« Si la justice française est déjà activée pour faire rendre gorge à Lionel Zinsou, ce n’est pas la justice béninoise, celle de sa patrie d’origine qui resterait les bras croisés ». Propos du député Rachidi Gbadamassi ce mardi au cours d’une conférence de presse sur l’affaire Lionel Zinsou dans l’élection présidentielle de mars 2018. Se basant sur les articles 110, 11 et 112 du code électoral, Gbadamassi indique que « les institutions de la République doivent prendre leurs responsabilités ». En la matière, poursuit-il « c’est la Chambre des Comptes de la Cour Suprême qui est l’initiatrice de la procédure devant aboutir à clarifier cette rocambolesque affaire ». Gbadamassi invite la justice à faire la lumière sur ce dossier. Par ailleurs, il souligne que les « complices (de Lionel Zinsou, ndlr) et ceux qui nous l’ont amené sont également des coauteurs dans cette affaire et devraient répondre devant la justice de notre pays ». Il invite aussi le Chef de l’Etat à prendre ses responsabilités en sortant les audits relatifs au dossier de la CEN SAD, l’affaire ICC services et consorts… lisez plutôt la déclaration liminaire de sa conférence de presse.
« Chers invité(e)s ; Mesdames et Messieurs.
Une situation particulière prévaut dans notre pays depuis quelques semaines. Elle est relative à Monsieur Lionel ZINSOU, ancien premier ministre du Bénin et candidat malheureux à l’élection présidentielle de mars 2016 en tant que porte-étendard de la coalition des Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE).
En effet, pour rappel des faits, il faut préciser que dans son n°771, le journal français « LA LETTRE DU CONTINENT » paru le 21 février 2018 à Paris a mentionné comme titre de la rubrique « Diplomatie » : « Bénin/Burkina Zinsou déstabilisé par une lourde créance ! ». Je soumets humblement à votre appréciation trois extraits de cet article de presse produit par un organe de presse très sérieux animé par des professionnels en investigation et grand reportage.
– extrait n°1 : « Depuis mars 2017, le banquier a été contraint d’ouvrir une médiation avec les conseillers de Mahamadou Bonkoungou, président-fondateur du groupe burkinabè Ebomaf, à la suite d’une décision de la 4è chambre (deuxième section) du TGI de Paris. Cette décision répondait à une assignation en commandement de payer (RGn°16/18710) de l’homme d’affaires burkinabè, lancée trois mois auparavant. »
– extrait n°2 : « Selon les informations exclusives de La Lettre du Continent, Mahamadou Bonkoungou (président-fondateur du groupe burkinabè Ebomaf) a fait valoir à Lionel Zinsou une créance de 15 milliards F CFA (22 millions €). Cette somme prêtée en plusieurs fois, entre janvier et mars 2016, a fait l’objet de sept reconnaissances de dette manuscrites de l’ex-conseiller de Laurent Fabius. Ces lettres ont été reconnues le 16 mars 2016 devant Seydou Balama, notaire à Ouagadougou. »
– extrait n°3 : « Avocat du patron d’Ebomaf, Me Patrice Mouchon (cabinet Davies et Mouchon) a d’ores et déjà lancé plusieurs procédures de saisies conservatoires. Celles-ci concernent un bien immobilier situé en Normandie, dans l’Ouest de la France, ainsi qu’un appartement à Paris. Lionel Zinsou est défendu dans cette affaire par l’avocat, essayiste et énarque Nicolas Baverez. ».
De quoi s’agit-il au fond ? Lionel Zinsou, ancien premier ministre du Bénin et candidat malheureux à l’élection présidentielle de mars 2016 au Bénin a reconnu devoir à Mahamadou Bonkoungou, président-fondateur du groupe burkinabè Ebomaf une créance de 15 milliards F CFA (22 millions €). Cette somme a été prêtée en plusieurs fois entre janvier et mars 2016. On n’est pas dans de la science-fiction, il s’agit d’une pure vérité. Il s’agit d’une affaire qui est pendante devant la justice française et c’est un journal français qui nous le fait savoir en citant nommément les acteurs sans que personne ne regimbe jusqu’à ce jour.
A partir de ce fait, il convient de considérer trois autres faits pour comprendre ce qui c’était réellement passé et son impact sur notre pays. Premièrement, Lionel Zinsou a été premier ministre et ensuite candidat malheureux à l’élection présidentielle de mars 2016 au Bénin. Deuxièmement, la période suscitée (janvier à mars 2016), le Bénin était en pleine période électorale où les acteurs politiques impliqués dans l’élection faisaient de très grosses dépenses d’argent dans le but d’acquérir le pouvoir d’Etat. Troisièmement, depuis janvier 2016 à ce jour, Lionel Zinsou n’a rien réalisé de matériel ayant nécessité le prêt de quinze milliards (15 000 000 000) F CFA, soit 22 millions €. Ainsi, cinq principales interrogations s’imposent au chercheur de vérité :
a) à quoi a servi la somme de 15 milliards F CFA, soit 22 millions € empruntée à Mahamadou Bonkoungou, président-fondateur du groupe burkinabè Ebomaf ?
b) comment le candidat Lionel Zinsou a-t-il financé sa campagne présidentielle en 2016 ?
c) la somme d’argent empruntée à Mahamadou Bonkoungou, président-fondateur du groupe burkinabè Ebomaf n’a-t-elle pas servi à financer la campagne de Lionel Zinsou, campagne riche en démonstrations financières, en couleurs, en sons et en images ?
d) si Lionel Zinsou était élu président de la république du Bénin en 2016, cette grosse dette resterait-elle impayée jusqu’à ce jour pour entrainer une assignation devant la justice française ?
e) si Lionel Zinsou était candidat à une quelconque élection en France, sa seconde patrie, se serait-il comporté de la même manière en finançant lui-même sa campagne suivant des prêts …. ?
En effet, le code électoral en vigueur au Bénin encadre l’organisation des élections. Entre autre règle d’encadrement, il y a le financement de la campagne électorale. L’article 110 dispose : « Il est interdit à tout parti politique ou à tout individu prenant part aux élections du Président de la République d’engager pour la campagne électorale, par lui-même et / ou par une tierce personne plus de deux milliards cinq cent millions (2.500.000.000) de francs CFA pour l’élection du Président de la République ». L’article 111 prescrit : « Les candidats individuels régulièrement inscrits ainsi que les partis politiques prenant part aux élections du Président de la République sont tenus d’établir un compte prévisionnel de campagne précisant l’ensemble des ressources et des dépenses à effectuer en vue des opérations électorales par eux-mêmes ou et / ou pour leur compte. Ils doivent en faire dépôt contre récépissé à la Chambre des Comptes de la Cour Suprême quarante (40) jours avant la date des élections. La forme et le contenu des comptes de campagne sont fixés par décret pris en Conseil des Ministres après avis du Président de la Cour Suprême ». Le candidat Lionel Zinsou a-t-il respecté ces prescriptions légales ? S’il était candidat en France, oserait-il les violer ? N’est-ce pas seulement en Afrique que l’on fait ce que l’on veut sans être inquiété ?
Mieux l’article 112 dispose : « Dans les soixante (60) jours qui suivent le scrutin où l’élection est acquise, les candidats individuels ou les partis politiques ayant pris part au scrutin déposent contre récépissé auprès de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême, le compte de campagne accompagné de pièces justificatives des dépenses effectuées. […] Après vérification des comptes, s’il est constaté un dépassement des dépenses de campagne, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême adresse dans les quinze (15) jours un rapport au Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Cotonou pour les élections présidentielles ou législatives aux fins des poursuites entre les contrevenants ». La loi va plus loin en précisant en son article 141 : « En Cas de dépassement du plafond des frais de campagne électorale tel que fixé par l’article 110 ou la non observance de l’obligation de dépôt des comptes prévisionnels et des comptes de campagne tel que fixé par l’article 112 alinéa 3, les personnes déclarées coupables sont condamnées à une peine d’amende de cinq millions (5 000 000) de Franc CFA à cinquante (50 000 000) de Franc CFA, à la déchéance et / ou à une peine d’inéligibilité d’un an (1) à cinq (5) ans ».
Mesdames et messieurs, chers journalistes, en considérant les faits survenus et objets de droit pour la France, les quinze milliards devraient servir à quoi ? C’étaient en effet pour répondre à l’offre publique d’achat lancée par qui vous savez pour prendre le contrôle de la Marina. C’était clairement une offre publique d’achat du pouvoir d’Etat qui a été lancée et dont le seul adjudicataire avait pour nom Lionel Zinsou. Or, comme je l’ai signifié plus haut, le financement des élections au Bénin fait l’objet d’un encadrement par la loi.
En référence à la loi en vigueur au Bénin, le montant total qu’un candidat peut engager dans la campagne des élections présidentielles est de deux milliards cinq cent millions (2.500.000.000) de francs CFA. Alors, comment peut-on contracter une dette de quinze milliards (15 000 000 000) de francs CFA pour une campagne électorale dont on sait que le financement, en aucun cas, ne doit excéder la marge prévue par la loi et qui est de deux milliards cinq cent millions (2.500.000.000) de francs CFA ? Avec quels deniers le candidat malheureux Lionel Zinsou entend éponger sa lourde ardoise lorsque le commun des mortels sait que ses avoirs ne sont évalués qu’à cinq milliards (5 000 000 000) francs CFA ? Et que l’affaire dans laquelle les sous ont été engloutis n’a pas marché. Il a lamentablement échoué à l’élection présidentielle de 2016 tel qu’il l’a d’ailleurs reconnu au lendemain du scrutin en félicitant son challenger élu à son détriment. Que faire pour que Monsieur Mahamadou Bonkoungou, président-fondateur du groupe burkinabè Ebomaf entre en possession de sa créance ?
Mesdames et messieurs, le passif que Lionel Zinsou et ses complices ont laissé à notre démocratie est suffisamment lourd pour que les institutions de la République ne prennent pas leurs responsabilités. En la matière, c’est la Chambre des Comptes de la Cour Suprême qui est l’initiatrice de la procédure devant aboutir à clarifier cette rocambolesque affaire. C’est elle qui reçoit les comptes prévisionnels de compagnes, certifie les comptes de campagne et « Après vérification des comptes, s’il est constaté un dépassement des dépenses de campagne, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême adresse dans les quinze (15) jours un rapport au Président de la République près le Tribunal de Première Instance de Cotonou pour les élections présidentielles ou législatives aux fins des poursuites entre les contrevenants » conformément à la loi. Il urge dont que la Cour Suprême s’autosaisisse sur ce dossier.
Mesdames et messieurs, chers journalistes, l’Afrique est le continent de l’avenir. Il revient aux Africains de se prendre au sérieux en cessant de fermer les yeux sur les crimes économiques. Il est temps que l’Afrique cesse d’être une terre de non droit et de désinvolture, un continent de misère où il se suffit d’injecter de l’argent dans l’appareil politique pour acheter le pouvoir parce qu’on vient de l’occident ou l’on y a résidé pendant longtemps.
Si la justice française est déjà activée pour faire rendre gorge à Lionel Zinsou, ce n’est pas la justice béninoise, celle de sa patrie d’origine qui resterait les bras croisés. Après tout, c’est le code électoral béninois qui a été violé. C’est l’électeur béninois qui a été abusé et c’est la politique béninoise qui a été vilipendée par cet acte commis par l’un des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2016. Il est même allé au second. Il était donc à près d’une chance de gagner le pouvoir d’Etat qu’il a considéré comme une affaire au sein de laquelle il faut mettre de l’argent à récupérer une fois qu’il sera élu. Ce n’est pas sa faute, car c’est ce qu’on lui a dit de l’Afrique. C’est certainement ce qu’il a appris de ceux-là même qui nous l’ont proposé. La justice béninoise est conviée à faire toute la lumière sur cette affaire.
Mesdames et messieurs, Monsieur Mahamadou Bonkoungou, président-fondateur du groupe burkinabè Ebomaf est un digne fils d’Afrique. Son entreprise est un modèle de réussite, non seulement en Afrique, mais dans le monde entier. Qu’il soit escroqué ainsi sans que la justice ne soit faite est un déni de la puissance de l’Etat dans un régime démocratique où force doit rester à la loi. C’est dans ce dessein que j’envisage organiser une tournée sous régionale vers les Chefs de nos Etats et les parlementaires africains pour que ce chef d’entreprise qui fait la fierté de l’Afrique recouvre ses fonds. Aujourd’hui l’histoire ne me donne-t-elle pas raison lorsqu’hier j’ai émis des réserves sur le candidat Lionel Zinsou parce qu’il est douteux. Il a été désigné contre la volonté de tous donc imposé par qui vous savez pour des raisons qui sont en train d’être mises au grand jour. Tous les moyens de l’Etat lui étaient confinés pour qu’il achète le pouvoir de l’Etat avec l’argent de l’Etat. Ses complices et ceux qui nous l’ont amené contre notre gré qui sont également des coauteurs dans cette affaire devraient répondre devant la justice de notre pays car Lionel Zinsou est né béninois, et c’est le Bénin qui a été offensé par ailleurs. Dans cette perspective, il est impérieux que la Chambre des Comptes de la Cour Suprême prenne au plus plutôt ses responsabilités afin qu’une légale et juste suite soit donnée à cette affaire qui ternit l’image de notre édifice démocratique et pour que force reste à la loi et non aux plus malins et aux plus privilégiés.
A prendre en considération cet acte qui expose les déficiences de notre système politique, nous encourageons le Chef de l’Etat, le Président Patrice Talon à poursuivre inlassablement la lutte contre la corruption qui est l’un des principaux gages du développement de notre commune nation. Le Chef de l’Etat doit prendre ses responsabilités en sortant les audits relatifs à la CENSAD, les dossiers d’escroquerie savamment organisés, l’affaire ICC services et consorts, le bradage des domaines de l’Etat partagés entre copains de la République. Sinon, ce sont les ennemis des réformes qui vont soulever les foules et non le peuple en vue de noyer la vérité car si elle éclabousse elle les emportera. Pour y arriver, je suggère humblement au Chef de l’Etat de recevoir les dignitaires traditionnels et têtes couronnées de tous les départements qui sont effectivement soucieux du développement de notre pays. Ce sera l’occasion pour lui de leur expliquer le bienfondé des réformes qui sont incontournables pour le développement de notre pays.
De même, la réforme des partis politiques ; que dis-je, la réforme du système politique est cruciale car devant permettre que des individus ne viennent plus acheter le pouvoir politique mais plutôt que de vrais partis politiques animent réellement la vie publique. Le Président Patrice Talon doit agir pour que désormais la politique redore son blason de prestige et d’art de gestion des affaires de la cité. Elle doit être exclusivement réservée à ceux qui sont préoccupés par la recherche de l’intérêt public, la consolidation de l’unité nationale et le développement intégral de la nation… ».
Rachidi GBADAMASSI*