La démarche de restitution des biens culturels au Bénin par la France est un acte plus que culturel. Elle est d’abord, historique, puis politique et enfin un pilier de relance économique. Retraçons l’origine de ce parcours.
En 2005, Madame Christine Taubira, alors députée à l’assemblée nationale française, avait saisi le premier ministre Dominique Villepin en vue de restituer au Bénin les biens culturels pillés pendant la colonisation. Elle estime dès lors, que le peuple Béninois est très attaché à sa culture. En 2013, le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) dont faisait partie l’ancien président béninois, Nicéphore Soglo, avait signé un appel de restitution de ces biens, jugés mal acquis pendant la colonisation. Ce conseil estimait cela, comme une façon de restaurer l’injustice causée pendant la colonisation. Finalement, en 2016 le Bénin fait une demande officielle de restitution des œuvres d’Abomey. En Mars 2017, cette demande recevra un refus de la France, par la voix du ministre des Affaires étrangères au nom du principe d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité. En novembre 2017, le Président Macron ayant pris fonction en mai 2017, au lendemain de la réponse de la France, affirme sa volonté de restituer temporairement ou définitivement des œuvres du patrimoine africain en Afrique. Cette volonté fera l’objet d’une étude d’expertise par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, dans un rapport dénommé « restituer le patrimoine africain » qui sera remis au Président Français en novembre 2018. Le 24 décembre 2020, en France, il y a eu l’adoption et promulgation de la loi relative à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal. Ce dernier acte ouvrira le champ à une panoplie d’activités, marquée surtout par l’organisation conjointe des deux nations de la semaine culturelle du Bénin à Paris (26 au 31 octobre). Devenues propriétés françaises depuis le 17 novembre 1892, ces 26 œuvres rentrent au Bénin le 10 novembre 2021 en intégrant l’ensemble des biens du patrimoine national, soit un séjour de 129 ans environ !
Cet aboutissement de restitution honore les deux pays, témoignant ainsi la bonne collaboration entre les gouvernements. Le président Français, dans les actes de reconnaissance du passé colonial, montre sans doute une volonté incontestable de réparations des torts de l’histoire. Il positionne son pays, la France, sur la scène de la géopolitique comme une puissance ouverte au dialogue. Pour le Bénin, c’est également le fruit d’une force d’expression identitaire et d’aboutissement d’un processus de réappropriation culturelle. Si après un refus, un résultat favorable a pu être obtenu, le peuple béninois en général, et en particulier le gouvernement doit se féliciter de sa ténacité. Certaines dispositions réglementaires prises dans le cadre de la démarche de restitution de ces trésors, vont au-delà de ces œuvres, des prouesses et aussi salutaires pour le patrimoine béninois. Il s’agit surtout de la loi n°2021-09 du 14 octobre 2021 portant protection du patrimoine culturel en République du Bénin. Ledit texte de loi a pour vocation d’actualiser et de renforcer l’arsenal juridique en vue de renforcer le niveau de protection et de promotion de son patrimoine culturel.
Le processus de restitution entre les deux pays a pris fin par un acte de signature d’accord, le mardi 9 novembre 2021. Au cours de cette cérémonie, les deux présidents ont témoigné de leur satisfécit. Loin de ces mots, le Président béninois, Patrice Talon a su formuler, la demande de restitution d’autres œuvres, surtout la tablette de ifa et la statuette de dieu Ogou. Cette démarche de plus, constitue sans doute, déjà un atout pour les collectivités territoriales et les acteurs du monde touristique à disposer d’un instrument pour mieux, d’une part sécuriser leur patrimoine, et d’autre part organiser leur activité. Par exemple, pour la commune de Dogbo, dans le département du Couffo, manifestant une grande ambition touristique à travers la promotion d’un tourisme durable surtout du site des hommes à ; elle pourrait déjà adresser au gouvernement une demande d’abriter un musée des activités ancestrales ou du savoir-faire endogène. Surtout, si on sait que le site en question à Dogbo retrace le passage de la migration des hommes au XVème siècle avec des reliques témoignant des activités de l’extraction du fer, le dieu du fer ogou pourrait être installé dans ledit musée au cas où la France l’aurait restitué.
Si le peuple béninois remercie le gouvernement pour ce leadership qui renchérit l’histoire de la nation, certains s’attendaient à voir le Président et pourquoi les membres du gouvernement dans les tenues locales pour plus donner de la connotation à la cérémonie et à la valorisation de nos us et coutumes.
Cyriaque ALLODE
Etudiant à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (France)