Le chef de l’État nigérien a reçu les militants panafricanistes à Niamey. Une occasion d’activer des influenceurs capables de mobiliser, au sein des diasporas, en faveur du projet de confédération des États du Sahel.
S’ils sont raccord sur les éléments de langage souverainistes, ils sont aux antipodes en matière de communication. Comme les autres juntes de la région, celle du Niger est pilotée par des militaires engoncés dans des treillis d’où jaillissent des discours dignes de l’ère Sékou Touré, entre phraséologie ampoulée et déploiement idéologique suranné. Les activistes 2.0. du panafricanisme ripoliné, eux, captent l’attention des plus jeunes avec une maîtrise pointue et moderne des réseaux sociaux. Les militaires avaient donc tout à gagner à recevoir Kemi Seba et Nathalie Yamb.
Ce mardi 21 mai, le général de brigade Abdourahamane Tiani a accordé une audience au Franco-Béninois et à la Suisso-Camerounaise. Selon le communiqué du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), les échanges ont été « empreints d’une grande solennité et d’une profonde conviction, reflétant la convergence des aspirations et des luttes pour l’affirmation de l’identité africaine et la défense des intérêts vitaux du continent. »
Jargon panafricaniste
Jamais avares de grandes phrases, les panafricanistes ont déroulé des expressions tout-terrain qui, il est vrai, n’ont rien à envier au jargon politicien des démocrates : « solidarité et espoir », « convergence des luttes », « vitalité et résilience », « courage, abnégation et engagement », « communion avec les forces vives du panafricanisme », « mobilisation des consciences pour la renaissance du continent » et « détermination inébranlable des peuples à tracer leur propre voie vers un avenir de dignité, de prospérité et de souveraineté ».
Les visites de Nathalie Yamb et de Kemi Seba n’étaient pas aussi inédites que les grandes pompes mobilisées auraient pu le laisser croire. En décembre dernier, la première était élevée au rang de chevalier de l’ordre des Palmes académiques par la junte nigérienne. Trois mois plus tôt, le second était déjà reçu par Abdourahamane Tiani , en marge d’un meeting « panafricain contre la Françafrique ».
Du buzz en attendant les institutions
Il en va ainsi des néonationalistes qui se gargarisent d’un certain internationalisme, pourvu que celui-ci soit prioritairement africain et subsidiairement russophile. Se faire prendre en photo avec Kemi Seba et Nathalie Yamb, c’est moins s’afficher avec des activistes qu’avec des influenceurs générant des clics dans leurs communautés largement disséminées dans l’Occident honni. En prime, être validé par un Kemi Seba sous le coup d’une procédure de déchéance de sa nationalité française, c’est aussi jeter une petite dose de poil à gratter sur le régime béninois avec lequel les autorités nigériennes sont actuellement en bisbilles. L’activiste n’exclut pas d’être un jour candidat à la magistrature suprême à Cotonou.
Leur visite permet aussi de faire patienter les partisans de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Le 18 mai, elle franchissait une nouvelle étape dans l’institutionnalisation et l’opérationnalisation d’une confédération – sans toutefois divulguer le contenu du projet de texte fondateur. Et sans fixer la date du sommet qui devrait l’adopter.
Avec La Matinale de J.A.