Sommet de Paris : Emmanuel Macron demande «un choc de financement public»

International

Une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement sont réunis aujourd’hui et demain à Paris pour un nouveau pacte financier mondial. Objectif de ce sommet : mieux répondre aux besoins de développement des pays du Sud. L’accès au FMI et à la Banque mondiale est jugé difficile par les pays en développement alors que les besoins sont immenses, notamment pour la lutte contre le réchauffement climatique. Emmanuel Macron sera par ailleurs l’invité de RFI, France 24 et France Info ce vendredi 23 juin à 8h30 (heure de Paris).

Emmanuel Macron est arrivé tout sourire en entrant dans la salle du palais Brongniart, l’un des sites du sommet, quand il a salué les dirigeants qui ont fait le déplacement à Paris. Il a tout de suite manifesté son impatience de commencer à travailler. Il y a du pain sur la planche pour rentabiliser cette rencontre de haut niveau qui le place au centre du jeu diplomatique pendant deux jours et dont le président veut voir sortir des solutions concrètes en faisant émarger des engagements, des instruments qui peuvent, espère-t-il, changer la vie sur le terrain.

«Jamais aucun décideur, aucun pays ne doit avoir à choisir entre la réduction de la pauvreté et la protection de la planète. Deuxième principe, chaque pays doit choisir souverainement son chemin. Troisième principe, nous devons assumer un choc de financement public. On doit investir beaucoup plus. Et nous ne sommes pas au rendez-vous. Et, donc, ce choc concessionnel doit impliquer davantage de mobilisation nationale, celui d’organisations régionales et de nos structures financières, mais également une meilleure mobilisation des institutions multilatérales. Et puis, le quatrième principe, c’est qu’on a besoin de beaucoup plus de secteur privé…»

Une manière de dire que l’objectif, c’est de dépasser les beaux discours et de mettre des choses en mouvement pour concilier transition climatique et lutte contre la pauvreté. Dans sa ligne de mire, les institutions financières multilatérales, régionales, qu’il veut faire mieux fonctionner. Comme à son habitude, Emmanuel Macron essaie d’apparaître comme celui qui veut bousculer les choses et en l’occurrence, un système financier dont il estime qu’il est le fruit du passé.

Il veut aussi mobiliser le secteur privé, car, estime-t-il encore, il y a beaucoup d’argent dans le monde : « On doit être très honnête. Il y a beaucoup de liquidités dans ce monde. Je ne pense pas que l’on arrivera à changer totalement de système, mais je pense que l’on peut le faire beaucoup mieux fonctionner. Aujourd’hui, le secteur privé n’est pas tout à fait au rendez-vous ». 

Mais, surtout, Emmanuel Macron souhaite que le nouveau pacte financier mondial respecte la souveraineté des États, c’est son créneau sur la scène internationale : défendre une transition juste pour les pays du sud.

Les attentes des pays les plus vulnérables

Après le message d’introduction d’Emmanuel Macron, la militante ougandaise Vanessa Nakate a imposé, aux chefs d’État et aux dirigeants des grandes institutions financières réunis à Paris, une minute de silence en hommage aux victimes que fait déjà le changement climatique.

«Les promesses non tenues coûtent des vies. D’après l’Agence internationale de l’énergie, les subventions aux énergies fossiles se sont élevées à 1000 milliards de dollars rien qu’en 2022. Visiblement de l’argent, il y en a. Alors ne venez pas nous dire que nous devons accepter une atmosphère polluée, des terres arides et de l’eau polluée pour pouvoir nous développer. Toutes les décisions que vous prendrez ici doivent être prises pour les peuples les plus vulnérables en première ligne du réchauffement climatique. Et, vous devez aider les leaders des pays les plus exposés au changement climatique à proposer un développement à leur population sans creuser de nouveaux puits de pétrole ou de gaz». ( Vanessa Nakate.

Le président du Niger, Mohamed Bazoum, a rappelé les dégâts sur la transhumance au cœur de son économie, soulignant qu’il voulait conserver la liberté du chemin pour sortir de la pauvreté, y compris ne pas renoncer aux énergies fossiles :  « Comme tous les autres pays pauvres, nous serons opposés à toute politique visant à nous priver du recours des énergies fossiles contenues dans notre sous-sol, a-t-il prévenu. L’unique solution acceptable est celle qui nous permet d’atteindre les objectifs des différents agendas à la fois ». Il a ajouté : « Nous avons en Afrique une population nombreuse et en forte croissance. Nos besoins fondamentaux doivent être satisfaits avant toute décroissance. Car, comme on le dit chez nous, une vache qui a bu et une vache assoiffée ne marchent pas ensemble. Il y a pour nous donc une urgence à court terme dans l’urgence globale. »

Des règles de fonctionnement devenues « immorales »

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a de son côté renouvelé ses appels au changement, estimant que l’architecture financière internationale a failli. « Les institutions financières internationales sont aujourd’hui trop petites et trop restreintes pour remplir leur mandat et être au service de tous, en particulier des pays les plus vulnérables. Le capital versé de la Banque mondiale ramenée au PIB global représente aujourd’hui moins d’1/5 de ce qu’il représentait en 1960. Et enfin, le système financier mondial perpétue et aggrave même les inégalités ». 

«Un citoyen européen a perçu en moyenne près de 13 fois plus qu’un citoyen africain. Tout cela a été fait dans les règles. Mais reconnaissons-le, ces règles sont devenues profondément immorales…» ( Anitinbui Guterres, secrétaire général de l’ONU).

Le sommet, qui n’est pas décisionnaire, doit quand même déboucher sur des propositions de réforme des institutions financières, telles que la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement.

Le président Macron annoncera ce 23 juin les engagements et solutions tirées de ce sommet.

RFI