« La réforme actuelle de la décentralisation sous couvert de modernisation constitue un recul grave à la démocratie à la base… » Suite à ces propos du député LD, Joel GODONOU, beaucoup de voix ont appelé Eudoxie DAKPE à rétablir la vérité. C’est le cas de Bertin Koovi, membre du Bloc Républicain et soutien indéfectible du Président Patrice Talon. « J’appelle Madame Eudoxie DAKPE à répondre à ceux qui ne comprennent pas la réforme de la décentralisation au Bénin », a réagi M. Koovi. Et le président de l’alliance iroko d’ajouter : « Je constate que l’honorable Joël Godonou n’a pas vu que Cotonou est très propre depuis qu’une agence gère la propreté de Cotonou. Il faut que ceux du BR qui se connaissent à la décentralisation répondent à notre honorable député Joël Godonou ».
Et la réponse est venue à point nommé d’une experte du domaine : madame Eudoxie Dakpè. Pour ceux qui ne le savent pas, madame Eudoxie Dakpè est une experte dans le domaine de la décentralisation où elle capitalise plus d’une dizaine d’années. Détentrice de plusieurs diplômes sur la gestion des collectivités territoriales, l’ancienne cadre de la commission nationale des finances locales a, avec pédagogie et tact abordé
Les défis relevés au niveau de la réforme structurelle du secteur de la décentralisation, une réforme qui cristallise toutes les attentions sous la rupture. Eudoxie Dakpè évoque aussi les défis qui restent. Elle ne pense pas qu’on puisse abandonner ces efforts louables consentis par le gouvernement Talon dans le domaine. La Conseillère technique à la décentralisation et au développement local du Président de l’Assemblée nationale recadre le député et lui donne des leçons dans le domaine de la décentralisation.
De quoi s’agit-il ?
Selon Joel Godonou, député du parti Les Démocrates, élu de la 16è circonscription électorale, « Pendant plusieurs décennies, le Bénin a souffert d’une gouvernance hyper centralisée concentrant les décisions au sommet de l’Etat. La réforme de 2003 financée à coût de plusieurs milliards par les partenaires techniques et financiers notamment la Banque Mondiale avait pourtant suscité l’espoir d’une décentralisation réelle avec des communes dotées d’une autonomie politique, administrative et financière. Sous le régime de la rupture, au lieu d’ une revitalisation annoncée, c’est une décentralisation déguisée qui s’est imposée . Les réformes opérées ont trahi l’espoir et l’esprit de la décentralisation en retirant aux communes des compétences fondamentales. L’exemple le plus criard est celui de la réforme de 2021 qui a transféré à des agences nationales telles que l’agence de construction des infrastructures du secteur de l’éducation ou la Société de gestion des déchets et de la salubrité du Grand Nokoué des missions autrefois dévolues aux communes. La loi interprétative 2020 qui a consacré la désignation des maires aux partis politiques et la réforme ayant créé les postes de secrétaires exécutifs qui sont des ordonnateurs de budget ont non seulement vidé de son sens la décentralisation mais aussi créé de vives tensions dans les mairies provoquant de nombreuses démissions et même des drames comme la mort tragique de la secrétaire exécutive de la mairie de Bantè . Ces réformes ont finalement tué l’essence même de la décentralisation et renforcé le contrôle de l’Exécutif sur les collectivités locales. Les conditions de vie et de travail des agents des collectivités locales ont pris un sérieux coup. Et comme cela ne suffisait pas, le régime a procédé à une revalorisation salariale vers fin 2022 de tous les fonctionnaires de l’Etat excluant les fonctionnaires territoriaux pourtant régis par la même convention. Le 28 mars 2023 notre groupe parlementaire Les Démocrates a, par ma voix, interpellé le gouvernement sur cette inégalité par une question orale avec débat. Cela a permis de rétablir les agents territoriaux dans leurs droits et ils bénéficient aujourd’hui de ce salaire comme ceux de la fonction publique. Fort de près 18 ans d’expériences à la mairie de Cotonou, c’est avec amertume que j’observe l’érosion progressive des pouvoirs des collectivités locales au profit de l’Etat central. Cette situation s’est aggravée avec des nominations des cadres techniques basées davantage sur des critères politiques que sous le mérite compromettant ainsi la qualité de la gestion locale. Il faut absolument retirer cette réforme suicidaire de 2021 pour restituer aux communes leur pleine autonomie. La réforme actuelle sous couvert de modernisation constitue un recul grave à la démocratie à la base ».
Eudoxie DAKPE rétablit les faits
La Conseillère technique à la Décentralisation et au Développement local du Président de l’Assemblée nationale n’a pas l’habitude d’intervenir sur les Réseaux Sociaux. « Mais certaines affirmations de l’Honorable Godonou Joël, député du parti Les Démocrates, faisant l’état des lieux sur la Décentralisation dans un capsule conçu à dessein, m’amènent à rétablir les faits dans la juste réalité afin d’éclairer l’opinion, sans prisme déformant », écrit madame Dakpè.
« La Décentralisation comme on le sait, est un système administratif et politique permettant de faire participer les citoyens à la gestion des affaires locales. En jetant un regard rétrospectif sur le processus ayant conduit à l’adoption de la réforme de l’Administration Territoriale au Bénin, il est apparu que l’objectif final que vise le processus de la Décentralisation s’articule autour de deux points essentiels, que sont :
– la promotion de la Démocratie à la base et,
– le Développement local.
Toutes actions et autres initiatives en matière de Décentralisation devraient normalement tendre vers la réalisation de ces deux objectifs.
Le Bénin a amorcé son expérience de la Décentralisation depuis 2003 avec l’élection des premiers conseils communaux. Cette expérience a fait son bout de chemin avec tout ce qu’on peut remarquer comme succès mais aussi défis non relevés, comme l’a signalé le rapport des évaluations d’étape.
En termes de défis non relevés au bout de deux décennies, on peut évoquer :
– La politisation à outrance de l’administration communale ;
– la faible capacité de mobilisation des recettes domestiques ;
– l’Insuffisance des cadres techniques spécialisés pouvant être à la hauteur des ambitions locales ;
– la vétusté ou la quasi inexistence d’infrastructures appropriées pour l’accomplissement des missions dévolues.
Et c’est compte tenu de ces insuffisances qu’une série d’actions correctrices a été amorcée depuis 2016 et notamment le vote d’un nouveau code portant administration territoriale le 21 Octobre 2021 qui consacre de nouveaux organes de gestion pour renforcer la gouvernance au niveau des collectivités. Il importe de rappeler ces constats basiques justifiant les actions actuelles. L’on ne saurait évoquer des conséquences sans s’en référer aux causes. Partant, il est apparu nécessaire de procéder au recrutement des Secrétaires Exécutifs (SE) avec un bon niveau, et aujourd’hui ordonnateurs du budget des communes, pour relever le niveau de la Gouvernance, ainsi que des titulaires des autres fonctions. Il faut rappeler que les élus n’ont pas toujours le profil pour apprécier les procédures de passation des marchés publics, ni la garantie d’une bonne exécution du budget (la loi n’ayant pas fait obligation d’un niveau d’instruction pour être élu).
L’environnement institutionnel étant assaini les problèmes de développement sont abordés aujourd’hui avec beaucoup plus d’efficacité, à ce sujet je ne saurais passer sous silence les problèmes de conflit que génèrent toutes réformes et qui se corrigent avec le temps.
En termes d’acquis, on note un accroissement substantiel de la mobilisation des ressources propres des communes courant 2022-2023, un acquis qui était un nœud gordien pour les collectivités vu que les conditions d’une bonne mobilisation n’étaient pas remplies.
L’accroissement des subventions de l’Etat à l’endroit des collectivités pour l’investissement à travers la contractualisation avec les agences nationales telles que La Société de gestion des déchets et de la salubrité du Grand Nokoué , l’Agence pour la Construction des Infrastructures dans le Secteur de l’Éducation (ACISE) et bien d’autres ne saurait être confondue à une quelconque forme de centralisation mais plutôt à une maitrise d’ouvrage déléguée où la mairie reste et demeure le maitre d’ouvrage.
En effet, c’est pour des raisons d’efficacité et d’efficience que la mairie transfert ses pouvoirs aux agences dans la limite des conditions fixées par la loi. Je profite pour dire à l’Honorable Godonou que le Gouvernement n’est jamais intervenu dans la contractualisation entre les mairies et les agences nationales et ce mode de gestion répond parfaitement au principe de la libre administration des collectivités territoriales car les collectivités doivent s’administrer librement par les conseils élus. Il n’a jamais été question de transférer les compétences des communes aux agences nationales.
Enfin, pour ce qui concerne la désignation ou l’élection du maire et de ses adjoints, selon le code électoral de 2024, le maire et ses adjoints sont désignés par le parti ayant obtenu la majorité absolue des conseillers. A défaut de majorité absolue, le maire et ses adjoints sont désignés par l’ensemble des partis ayant constitué une majorité absolue par la signature d’un accord de gouvernance communale.
Ainsi, les partis politiques ont voulu prendre leurs responsabilités en accompagnant les élus communaux dans leur dynamique d’impulsion de développement local tout en empêchant au détour des destitutions, les guerres et les règlements de comptes politiciens.
Pour finir, me mettant au cœur de la relation entre l’Etat et les collectivités territoriales, je puis vous affirmer sans ambages que toute réforme engagée au nom de la Décentralisation qui n’a pas vocation à promouvoir le développement à la base n’est qu’un vain concept. Et il n’existe pas un modèle type ou standard. Chaque pays fait son expérience et se réadapte avec le temps.
Il serait regrettable de vouloir reculer et arrêter la dynamique en cours depuis 2016 en matière de décentralisation. Ce serait une négation de la marche vers un développement du potentiel socioéconomique résilient de nos collectivités locales ».
Tout est donc clair. Le Chef de l’Etat Patrice Talon a bien fait de concevoir et de lancer cette réforme structurelle dans le secteur de la décentralisation. Et on peut dire aujourd’hui sans se tromper que les fruits n’étaient pas à la hauteur de la promesse des fleurs. Madame Eudoxie Dakpè vient de rétablir les faits et met fin ainsi au débat.
Emmanuel A.T.
A lire aussi:
« Le chef de l’Etat ne sera pas candidat pour un troisième mandat.», dixit Eudoxie Dakpè