– éloignement des idéaux des pères fondateurs et du panafricanisme
– influence de puissances étrangères
– menace pour ses États membres et non-assistance dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité
– imposition de sanctions jugées « illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables en violation de ses propres textes »
Que reproche la Cédéao au Mali, Burkina Faso et Niger ?
Mali, Burkina Faso et Niger sont tous trois suspendus des instances de l’organisation.
Les relations se sont dégradées à la suite de pustchs militaires qui ont renversé les présidents malien Ibrahim Boubaca Keita, burkinabé Roch Marc Christian Kaboré et nigérien Mohamed Bazoum.
Des sanctions prévues dans le Traité de la Cédéao
Le Traité de la Cédéao évoquent « des sanctions possibles en cas de de non respect des obligations » par les États membres. Cinq types de sanctions sont mentionnées : »
– La suspension de l’octroi de tout nouveau prêt ou de toute nouvelle assistance par la Communauté;
– La suspension de décaissement pour tous les prêts, pour tous les projets ou les programmes d’assistance communautaires en cours :
– Le rejet de la présentation de candidature aux postes statutaires et professionnels;
– La suspension du droit de vote: et
– La suspension de la participation aux activités de la Communauté ».
Au Mali, les militaires en place depuis bientôt quatre ans sous la conduite du colonel Assimi Goïta s’étaient engagés à organiser des élections en février 2024. Mais ils ont repoussé l’échéance à une date inconnue.
Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré avait affirmé après sa prise de pouvoir le 30 septembre 2022 qu’il tiendrait les engagements pris auprès de la Cedeao par son prédécesseur, le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, de tenir des élections à l’été 2024. Depuis, le régime a indiqué que la lutte contre les groupes jihadistes était la priorité.
Au Niger, quelques jours après le coup d’Etat du 26 juillet 2023, le général Abdourahamane Tiani a déclaré que la période de transition avant le retour des civils n’excéderait pas trois ans. La durée exacte de la transition doit être fixée lors d’un « dialogue national » qui n’a pas encore débuté.
Aucune sanction n’a été prise contre le Burkina Faso, autre que la suspension des instances de la Cedeao.
Au Niger, le blocus commercial a fait grimper le prix des denrées alimentaires et créé une pénurie de produits essentiels, notamment de médicaments.
Des sanctions économiques et financières prises contre le Mali ont, elles, été levées en juillet 2022. Mais la Cédéao a menacé le pays de sanctions majeures en cas de non-respect d’un échéancier de 24 mois de transition, de même pour le Burkina Faso.
Force est de constater que les mesures de rétorsion prises par la Cédéao ont produit peu d’effets à ce jour sur le retour des civils à la tête de leur pays.
Que représentent Mali, Burkina Faso et Niger dans la Cédéao ?
Il s’agit de trois États sahéliens, sans littoral maritime.
Avec le retrait de ces trois États intérieurs, l’organisation sera réduite aux 12 Etats littoraux d’Afrique de l’Ouest.
Mali, Burkina Faso et Niger représentent 2,75 millions de km2 sur 6,1 millions de km2 de l’ensemble des Etats membres de l’organisation.
Le Mali et le Niger sont plus de 4 fois plus grands que le Burkina Faso (274.000 km2). Mali et Burkina Faso ont une population quasi identique d’environ 22 millions d’habitants contre plus de 25 millions d’habitants pour le Niger.
Les trois Etats sahéliens ont eu leurs destins liés à la suite des putschs qui ont amené au pouvoir des militaires.
Ils sont confrontés à des problématiques similaires d’insécurité, de jihadisme et de pauvreté.
Sur le plan international, les trois pays ont rompu avec la France. Ils ont poussé les ambassadeurs et les forces françaises vers la sortie et se sont tournés politiquement et militairement vers la Russie.
En septembre 2023, Mali, Burkina Faso et Niger ont formé une Alliance des États du Sahel (AES) placée sous le signe de la souveraineté et du panafricanisme.
Quelles sont les modalités de retrait de la Cédéao ?
La Cédéao a connu un précédent en matière de retrait, dans des circonstances très différentes : celui de la Mauritanie en 2000. Pays charnière entre le Maghreb et l’Afrique de l’ouest, Nouakchott avait motivé son retrait par la volonté de se concentrer sur l’Union du Maghreb Arabe (UMA) pour des raisons culturelles.
Le pays avait suivi la procédure officielle prévue dans le Traité de la Cédéao, révisé en 1993, (chapitre XXII, article 91), à savoir notifier « par écrit, dans un délai, d’un an, sa décision au Secrétaire Exécutif qui en informe les Etats Membres. A l’expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cet Etat cesse d’être membre de la Communauté. » Un an après, sa notification de retrait, la Mauritanie a quitté fin décembre 2000 l’organisation sous-régionale réduite à 15 membres, le Cap-Vert étant entré en 1997.
Reste que pendant le délai d’un an, un « État membre continue de se conformer aux dispositions du présent Traité et reste tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du présent Traité ».
Cette décision de retrait pourrait produire des effets considérables, par exemple pour la circulation des biens et des personnes, pour les trois pays concernés, dépourvus d’accès à la mer, et pour la région. Elle suppose des implications sur les exemptions de visa et les exonérations de taxe, avec des retombées sur les prix.
(Avec tv5)