Emmanuel Macron réunit mercredi les chefs de partis politiques à Saint-Denis, au nord de Paris, dans un sommet inédit et à huis clos dont l’ambition affichée est de trouver des « voies » pour faire sortir le pays des blocages en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Le chef de l’État va donner corps, mercredi, à son « initiative politique d’ampleur » en réunissant, pour la première fois sous la Vᵉ République, l’ensemble des chefs de parti pour faire sortir le pays des blocages. Promise par Emmanuel Macron avant la pause estivale, cette réunion vise à bâtir « ensemble » des textes législatifs et ouvrir la voie, « le cas échéant », à des référendums, selon la lettre d’invitation présidentielle.
La rencontre entre le président et les chefs de partis débutera à 15 h. Aucun collaborateur ne sera présent et aucun dispositif n’est prévu pour la presse qui pourra uniquement filmer les allées et venues à l’extérieur du lieu de rendez-vous.
La réunion aura lieu à la maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), une école emblématique de la « méritocratie » républicaine – elle est réservée aux descendantes de décorés d’ordres français –, située de surcroît dans une ville touchée par les émeutes de fin juin, début juillet.
Les participants sont invités à deux tables rondes sur la situation internationale et les réformes institutionnelles, suivies d’un dîner autour de toutes les questions posées par les récentes émeutes urbaines, école, autorité, intégration, inégalités, selon l’Élysée.
« Mise en scène »
Tous les chefs des partis représentés au Parlement ont accepté l’invitation, mais avec une immense méfiance du côté de l’opposition qui soupçonne Emmanuel Macron de chercher avant tout à relancer un quinquennat toujours à la peine.
Les dirigeants de gauche réunis au sein de la Nupes – Manuel Bompard (LFI), Marine Tondelier (EELV), Olivier Faure (PS) et Fabien Roussel (PCF) – ont d’ailleurs décidé de boycotter le dîner, en dénonçant une « mise en scène médiatique », avant de se raviser, à condition que les agapes se résument à une réunion de travail.
Je me voyais pas manger bras-dessus bras-dessous en parlant de nos vacances, mais il paraît que la discussion va se poursuivre pendant le dîner, donc s’il y a des plateaux repas, on les mangera », a expliqué Fabien Roussel sur Europe 1.
Les conditions dans lesquelles cette réunion sera organisée restent floues.
« À quelques heures de cette réunion, je n’ai pas toujours pas eu d’information officielle de l’Élysée, ni sur les aspects logistiques, ni sur les modalités de l’échange », a déploré Marine Tondelier mercredi matin sur LCI, jugeant cela « peu respectueux », tout en se disant prête à « laisser son portable » à l’extérieur puisqu’elle n’avait « pas l’intention de faire des enregistrements clandestins des échanges ».
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a aussi mis en garde contre tout « illusionnisme verbal » et réclamé des « actes clairs » sur « l’autorité de l’Etat » et « l’identité de la France ».
Le chef de l’État l’a d’ailleurs appelé pour lui présenter les enjeux de la réunion, tout comme il l’avait fait avec le patron des Républicains, Éric Ciotti.
Le président de la République assure vouloir une « discussion franche, loyale, directe » pour « agir ensemble », dans « l’unité », au service des Français.
épourvu de majorité absolue à l’Assemblée nationale depuis sa réélection en 2022, il espère trouver des terrains d’entente sur des thèmes-clés mais souvent clivants comme l’immigration, l’ordre ou le travail.
Un exercice souvent acrobatique pour le gouvernement d’Élisabeth Borne, suspendu sur chaque texte controversé à un risque de motion de censure, comme sur la réforme des retraites au printemps.
« Préférendum »
« Le président veut éviter le blocage par tous les moyens dont il dispose », confirme un cadre du camp présidentiel.
« Il veut voir les désaccords et, s’ils sont insurmontables, voir sur quels sujets les Français peuvent trancher » par la voie du référendum, dit-il.
Les partis d’opposition ont d’ores et déjà présenté des propositions de référendums sur leurs chevaux de batailles, l’immigration à droite et l’extrême-droite, la réforme des retraites côté Nupes.
Le parti présidentiel, Renaissance, va plaider de son côté pour un référendum portant sur « entre trois et cinq questions », notamment sur la réforme des institutions. « C’est une façon, si les gens votent oui, de se relégitimer », pointe un responsable de la majorité.
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a suggéré pour sa part la piste du « préférendum », qui permet de poser des questions multiples pour mesurer les préférences des votants.
Une proposition qui ressemble à s’y méprendre au référendum à questions multiples que Emmanuel Macron avait envisagé durant son premier mandat, après la crise des « gilets jaunes », puis la convention citoyenne sur le climat, sans passer à l’acte.
Avec AFP