Au Bénin, sous le président Boni Yayi, Barthélémy Kassa avait été contraint à démissionner de son poste de ministre de l’eau et de l’énergie, après des accusations de détournement de 4 millions d’euros d’aide publique néerlandaise (près de 03 milliards de FCFA) au détriment d’un programme d’aménagement hydraulique. Aujourd’hui 1er vice-président de l’Assemblée nationale, M. Kassa n’est pas bien vu par les Américains du MCA. Il est traité de persona non grata, selon des sources parlementaires.
Les Américains œuvrent pour ne pas voir M. Kassa représenter le parlement béninois au sein du conseil d’administration du MCA.
Barthélémy Kassa est un ancien ministre de l’eau qui a marqué, en 2015, les Béninois et les partenaires néerlandais. Le Parlement béninois avait alors refusé de lever l’immunité de l’un des siens, Barthélémy Kassa, soupçonné de détournements de fonds néerlandais. Le coup est dur pour les Pays-Bas, qui exigeaient sa traduction en justice.
On se rappelle, une commission spéciale du Parlement béninois avait été mise en place, le 10 août 2015, pour étudier la levée de son immunité, demandée par la Présidence (mandat du président Yayi Boni) sous la pression des Pays-Bas, appuyée par le procureur général.
Jeudi 20 août 2015, en fin de journée, 45 députés sur 83 ont refusé la levée de son immunité après avoir repoussé l’échéance lundi 17 août en n’allant pas s’asseoir dans l’hémicycle. M. Kassa devait être entendu par la Haute Cour de justice, instance chargée de juger les personnalités au sommet de l’Etat, pour examiner son éventuelle implication, ainsi que celle de plusieurs fonctionnaires etc, dans le détournement de 4 millions d’euros d’aide publique néerlandaise au détriment d’un programme d’aménagement hydraulique, le PPEA II, nom du programme triennal d’accès à l’eau potable financé par la coopération néerlandaise. Les Pays-Bas l’exigeaient avant toute reprise de la coopération avec le Bénin. Conséquence immédiate, les Pays-Bas avaient interrompu leur aide dans le secteur de l’eau et de l’assainissement.
Le MCA, un programme de plusieurs milliards
Après les présidentielles de 2016, et l’élection à la tête du Bénin du Président Patrice Talon, les Pays-Bas après plus d’un an de suspension, signent un nouvel accord de financement, vendredi 16 septembre 2016 pour amener l’eau potable dans 21 communes. Cette fois, les Pays-Bas ont décidé, dans un premier temps, de consacrer 6 milliards de francs CFA pour donner de l’eau potable à des centaines de milliers de personnes. L’argent servira aussi à renforcer le réseau de la Société nationale des Eaux du Bénin dans la commune très peuplée d’Abomey-Calavi…
C’est une phase de transition, le temps pour les Néerlandais de mettre en place à partir de 2017 un programme sur plusieurs années plus important que le précédent. Pour permettre aux Béninois d’avoir de l’eau. Interrompu suite au scandale de l’eau, ce programme se montait à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA. Les Pays Bas étaient les principaux contributeurs et tout s’était arrêté pendant plus d’un an.
A l’avènement du régime du Nouveau départ, avec Patrice Talon, la coopération néerlandaise avait déjà repris progressivement sauf dans le secteur-clé de l’eau, après les signes de bonne volonté du gouvernement de la Rupture, comme la réalisation d’un audit international.
Ce qu’il convient de retenir, les néerlandais n’ont pas oublié que c’est sous Barthélémy Kassa qu’au ministère de l’eau, 4 millions d’euros d’aide publique néerlandaise au détriment d’un programme d’aménagement hydraulique ont été détournés.
Et d’autres partenaires au développement n’ont pas oublié ce scandale de l’eau au Bénin. Aujourd’hui, c’est des Américains, à travers le programme Millénium Challenge Account, qui refusent d’accepter Barthélémy Kassa à leur table de négociations, c’est-à-dire représenter le Parlement béninois au sein du conseil d’administration du MCA, un programme de plusieurs milliards d’aide au développement.
Un autre représentant à la dernière session du MCA à la place de M. Kassa
En effet, de sources parlementaires, dans le cadre des négociations avec les Américains en ce qui concerne le programme MCA, au sein du conseil d’administration, l’Assemblée nationale du Bénin, 7è législature, se faisait représenter par Eric Houndété, son 1er vice-président. Il avait pour suppléant Robert Gbian alors 2è vice-président de l’Assemblée. A la 8è législature, le parlement béninois s’est fait représenter par Robert Gbian, alors son 1er Vice-président.
Avec les dernières législatives de janvier 2023, les députés de la 9ème législature ont élu Barthélémy Kassa 1er Vice-Président. C’est donc M. Kassa qui remplace désormais Robert Gbian à la table de négociations au sein du conseil d’administration du MCA, pour le compte du parlement béninois. Mais, de sources concordantes, Barthélémy Kassa n’est pas accepté au sein du conseil d’administration du MCA, en tant que représentant du Parlement béninois. Le Bénin aurait résisté dans un premier temps. Mais, selon les mêmes sources, c’est une autre personnalité qui a été à la dernière session du MCA à la place de M. Kassa, malgré la résistance du Bénin…
Au MCA, c’est des milliards qui sont en jeu, pour le développement du Bénin. Les autorités au sommet font face à un dilemme, la représentativité d’une personne et l’aide au développement du pays? Que feront les parlementaires béninois face à cette situation? Procéder au remplacement de Barthélémy Kassa au poste de 1er Vice-président?
Quid de l’imprescriptibilité des crimes économiques ?
On se rappelle, deux ans après l’éclatement du scandale PPEA II lié au détournement des fonds néerlandais devant servir à offrir de l’eau potable aux populations béninoises, le juge chargé du dossier a prononcé un non-lieu. Lors du rendu de la décision, le juge d’instruction a révélé que le ministre de l’eau de l’époque et son collègue des finances avaient pris deux arrêtés qui réaffectaient les crédits non utilisés à l’achat de consommables informatiques et autres. Cette décision a laissé les populations sans voix. Barthélémy Kassa, principal mis en cause dans cette affaire, s’est prononcé en félicitant la justice. « Quand vous lisez cette décision, vous devez être satisfait », a souligné l’ancien ministre.
Toutefois, au Bénin, selon la constitution « les biens publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen béninois doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation ou d’enrichissement illicite, est réprimé dans les conditions prévues par la loi », dispose l’article 37 de la Constitution : Point n’est besoin de rappeler que c’est dans cette logique que le Bénin a adopté deux textes de loi qui consacrent le principe de l’imprescriptibilité des crimes économiques. « (…) Les crimes économiques, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de torture sont imprescriptibles », stipule l’article 8 nouveau de la loi 2020-23 du 29 septembre 2020 modifiant et complétant la loi numéro 12-15 du 18 mars 2013 modifiée portant Code de Procédure Pénale en République du Bénin:
A l’œuvre de la gouvernance économique, le régime de la Rupture à travers ses premières décisions a inquiété plus d’un. Aujourd’hui, le dossier PPEA II, fait indirectement son come back au parlement. Que feront les parlementaires béninois ? Et le chef de l’Etat Patrice Talon ? Quid du parti de M. Kassa, le Bloc Républicain? Quel choix feront-ils entre le développement du Bénin et le maintien au poste de 1er vice-président de M. Kassa qui fait face au rejet des partenaires au développement qui n’acceptent pas sa présence au sein du conseil d’administration du MCA? Remplacer M. Kassa ? Qui pour siéger au sein du MCA quand on sait que les intérêts du pays sont en jeu? Wait and see.
S.E.