Au sortir du repas, le président états-unien a déclaré que ce sommet historique avait permis de faire « beaucoup de progrès ». « C’était vraiment une rencontre fantastique » qui s’est déroulée « mieux que quiconque aurait pu imaginer », a-t-il lancé à la presse, au côté de Kim Jong-un. Mike Pompeo, la cheville ouvrière du sommet côté américain, va se rendre en fin de journée à Séoul pour informer ses homologues sud-coréen et japonais du contenu des discussions, avant de se rendre en Chine.
L’image a longtemps été inimaginable. Il y a à peine quelques semaines, le « vieux fou » et le « petit gros » s’insultaient par médias interposés. Mais, mardi 12 juin, c’est par une poignée de main chaleureuse et des amabilités que le président des Etats-Unis, Donald Trump, et le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, se sont salués à Singapour lors d’un sommet inédit dans l’histoire des relations entre leurs deux pays.
A l’issue de ce rendez-vous, MM. Trump et Kim ont signé un document commun où le dirigeant nord-coréen s’engage au respect du principe d’une« dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ». De son côté, le président américain « s’est engagé à fournir des garanties de sécurité » à la Corée du Nord. Cet accord comporte quatre points principaux :
• les Etats-Unis et la Corée du Nord s’engagent à établir de nouvelles relations conformément à la volonté de paix et de prospérité des peuples des deux pays ;
• les Etats-Unis et la Corée du Nord associeront leurs efforts pour bâtir un régime de paix durable et stable dans la péninsule coréenne ;
• réaffirmant la déclaration de Panmunjom du 27 avril (signée par les présidents coréens), la Corée du Nord s’engage à travailler à une complète dénucléarisation de la péninsule coréenne ;
• les Etats-Unis et la Corée du Nord s’engagent à restituer les restes des prisonniers de guerre et des portés disparus au combat, avec un rapatriement immédiat de ceux déjà identifiés.
Dans une conférence de presse donnée par Donald Trump pendant plus d’une heure, peu après la rencontre entre les deux hommes, le président étyats-unien a annoncé la fin prochaine des exercices militaires organisés conjointement avec la Corée du Sud.
« Alors que nous sommes en train de négocier un accord global, très complet, je crois qu’il n’est pas approprié d’avoir des exercices militaires », a dit M. Trump à Singapour. Il a souligné que l’arrêt de ces exercices permettrait d’« économiser beaucoup d’argent ». Ces exercices seront relancés si les futures négociations avec Pyongyang ne se déroulent pas comme prévu, a-t-il toutefois averti.
M. Trump a également exprimé une nouvelle fois son souhait de retirer, le moment venu, les soldats américains déployés en Corée du Sud, tout en assurant que cela ne faisait pas partie des négociations avec Pyongyang.
Pour Kim Jong-un, « une nouvelle ère »
Avant de s’envoler pour les Etats-Unis, et alors que M. Kim était déjà parti, Donald Trump a tenu une conférence de presse de plus d’une heure, mardi en fin de matinée, pour revenir sur cette rencontre inédite. Il a notamment affirmé l’«engagement indéfectible » du dirigeant nord-coréen à dénucléariser totalement la péninsule coréenne. M. Trump a jugé que M. Kim avait « une occasion unique » et que ce dernier lui avait assuré qu’un site d’essai balistique « allait être détruit très prochainement ».
Le document ne mentionne toutefois pas l’exigence états-unienne de« dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible » – formule qui signifie l’abandon des armes et l’acceptation d’inspections –, mais réaffirme un engagement antérieur plus vague. M. Trump a par ailleurs annoncé qu’il avait invité son homologue nord-coréen à la Maison Blanche, à Washington.
M. Trump a également affirmé qu’il mettrait fin aux sanctions à l’encontre de la Corée du Nord quand « la menace nucléaire sera complètement abandonné ». Enfin, le président des Etats-Unis a annoncé qu’il comptait renoncer aux exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud, décrits comme « très provocateurs » à l’égard de la Corée du Nord.
De son côté, le dirigeant nord-coréen a salué une « rencontre historique » aprèsavoir apposé son paraphe :
« Nous avons décidé de signer un document pour la nouvelle ère qui s’annonce. On va voir un changement très important, on a tourné la page du passé. Je remercie M. Trump pour avoir organisé cette rencontre, merci. »
A l’ouverture du sommet, Kim Jong-un s’est félicité que Nord-Coréens et Américains aient réussi à « surmonter les nombreux obstacles » qui ont failliempêcher la tenue de la rencontre. Souriants et pouce levé, les deux hommes ont ensuite demandé à la presse de sortir pour un entretien en tête-à-tête qui a duré une quarantaine de minutes
Cocktail de crevettes et tarte tropézienne
Les deux dirigeants ont ensuite été rejoints par leurs délégations pour des discussions élargies consacrées à la dénucléarisation de la Corée du Nord et à la fin des hostilités dans la péninsule. Côté américain étaient notamment présents le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, et le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, connu pour son hostilité au régime de Pyongyang.
Puis, MM. Trump et Kim ont participé à un déjeuner de travail dans l’hôtel de luxe. Au menu, un savant mélange de mets occidentaux et asiatiques : cocktail de crevettes, porc croustillant sauce aigre-douce et tarte tropézienne. A la table, M. Kim était accompagné de son bras droit, Kim Yong-chol, qui a récemment fait le déplacement à la Maison Blanche, et de plusieurs autres dirigeants du parti aupouvoir, dont sa sœur, Kim Yo-jong.
France 24
«Premier pas» ou «rencontre historique», les réactions au sommet de Singapour
La poignée de main historique et l’accord sur une dénucléarisation de la péninsule coréenne conclu entre le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un à Singapour a suscité mardi dans le monde des réactions positives mais souvent prudentes.
Séoul: « Un événement historique »
« L’accord de Sentosa du 12 juin restera dans l’Histoire mondiale comme un événement ayant mis fin à la Guerre froide », s’est enthousiasmé le président sud-coréen Moon Jae-in, faisant référence à l’île de Sentosa à Singapour où les deux dirigeants se sont rencontrés. Il a rendu hommage à Kim Jong-un et à Donald Trump pour leur « courage et leur résolution ».
Pékin: « Le début d’une nouvelle histoire »
« Le fait que les plus hauts dirigeants des deux pays soient assis côte à côte pour des pourparlers d’égal à égal a un sens important et constitue le début d’une nouvelle histoire », a déclaré le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. « La Chine s’en félicite et apporte son soutien », a ajouté le ministre. « Il s’agit d’un objectif que nous avons espéré et pour lequel nous avons travaillé ». Pour la principale alliée de la Corée du Nord, il faut une « dénucléarisation totale », ainsi que le réclament les Etats-Unis mais « en même temps, il faut qu’il y ait un processus de paix pour la péninsule (coréenne) afin de résoudre les préoccupations raisonnables de la Corée du Nord en matière de sécurité », a souligné le ministre, rappelant le « rôle important et tout à fait unique » de la Chine.
Moscou: « Un pas important »
« Le seul fait que cette rencontre a eu lieu est, bien sûr, positif », a salué le chef de la diplomate russe Sergueï Lavrov. « Nous ne pouvons que saluer le fait qu’un pas en avant important a été fait. Bien sûr, le diable est dans les détails et nous devons regarder concrètement. Mais l’impulsion, pour ce que nous comprenons, a été donnée », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov à l’agence TASS.
Tokyo: « Un premier pas »
L’intention de Kim Jong-un « de voir une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne a été confirmée par écrit. Je soutiens ce premier pas vers une résolution d’ensemble des questions concernant la Corée du Nord », a déclaré le Premier ministre japonais Shinzo Abe.
Paris: « Un pas significatif », mais ne pas oublier l’Iran
Le document signé par Donald Trump et Kim Jong-un est un « pas significatif », a salué la ministre française des Affaires européennes Nathalie Loiseau, tout en doutant « que tout ait été atteint en quelques heures ». Elle a toutefois regretté le double standard appliqué par Washington, qui a récemment rejeté l’accord sur le nucléaire iranien. L’accord nucléaire conclu avec Téhéran « est respecté par l’Iran », alors que « signer un document avec Kim Jong-un qui est allé jusqu’à obtenir l’arme nucléaire, c’est pratiquement récompenser quelqu’un qui a été à l’encontre de tous les traités internationaux », a-t-elle estimé.
Union européenne: « Une étape capitale »
Le sommet de Singapour est « une étape capitale et nécessaire » vers une dénucléarisation, pour la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini. « L’objectif ultime (…) demeure la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la péninsule coréenne », objectif qui « peut être atteint », selon elle.
L’AIEA « prête » à mener des « vérifications »
L’Agence internationale de l’énergie atomique se tient « prête à effectuer toute activité de vérification » sur les sites nucléaires nord-coréens si Washington et Pyongyang le demandent, a affirmé son secrétaire général Yukiya Amano, qui « salue » le résultat du sommet.
Varsovie: attention aux accords avec un « dictateur cruel »
« Il faut être conscient du fait que c’était une rencontre et des tractations avec un dictateur cruel », a observé Jacek Sasin, chef du comité permanent du Conseil des ministres polonais. « Historiquement, de tels accords avec des dictateurs se sont souvent mal terminés. Il s’est avéré que le dictateur poursuivait d’autres objectifs que la partie démocratique recherchant la paix. Ce fut le cas avec Hitler, avec Staline, lors de tentatives de s’entendre avec d’autres dictateurs (…) J’espère que cette fois ce sera différent », a-t-il ajouté.
Oslo: le « travail commence »
« Je trouve positif qu’il y ait eu des discussions qui, visiblement, se sont tenues avec une bonne tonalité. La déclaration qui en est ressortie comporte beaucoup de points communs avec des déclarations similaires qu’on a vues dans le passé. C’est maintenant qu’une très grande partie du travail commence », a estimé la ministre norvégienne des Affaires étrangères Ine Eriksen Søreide, selon qui « beaucoup reste à faire ».
RFI