Le corps de Jeannah Danys Dinabongho Ibouanga, 17 ans, a été retrouvé le 25 mars dans une rivière, non loin de l’université de Karabük où elle étudiait le génie mécanique. Selon les premières conclusions de l’enquête, il s’agirait d’une mort « naturelle ». Mais ses proches et la représentation du Gabon en Turquie réclament une contre-expertise.
Depuis que le corps de « Dina », comme la surnommaient ses amis, a été retrouvé dans la rivière Filyos, non loin de l’université de Karabük, ses proches ne croient pas à un décès accidentel. Que faisait-elle près d’une rivière, sans téléphone ni papiers d’identité, en short et en sandales, dans cette région du nord de la Turquie où la température en mars dépasse rarement les 10 degrés ?
Le premier rapport d’autopsie conclut à une mort « par noyade ». Selon des extraits publiés dans les médias turcs, son corps ne présentait pas de traces d’agression sexuelle, ni de blessures par objet tranchant ou arme à feu. Dans un communiqué, le parquet de Karabük annonce que l’enquête se poursuit avec la recherche de témoins et d’images de vidéosurveillance, ainsi que l’analyse des vêtements de la jeune femme.
Pas de véritable enquête, selon l’ambassade du Gabon
Interrogée par l’AFP, l’ambassade du Gabon à Ankara dénonce pour sa part l’absence de véritable enquête, affirmant que des suspects n’ont pas été interrogés parce que « la victime est noire ». Un diplomate de l’ambassade pointe du doigt deux employés de la poste de Karabük qui auraient harcelé la jeune femme, et évoque la thèse d’un assassinat.
Dans un message vocal, présenté sur Twitter comme un appel à sa mère, l’étudiante en pleurs supplie de la laisser partir pour l’université de Sakarya, à moins de deux heures de route à l’est d’Istanbul : « Il n’y a pas de racisme là-bas », plaide la jeune femme. Le diplomate a confirmé qu’il s’agissait bien d’un message envoyé par l’étudiante.
Sur Twitter, le mot-dièse #JusticepourDina se répand parmi les étudiants africains de son université, dont plusieurs dizaines ont tenté de manifester cette semaine sur le campus.
Des manifestations repoussées à Libreville
La thèse de la noyade ne convainc pas non plus la famille de la victime et plus généralement les Gabonais. Au domicile familial de Jeannah Danys Dinabongho Ibouanga, où s’est rendu notre correspondant à Libreville, Yves Laurent Goma, les anciens camarades du collège et du lycée se recueillent auprès de sa mère. Après la prière, la colère.
« Justice ! »… « Pour Dina ! », « Justice ! »… « Pour Dina ! »… « Nous dire qu’elle s’est noyée à 23 ans, à moins de 3 degrés, à près de 200 km de sa ville, c’est incohérent, donc nous réclamons justice », résume un étudiant.
La version de la noyade évoquée par les autorités turques irrite la famille. « Nous ne pouvons pas croire à cette version à partir du moment où les autorités gabonaises parlent d’assassinat, nous ne pouvons pas croire à la noyade, confie à RFI Annie Olympe Benga, tante de l’étudiante. Des autorités turques, nous attendons que lumière et justice soient faites pour Dina. Des autorités gabonaises, nous voulons qu’elles fassent pression sur les autorités turques afin que le corps de notre fille puisse être rapatriée après avoir attrapé les coupables. »
Depuis l’annonce du décès le 26 mars de l’étudiante, les Librevillois tentent de manifester devant l’ambassade de la Turquie mais ils sont systématiquement repoussés par la police à coup de gaz lacrymogènes.
La mort de cette étudiante a réveillé la douleur de la famille de l’étudiant Ketch Oboro, mort assassiné en Russie et dont les circonstances de ce décès atroce n’ont jamais été élucidées.