(Le 25 mai, Hubert Maga, salue officiellement la naissance de cette toute nouvelle OUA)
L’OUA, l’Organisation de l’unité africaine – l’ancêtre de l’Union africaine – voyait le jour à Addis-Abeba en Ethiopie il y a 60 ans jour pour jour. Un moment marquant dans l’histoire de l’intégration africaine. Ce jour-là, 32 chefs d’État et de gouvernements parviennent enfin à se rassembler et à s’entendre autour d’un projet commun. Ils signent dans la nuit du 25 au 26 mai la charte de l’unité africaine.
Ce texte prône l’égalité souveraine des États membres, la non-ingérence et le respect de l’intégrité territoriale. Objectif : favoriser l’unité, la solidarité de l’Afrique et combattre le colonialisme. Cette première organisation continentale est dotée d’un secrétariat général, de commissions, et d’institutions inter-gouvernementales. À la tribune, les dirigeants n’ont cessé durant deux jours d’appeler à l’unité du continent, à l’image de Kwame Nkrumah. « Cette union, nous devons la réaliser, sans sacrifier nécessairement nos diverses souverainetés, grandes ou petites, exhorte le président ghanéen. Nous devons nous unir afin de réaliser la libération intégrale de notre continent ».
Le 25 mai, Hubert Maga, le président béninois, salue officiellement la naissance de cette toute nouvelle OUA : « La Conférence au sommet des chefs d’États et de gouvernements africains indépendants, heureux de la réussite totale de cette conférence qui comble les espoirs d’unité si longtemps caressés par les peuples africains, exprime sa profonde gratitude à sa majesté impériale Haïlé Sélassié 1er au gouvernement et au peuple d’Éthiopie dont le rôle déterminant a contribué à la concrétisation de l’unité africaine par la naissance de l’Organisation de l’unité africaine ».
Hubert Maga met là en avant le rôle joué par l’empereur éthiopien. Et pour cause : Hailé Sélassié œuvre depuis de longs mois en coulisses pour faire émerger un accord entre les tenants d’une Afrique fédéraliste, rassemblée dans le groupe dit de Casablanca, autour de Kwame Nkrumah et les partisans d’une Afrique des États, menée par le groupe dit de Monrovia, avec à sa tête le Libérien William Tubman. Un compromis est donc trouvé mais celui-ci est clairement à l’avantage des souverainistes.
« Le draft, ou le brouillon, qui sert de base à la rédaction de la charte, c’est un brouillon qui est proposé par le représentant éthiopien qui s’inspire beaucoup des propositions souverainistes sur l’organisation de l’unité africaine », décrypte Ayrton Aubry, doctorant au CERI, le Centre de recherches internationales de Sciences Po. En contrepartie, un comité de libération destiné à coordonner l’aide aux mouvements de libération est mis sur pied.
Le travail de l’ombre des diplomates
Cette charte voit le jour grâce au travail mené dans l’ombre par de nombreux ministres et hauts-fonctionnaires. Des diplomates de second plan, formés en Europe ou aux États-Unis, qui sont depuis 1945 très présents dans les congrès panafricains organisés en Europe et sur le continent. Ces acteurs jouent un rôle central lors des négociations menées durant les jours qui précèdent l’arrivée des chefs d’État.
« Le sommet se tenant à Addis-Abeba, les fonctionnaires éthiopiens ont joué un rôle important, relate Ayrton Aubry. On a Ketema Yfru qui est le ministre des Affaires étrangères. C’est lui qui prononce le discours inaugural. Toujours au niveau éthiopien, Tesfaye Gebre-Egzy qui à l’issue du sommet est nommé secrétaire général provisoire de l’OUA ».
Très actif également, Oscar Kambona, le ministre tanzanien des Affaires étrangères ou encore Doudou Thiam. Le chef de la diplomatie sénégalaise décrit quelques années plus tard son rôle dans les tractations : « il fallait enterrer les groupes de Monrovia et de Casablanca et il fallait le faire dans des conditions telles que le nouveau départ à prendre fut favorable au Sénégal. C’était du moins ma mission ».
Certains de ces diplomates poursuivront ensuite leur action en faveur de l’intégration africaine. Ce sera notamment le cas du Guinéen Diallo Telli qui devient en août 1963 le secrétaire général de l’OUA. Ce sommet d’Addis-Abeba restera lui dans les annales comme un moment d’unité et de réconciliation entre certains chefs d’État. Avec comme temps fort, notamment, l’accolade entre le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Malien Modibo Keita, en froid depuis la chute de la fédération du Mali.
Avec RFI