Au Mali, des échanges de tirs ont eu lieu, ce matin du lundi 16 octobre, à Tessalit, entre l’armée malienne et les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP). Aucune victime signalée, mais ces échanges sont survenus parce que l’armée malienne venait de faire atterrir un nouvel avion dans cette localité de la région de Kidal, qui est un enjeu immédiat de la bataille que se livrent les deux belligérants.
De source onusienne, c’est un avion-cargo de l’armée malienne qui s’est posé ce lundi matin vers 6h30 sur la piste de Tessalit. Un avion de gros volume, principalement destiné au transport de matériel – armement, munitions ou véhicules – mais qui peut aussi servir au transport de troupes. Les sources jointes par RFI ignorent le contenu de ce vol précis. L’avion de l’armée malienne est reparti très vite après son arrivée, aux environs de 6h45, ce qui laisse peu de temps pour le débarquement de matériel.
« Intimidation »
Et cela sous les balles des rebelles du CSP, qui ont échangé des tirs avec les soldats maliens présents dans le camp de Tessalit. Aucune victime n’a été rapportée à ce stade. « C’est de l’intimidation des deux côtés », explique une source militaire de la Minusma.
Joint par RFI, les rebelles du CSP ont affirmé que les échanges de tirs avaient duré un peu moins d’une heure et qu’ils avaient pris fin vers 7h20.
Sollicitée par RFI, l’armée malienne n’a pas souhaité apporter de précisions mais un communiqué diffusé en fin de matinée confirme qu’ « un aéronef » de l’armée malienne « a pu atterrir et repartir sans difficulté » de Tessalit ce matin, malgré « des tirs à l’arme lourde » attribués à « des groupes terroristes » (terme employé indistinctement par Bamako pour désigner les rebelles du CSP, signataires de l’accord de paix de 2015, et les groupes jihadistes liés à al-Qaïda ou à l’État islamique.)
La Minusma pas avertie
Toujours de source onusienne, la Minusma n’avait pas été avertie de l’arrivée de ce vol militaire malien.
C’était déjà le cas jeudi dernier, lorsque deux avions avaient transporté à Tessalit plusieurs dizaines de soldats maliens et de supplétifs russes du groupe Wagner. Ce qui a suscité la colère des Casques bleus tchadiens en poste à Tessalit, ainsi que celle des rebelles du CSP qui accusent la mission onusienne de « complicité ».
La Minusma et l’armée malienne se partagent l’utilisation de la piste de Tessalit. Le camp des soldats maliens est contigu à celui des Casques bleus. La Minusma est censée quitter Tessalit de façon imminente – initialement prévu en septembre, le départ a ensuite été annoncé pour la mi-octobre – dans le cadre de son retrait total du Mali, qui doit s’achever d’ici la fin de l’année.
L’armée malienne a déjà annoncé son intention de récupérer le camp onusien de Tessalit, tout comme ceux d’Aguelhoc et de Kidal, fief des rebelles du CSP. Les rebelles estiment quant à eux que ces bases leur reviennent, car elles sont situées dans des zones officiellement sous leur contrôle lors de la signature de l’accord de paix de 2015.
Inquiétude sur le calendrier
Ce week-end, les Nations unies se sont inquiétées par communiqué des entraves posées par le gouvernement malien de transition à son processus de retrait, déplorant que « depuis le 24 septembre », les convois logistiques de la Minusma « n’ont pas été autorisés à quitter la ville de Gao pour récupérer le matériel des Nations unies et des pays contributeurs de troupes actuellement à Aguelhoc, Tessalit et Kidal ».
Le gouvernement malien presse ouvertement la Minusma de respecter les échéances prévues, et la Minusma assure être déterminée à se retirer dans le temps imparti, mais la mission onusienne prévient que les difficultés qui lui sont posées par Bamako pourraient « avoir un impact important sur la capacité de la Mission à respecter le calendrier ».
Postes avancés récupérés par le CSP
Le 14 octobre, le CSP a pris possession de plusieurs postes avancés fraîchement vidés par la Minusma à proximité de l’aéroport de Tessalit. Pour ne pas laisser l’armée malienne les occuper, mais aussi pour tenter de s’opposer à l’arrivée de nouveaux renforts Fama.
Cela n’a donc pas empêché l’avion-cargo de l’armée malienne de se poser et de redécoller ce matin. « C’est parce que le dispositif onusien de sécurisation de la piste est toujours en place », affirme un cadre du CSP.
Les civils fuient
La ville de Tessalit s’est, comme Anefis avant elle, vidée de ses habitants. Selon plusieurs témoignages locaux, les familles fuient la perspective de combats entre les Fama et le CSP. Elles fuient également l’arrivée, d’ores et déjà, des supplétifs russes de l’armée malienne. Les combattants du groupe Wagner sont accusés de nombreuses exactions sur les populations civiles au cours de leur progression vers le Nord, comme à Ersane le 5 octobre dernier, où 17 civils ont été décapités. D’autres cas ont été rapportés depuis, que RFI n’a pas été en mesure de vérifier.
Selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), entre 40 000 et 50 000 personnes ont fui la région de Kidal ces derniers jours et sont déjà arrivées en Algérie. Ces familles viennent principalement d’Anefis, Tessalit, Aguelhoc, Kidal, et d’autres localités du nord du Mali et sont, toujours selon le HCR, réparties entre Borj Madji Mokhtar, Tamanrasset, Tinzaouatène et Timyawen.
Le HCR a sollicité auprès des autorités algériennes l’autorisation d’organiser une mission dans le sud algérien pour s’enquérir des besoins humanitaires des réfugiés. Un élu de la région de Kidal, actuellement à la frontière algérienne, déplore le « mauvais accueil » qui serait réservé, selon lui, aux familles.
Colonne Fama à Anefis
Précisons enfin que la colonne de véhicules de l’armée malienne partie de Gao au début du mois se trouve toujours dans les environs d’Anefis, à une centaine de kilomètres de Kidal, depuis près de dix jours. Des mouvements de troupes ont été rapportés dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour d’Anefis – vendredi, le CSP confirmait la présence de soldats maliens au niveau de Techanaght – mais le convoi n’a pas davantage repris sa progression vers le Nord.