(Les préparatifs d’une invasion de la bande de Gaza s’accentuent)
Israël impose depuis lundi un « siège total » de la bande de Gaza et a annoncé avoir déployé des dizaines de milliers de soldats dans le sud du pays, reprenant en partie le contrôle de sa frontière avec l’enclave. Parallèlement, les préparatifs d’une invasion terrestre s’accentuent, mais la guerre en zone urbaine est l’un des combats les plus difficiles à mener.
Nuit obscure à Gaza. Dans l’enclave palestinienne qui abrite 2,3 millions de personnes, les effets du blocus total se font sentir. Plus de carburant pour la centrale électrique. Les bombardements se sont poursuivis tout au long de la nuit avec le pilonnage de plusieurs quartiers où se trouvent des installations du Hamas et du Jihad islamique, et notamment la force Nuqba du Hamas qui a perpétré l’attaque de samedi matin, selon l’armée israélienne. Un porte-parole israélien affirmait ce jeudi matin lors d’un briefing que la localisation exacte de ces sites provient de l’interrogatoire des assaillants faits prisonniers depuis le début de l’attaque. Pour la première fois, l’armée reconnaît qu’il y avait dès vendredi dernier des signes avant-coureurs d’une opération imminente, rapporte notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul.
Côté israélien, le Hamas a affirmé avoir tiré des roquettes en direction de Tel-Aviv. L’armée et la police continuent de sillonner la périphérie de la bande de Gaza à la recherche de Palestiniens armés. Mercredi, au moins quatre d’entre eux ont été abattus par les forces de sécurité israéliennes. Et puis la défense passive israélienne continue d’enquêter sur la panne de son système d’alertes, les sirènes et l’application sur les portables qui a envoyé mercredi tout le pays dans les abris à la suite d’un bug ou d’une cyberattaque pour une incursion de drones ennemis depuis le Liban qui dans la réalité n’a pas eu lieu.
Dans la bande de Gaza, au moins 1 354 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées dans les raids aériens israéliens, selon les autorités locales. L’armée israélienne a par ailleurs affirmé avoir récupéré les corps de 1 500 combattants du Hamas qui s’étaient infiltrés samedi dans plusieurs localités proches de la bande de Gaza. Le 7 octobre, en plein Shabbat, le repos juif hebdomadaire, des centaines de combattants du Hamas avaient infiltré Israël à bord de véhicules, par les airs et la mer, tuant plus d’un millier de civils dans la rue, chez eux ou en pleine rave-party, et semant la terreur sous un déluge de roquettes.
« Le Hamas c’est Daech et nous allons l’écraser et le détruire »
« Tout membre du Hamas est un homme mort », a lancé au sixième jour de la guerre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d’une première allocution solennelle avec son gouvernement d’urgence, formé le même jour avec Benny Gantz, un des principaux chefs de l’opposition. « Le Hamas c’est Daech et nous allons l’écraser et le détruire comme le monde a détruit Daech », a-t-il ajouté après avoir qualifié l’attaque de « sauvagerie jamais vue depuis la Shoah ».
Dès mercredi soir, ce nouveau groupe de travail s’est attelé à la tâche pour décider des opérations militaires. En principe, les décisions sont prises par le cabinet de guerre : Netanyahu, le ministre de la Défense Gallant et le ministre de fraîche date Benny Gantz, entouré de plusieurs observateurs. Formellement, ces décisions devront être entérinées par un forum plus important comprenant les ministres d’extrême droite Smotrich et Ben Gvir.
Point important : tout le processus de législation, notamment sur la réforme du système judiciaire qui divise profondément les Israéliens est gelé. Ce gouvernement d’urgence ne vivra que pour la durée de la guerre. Dans son éditorial de ce jeudi matin, le quotidien Haaretz exige le limogeage du ministre Ben Gvir qui a demandé mercredi de lancer une opération visant les Palestiniens en Cisjordanie et en Israël. Ce nouveau gouvernement a reçu la bénédiction du président américain Biden qui pour la seconde fois a demandé à Israël de respecter les règles juridiques de la guerre.
Une opération périlleuse
« Nous nous préparons pour les prochaines étapes. Nous avons frappé un grand nombre de cibles », a déclaré jeudi à l’aube le porte-parole de l’armée israélienne Jonathan Cornicus. Les concentrations de troupes à la frontière font craindre une offensive terrestre contre l’enclave, dont Israël s’était retiré unilatéralement en 2005 et qui est gouvernée par le Hamas depuis 2007. Près de 300 000 réservistes ont été rappelés.
« L’objectif sera d’infliger un maximum de dégâts aux structures militaires du Hamas, estime le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale, au micro de Martin Hortin. Cela veut dire, poursuivre le travail qui a déjà été entrepris depuis samedi soir avec les bombardements aériens mais cette fois en ciblant depuis la terre tous les édifices, toutes les installations susceptibles d’abriter des combattants du Hamas. Cela veut dire aussi une rentrée sur le territoire de la bande de Gaza. Mais une rentrée qui pourra être ponctuelle avec le risque assumé d’avoir des pertes du côté israélien. Un risque qui est clairement assumé par le gouvernement qui, en quelque sorte, bénéficie d’une forme d’union nationale après les terribles images que l’on a vues ces derniers jours. »
Une perspective terrifiante de combats au cœur d’une ville à l’extrême densité de population, dans des souterrains et en présence d’otages. Avec environ 5 500 personnes par kilomètre carré, Gaza est l’une des zones les plus densément peuplées du monde, et y engager le combat risque de se révéler périlleux pour l’armée israélienne. Car la zone urbaine, relèvent les militaires, c’est l’ultime champ de bataille. Le cloisonnement du milieu, la présence de la population et le caractère abrasif de la ville redonnent au défenseur l’opportunité d’infliger des pertes importantes à l’adversaire, même s’il est plus puissant.
On dit de la ville qu’elle possède un pouvoir égalisateur entre deux belligérants. Dans la guerre urbaine, le combat n’est jamais très loin du corps à corps, c’est un duel. La progression est nécessairement lente, bâtiment par bâtiment. En sortir, c’est courir le risque d’être abattu par des tireurs embusqués. Et dans cette guerre de rue, les chars et l’artillerie lourde ne sont presque d’aucune utilité.
En 2017, durant la bataille de Mossoul, il a fallu 100 000 soldats pour vaincre 5 000 terroristes de l’organisation État islamique. La bataille pour Gaza sera donc aussi probablement longue, complexe et coûteuse en combattants.
RFI