Emmanuel Macron président : les raisons d’une victoire

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Élu dimanche avec 65,8 % des suffrages, le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, a su tirer profit d’un concours de circonstances exceptionnel pour accéder à l’Élysée.

Qui, il y a encore un an tout juste, aurait parié sur une victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle ? Ils ne sont pas très nombreux alors à croire sincèrement et pleinement aux chances du ministre de l’Économie, lorsque ce dernier décide de lancer son mouvement, En Marche !, en avril 2016. Et pourtant, en une petite année seulement, et à moins de 40 ans (ce qui en fait le plus jeune de l’histoire), le voilà élu, dimanche 7 mai, président de la République française.
Compte tenu des institutions de la Ve République, qui favorisent les grands partis déjà bien installés, l’ascension fulgurante d’Emmanuel Macron est un petit exploit. Avec son équipe, ils ont bénéficié d’un alignement des astres inédit, qui a permis à un candidat positionné au centre de l’échiquier politique de l’emporter. Mais sa victoire est aussi le fruit d’une stratégie et d’une lecture de la société qui ont visé juste.

• Une stratégie personnelle qui vise juste

Emmanuel Macron doit sa victoire, dimanche 7 mai, tout d’abord à lui-même. Énarque de 39 ans au parcours quasi sans échec, le nouveau chef de l’État a rarement laissé indifférent les gens qui l’ont cotoyé. Choisi en 2007 pour être le rapporteur de la Commission Attali (commandée par Nicolas Sarkozy à l’ancien sherpa du président Mitterrand), il ne tarde pas à se faire remarquer par les nombreuses personnalités qui la composent. À commencer par son président qui, quatre ans plus tard, joue les intermédiaires auprès de François Hollande à la recherche d’un conseiller économique pour préparer sa candidature à la primaire socialiste. Nommé secrétaire général adjoint de l’Élysée après l’élection de celui-ci en 2012, puis ministre de l’Économie fin août 2014, il se fait rapidement remarquer des Français par certaines de ses déclarations qui détonnent, avant d’annoncer, deux ans plus tard, sa démission du gouvernement.
Devenu officiellement candidat en novembre 2016 sans jamais avoir exercé de mandat électif, Emmanuel Macron mise sur son image. Sa vision optimiste d’un pays pleinement ancré dans l’Union européenne et la mondialisation est l’élément central de ses premiers meetings, qui révèlent une organisation parfaitement rôdée autour de lui, et un art du marketing très maîtrisé. Emmanuel Macron distille au compte-gouttes ses principales mesures, gagnant du temps afin de s’adapter, si besoin, aux programmes des candidats de la droite et de la gauche. Son programme complet est finalement présenté début mars. Cette stratégie qui vise en premier lieu à rassembler sur des concepts consensuels – « remettre la France en marche », « récompenser la France qui ose », « faire plus pour ceux qui ont moins » – lui attire les critiques de ceux qui l’accusent de pas avoir de programme. Mais elle lui permet dans le même temps d’attirer vers lui un public divers, venant aussi bien de la gauche que de la droite.

• Le rejet des partis traditionnel

Emmanuel Macron a compris à quel point les Français étaient las de la classe politique en place depuis plusieurs décennies et des partis politiques traditionnels. Il joue donc pleinement la carte du renouveau et parvient à faire de son manque d’expérience et de sa jeunesse des atouts. Il réussit aussi à faire oublier que le bilan du quinquennat de François Hollande, jugé très sévèrement par une majorité des Français, est aussi en partie le sien. La manœuvre lui réussit d’autant mieux que la voie se dégage devant lui avec l’élimination ou le retrait de plusieurs adversaires potentiels de poids comme Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, Manuel Valls ou encore François Bayrou. Emmanuel Macron s’engage à mettre en œuvre le principe d’alternance dans son futur gouvernement et aux prochaines élections législatives, en puisant la moitié de ses ministres et de ses candidats aux législatives dans la société civile. Mais il n’est pas le seul à exploiter la lassitude des Français vis-à-vis des hommes politiques actuels : le « dégagisme » de Jean-Luc Mélenchon et la rhétorique anti-système de Marine Le Pen leur assurent des scores inédits au premier de tour de l’élection le 23 avril.
Dès son lancement, En Marche ! se veut au-dessus du clivage traditionnel droite-gauche et compte rassembler « les progressistes de tous bords ». Une enquête Viavoice pour Libération, publiée après le premier tour de l’élection présidentielle, confirme cette intuition qu’a eue le nouveau président : 66 % des Français, selon ce sondage, estiment ainsi que ce clivage n’est plus pertinent et qu’il doit être dépassé. Quant aux deux principaux partis politiques qui se sont partagé le pouvoir ces dernières décennies, Les Républicains et le Parti socialiste, le cumul de leurs suffrages dépasse tout juste les 25 % au soir du premier tour.

• Gauche-droite : des primaires qui ouvrent un espace politique

Avec le recul, le PS et LR se mordent sans doute les doigts d’avoir organisé des primaires. Saluées comme un processus démocratique permettant au peuple de gauche et au peuple de droite de se choisir leur champion, les primaires ont accouché de candidats qui n’avaient pas le profil pour rassembler le plus largement possible au sein de leur propre camp et au-delà. Après un quinquennat durant lequel François Hollande a été accusé de mener des politiques libérales, la gauche s’est ainsi choisi Benoît Hamon, l’un des leaders des « frondeurs » qui avaient combattu la Loi travail et dont le programme économique, avec comme mesure phare le revenu universel, était tellement proche de celui de Jean-Luc Mélenchon que la question d’une fusion de leurs deux candidatures a été évoquée tout au long de la campagne.
Même schéma à droite, avec la victoire inattendue de François Fillon. Des principaux candidats à la primaire, l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy est celui qui, avec ses 500 000 suppressions de postes de fonctionnaires, la fin des 35 heures et la présence dans ses équipes de Sens Commun, ce mouvement issu de La Manif pour Tous, portait le projet le plus libéral d’un point de vue économique et le plus conservateur d’un point de vue sociétal.
La présence de ces deux candidats au premier tour de l’élection présidentielle a ouvert un boulevard au centre à Emmanuel Macron, qui a pu ratisser large auprès des électeurs. La campagne aurait sans doute pris une toute autre tournure, si Alain Juppé et Manuel Valls avaient été choisis, en réduisant l’espace politique du candidat d’En Marche ! et ses chances de succès.

• Une affaire Fillon qui rebat les cartes

Alors que les sondages donnaient François Fillon en tête au premier tour à plus de 30 % début décembre, celui-ci a plongé en troisième position avec moins de 20 % d’intentions de vote début février, quelques jours après les premières révélations du Canard Enchaîné. Et il n’a pas réussi à revenir dans le peloton de tête.
L’affaire Fillon est venue rebattre les cartes d’une campagne hors normes. Les nombreuses révélations au fil des semaines ont donné lieu à un feuilleton qui a troublé l’électorat de la droite modérée, tout en radicalisant la droite la plus conservatrice. L’édifice construit minutieusement pendant toute sa carrière autour de l’image d’un homme intègre s’est alors écroulé. Mais au-delà du candidat, c’est tout le parti Les Républicains qui a vacillé durant de longues semaines. De nombreux responsables ont ainsi tenté de lui trouver un recours, tandis que d’autres, tels Bruno Le Maire ou Thierry Solère, ont quitté l’équipe de campagne. Si ces personnalités n’ont pas rallié Emmanuel Macron dans la foulée, un certain nombre d’électeurs, en revanche, ont fini par s’y résoudre.

• À défaut d’un front, le réflexe républicain

Talonné par la candidate du Front national au premier tour, Emmanuel Macron a bénéficié du report de voix des élécteurs mobilisés pour faire barrage à Marine Le Pen. Mais contrairement à la présidentielle de 2002, qui avait vu des milliers de Français descendre dans la rue pour dénoncer la présence du FN au second tour 21 avril, le « tout sauf Le Pen » n’a pas fait recette dans la campagne de l’entre-deux-tours. Les atermoiements de Jean-Luc Mélenchon à appeler ses Insoumis à soutenir dans les urnes l’auteur de la Loi travail et la déception des Fillonistes convaincus qu’on leur a « volé » leur élection laissaient présager d’une forte abstention et d’un nombre record de bulletins blancs ou nuls. Un avertissement pour le nouveau chef de l’État : le plus dur reste à faire. Gouverner. À l’heure où Emmanuel Macron remontera les Champs-Elysées aux côtés de François Hollande pour commémorer l’armistice du 8 mai 1945, le collectif Front social appelle déjà à manifester place de la République.


Macron: « il est de ma responsabilité d’entendre tous les Francais »

« il est de ma responsabilité d’entendre tous les Français » y compris les électeurs FN », a déclaré le tout nouveau président élu de France 0 Paris ce dimanche soir après sa victoire au second tour de la présidentielle française.