La nouvelle est tombée vers 1h du matin ce mardi 1er décembre. Le candidat à la présidentielle burkinabè Zéphirin Diabré a reconnu sa défaite face à son rival Roch Marc Christian Kaboré. Le candidat du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) remporte cette élection présidentielle historique dès le premier tour avec 53,49 % des voix, contre 29,65 % pour le candidat de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), selon des résultats provisoires de la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
Tout s’est accéléré vers minuit au siège de l’UPC, le parti de Zéphirin Diabré, lorsque celui-ci est sorti pour annoncer aux journalistes présents qu’il se rendait chez son adversaire, au siège du MPP, le parti de Roch Marc Christian Kaboré, pour le féliciter de sa victoire, en toute logique et en toute bonne entente.
Il est arrivé vers 1h du matin au siège de son opposant dans une cohue indescriptible, où il s’est entretenu avec le vainqueur de cette élection présidentielle. Zéphirin Diabré, dans un geste de respect, a immédiatement reconnu sa défaite et mis fin au suspens. « Il n’y a pas de contestation à ce scrutin », a-t-il déclaré.
Kaboré acclamé
Acclamé par plusieurs milliers de personnes réunies devant le siège de son parti, M. Kaboré a déclaré à ses partisans: « Nous devons nous mettre au travail immédiatement. C’est tous ensemble que nous devons servir le pays ». Le nouveau président élu a également promis aux Burkinabè sa « détermination pour ouvrir des opportunités de lendemains meilleurs », adressant ses « chaleureuses félicitations aux organes de la transition » mis en place après la chute du régime de Compaoré et qui ont organisé le scrutin.
La Céni a ensuite révélé les résultats provisoires de l’élection : 53,49 % (1 668 169 voix) pour M. Kaboré contre 29,65 % (924 811 voix) pour M. Diabré. Le scrutin de cette élection historique au Burkina Faso a donc été remporté dès le premier tour par Roch Marc Christian Kaboré. « Cette élection s’est déroulée dans le calme et la sérénité, ce qui prouve la maturité du peuple du Burkina Faso », s’est félicité ce mardi matin le président de la Céni, Barthélémy Kéré qui a annoncé un taux de participation de 60%.
Victoire attendue
Cette victoire du candidat du MPP était largement attendue, depuis qu’un institut de sondage le donnait en tête la semaine dernière et possiblement vainqueur dès le premier tour. C’était un peu un pari fou que s’était fixé le MPP : remporter cette élection « un coup K.O. », comme on dit en Afrique de l’Ouest. Et c’est un pari réussi, à la grande surprise d’ailleurs des observateurs politiques qui tablaient sur un second tour entre Kaboré et Diabré.
Roch Marc Christian Kaboré a en tout cas bénéficié d’une véritable « machine de guerre » qu’est devenu son parti, le MPP, qui avait récupéré au fil des mois beaucoup d’anciens cadres du président déchu Blaise Compaoré. Il s’est manifestement servi de leur expérience pour se hisser jusqu’au fauteuil présidentiel.
Félicitations de François Hollande
Lors de la COP21, qui se tient actuellement en France, le chef de l’Etat français a salué la bonne tenue des élections dans le pays. Le président François Hollande s’est déclaré « très heureux » du bon déroulement des élections, et notamment de la présidentielle, au Burkina Faso. Il a demandé au président sortant Michel Kafando, présent au Bourget pour la COP21, de transmettre ses « félicitations » à son successeur Roch Marc Christian Kaboré.
? Résultats nationaux provisoires
– Roch Marc Christian Kaboré, MPP – Mouvement du peuple pour le progrès, déclaré vainqueur dès le 1er tour avec 53,49 %
– Zéphirin Diabré, UPC – Union pour le progrès et le changement : 29,65 %
– Tahirou Barry – Paren : 3,09%
– Benewende Sankara – UNIR-PS : 2,77%
– Ablasse Ouedraogo – Faso Autrement : 1,93%
– Saran Sereme – PDC : 1,73%
– Victorien Tougouma – MAP : 1,63%
– Jean-Baptiste Natama – indépendant : 1,36%
– Issaka Zampaligre – indépendant : 1,22 %
– Adama Kanazoe – AJIR : 1,21%
– Ram Ouedraogo – RDEBF : 0,68%
– Salvador Maurice Yameogo – RDF : 0,49%
Boukaré Ouédraogo – indépendant : 0,48%
– Françoise Toe : 0,26%
Les raisons de la victoire de Roch Kaboré
On peut expliquer cette large victoire par la popularité de l’homme. Roch Marc Christian Kaboré était déjà un homme populaire lorsqu’il était dans le régime Compaoré et il le fut plus encore après avoir claqué la porte du CDP, le parti de Blaise Compaoré.
Le deuxième facteur, c’est peut-être que Roch a récupéré une grande partie de l’appareil politique du CDP, notamment Salif Diallo et Simon Compaoré, ce qui avait fait du parti du président Compaoré, une machine à gagner les élections. Le MPP, le parti de Roch, est devenu en quelque sorte un « CDP bis » sur le plan organisationnel et sur le plan des moyens financiers. Ce fut de loin le parti le plus riche et le plus présent sur le terrain.
Le troisième facteur, c’est peut-être le fait que la classe politique ne s’est pas régénérée pendant cette transition. La révolution a été menée par la société civile qui avait choisi de ne pas faire de politique ensuite, et c’est tout à son honneur, mais le revers de la médaille, c’est qu’aucun homme neuf ou aucun leader incarnant cette révolution de 2014 n’a émergé et le champ a donc été laissé libre au parti traditionnel.
Une légitimité dans les campagnes
Autre point, les électeurs ont boudé la profusion de l’offre électorale. Sur les 14 candidats, les deux premiers recueillent près de 85% des voix. « On a voté utile », et les votes ne se sont pas dispersés, ce qui a bien entendu facilité la victoire au premier tour pour Roch Kaboré.
Enfin, on peut aussi citer des phénomènes sociologiques ayant trait à la mentalité des peuples. Roch était déjà depuis des années dans la peau du dauphin de Blaise Compaoré avant de rompre avec lui et il y a, notamment dans les campagnes, une forme de légitimisme qui conduit à voter pour celui que l’on connaît le mieux ou celui qui incarne les habitudes sociales et politiques.
RFI