À 34 ans, Gabriel Attal devient le plus jeune Premier ministre de la Ve République. La démission d’Élisabeth Borne, lundi 8 janvier, avait en effet lancé les spéculations sur le nom de son remplaçant. Mais l’hypothèse Attal, ministre de l’Éducation sortant, avait toutefois rapidement pris le dessus sur les autres. La passation de pouvoir a eu lieu à Matignon.
Avec Gabriel Attal à la tête du nouveau gouvernement, c’est une nouvelle page qui s’ouvre dans ce deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Le président de la République a donc fait le choix de la jeunesse et de la popularité, puisque le ministre de l’Éducation sortant bénéficiait, depuis plusieurs semaines, d’une bonne cote de popularité, devançant, selon un sondage Ipsos-Le Point mi-décembre, l’ex-Premier ministre Édouard Philippe. Un ministère où pourtant tout le monde se casse les dents. Gabriel Attal, en six mois, réussit à imprimer sa marque, en s’emparant de sujets sensibles comme le port de l’abbaya, l’autorité des professeurs et la sécurité, dans un contexte tendu, alors que le monde enseignant perd à nouveau un professeur, tué dans une attaque à Arras en décembre dernier.
Il fera de la lutte contre le harcèlement solaire, une priorité et proclame que « la peur doit changer de camp». Pour lutter contre ce fléau, le ministre ose aussi la confession intime devant les caméras de TF1, témoignant de ses souffrances d’élève découvrant son homosexualité et des moqueries subies lorsqu’il était à l’école. Lorsqu’il se saisit de la baisse de niveau des élèves, c’est pour annoncer « un électrochoc » : au programme, retour du redoublement, groupe de niveau au collège et même expérimentation de l’uniforme. Un parfum d’antan diffusé par un ministre de 34 ans. Sur le fond, Gabriel Attal s’inscrit dans la continuité de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation avant Pap Ndiaye, avec un retour aux fondamentaux : maths, français, et autorité. Sur la forme, syndicats et enseignants pointent avant tout les talents de communicant du ministre.
Ce nouveau Premier ministre va donc devoir former un gouvernement, s’imposer dans la majorité et face aux oppositions. Il devra également diriger la bataille des élections européennes face à Jordan Bardella, qui mène la liste du Rassemblement national (RN) et bénéficie d’une large avance dans les sondages. Tout cela à l’ombre d’Emmanuel Macron.
La passation de pouvoir s’est déroulée à Matignon aux alentours de 15 heures. Elisabeth Borne s’est « réjoui » de rejoindre l’Assemblée en tant que députée du Calvados, salué le travail effectué « J’ai tenu sans trembler le cap fixé par le président de la République » et assuré Gabriel Attal, son successeur, de son soutien. Le ministre de l’Éducation sortant a assuré emmener à Matignon, « la cause de l’école » « mère de nos batailles » et voit dans sa nomination un symbole « d’audace et de mouvement ».
Le nouveau Premier ministre est attendu pour son premier déplacement dans le Pas-de-Calais frappé par les inondations
Gabriel Attal, le favori
Le nom de Gabriel Attal circulait avec insistance ces dernières heures. Très proche du président Emmanuel Macron, il avait en effet choisi de prendre le virage LREM en 2017 et était devenu député à l’Assemblée nationale cette même année.
En 2018, il entre au gouvernement à 29 ans, devenant secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse dans la seconde équipe du Premier ministre Édouard Philippe. Entre 2020 et 2022, il prend le poste de porte-parole du gouvernement Jean Castex. Depuis l’été 2023, il occupait le poste de ministre de l’Éducation nationale après le court passage à cette même fonction de Pap Ndiaye, jugé trop discret.
Il a toutefois commencé son parcours politique au Parti socialiste en soutenant la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle de 2007. Proche de Dominique Strauss-Kahn, il suit finalement François Hollande et fait son entrée dans un cabinet ministériel de Marisol Touraine en 2012.
Démission de Borne, début du remaniement
Élisabeth Borne était restée, lundi 8 janvier, près d’une heure au palais présidentiel. Entrée par la grille d’honneur, elle était ressortie discrètement par la rue de l’Élysée, signant la fin d’une séquence de vingt mois. Après de longues hésitations, Emmanuel Macron a donc fini par trancher et demander à Élisabeth Borne de quitter sa fonction.
Elle avait tout fait pour rester à Matignon malgré les difficultés liées à la majorité relative obtenue aux élections législatives de 2022 à l’Assemblée nationale et l’adversité parfois au sein même du gouvernement avec ces ministres qui défiaient son autorité, Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire et un président pas toujours en soutien.
Ce remaniement était attendu depuis plusieurs jours en raison des mots prononcés par le président de la République lors de ses vœux du 31 décembre. Il avait en effet donné « rendez-vous à la nation » lors de sa traditionnelle allocution télévisée de la Saint-Sylvestre, suivie de l’annulation du traditionnel Conseil des ministres du mercredi 3 janvier 2024.