Théodore Holo quitte la Cour constitutionnelle après dix années, dont cinq comme membre et cinq comme président. A sa prise de pouvoir comme président de la Cour, son successeur Joseph Djogbénou à travers son discours indique clairement qu’il va reformer la haute juridiction et lui donner sa vraie valeur. « Il nous faut surtout nous armer de courage. Il nous faudra alors assumer le nécessaire devoir d’ingratitude mais à l’égard de tous. La barque pourrait sans doute tanguer mais restera bien gardée », a déclaré de son côté Joseph Djogbenou.
La fonction première de la Cour Constitutionnelle, c’est de mettre le droit au service du renforcement de l’Etat. En prenant les rênes de la Haute juridiction, Djogbénou a été clair. Il n’a pas caché sa vision, celle de mettre l’institution dans sa mission principale. Selon Djogbénou, la cour n’est pas un gadget, ou un objet désincarné. Elle ne doit pas non plus satisfaire les besoins intellectuels de quelques-uns. Visiblement, Joseph Djogbénou n’a pas la même conception de la Cour Constitutionnelle que Théodore Holo.
A sa prise de pouvoir, le nouveau président a défini en quelques mots ce que sera la prochaine cour constitutionnelle. Djogbénou a dévoilé sa conception de la Cour, une institution qui doit servir l’intérêt général. Djogbénou juge que de nouvelles perspectives peuvent voir le jour afin de renforcer l’Etat par le droit. Il place la haute juridiction au centre des rouages qui peuvent aider l’Etat à aller au développement… La Haute juridiction, selon Djogbénou, doit construire l’Etat en s’assurant que l’ensemble des citoyens aient accès aux services essentiels. Selon lui, la satisfaction de leurs droits fondamentaux et subjectifs doit être encadrée. La justice, la santé, la sécurité doivent fonctionner sans discontinuer. La Cour Djogbénou va certainement revenir sur certaines décisions comme le droit de grève.
En effet, depuis la dernière décision de la Cour Holo, en ce qui concerne le retrait du droit de grève, tous les corps stratégiques au Bénin peuvent aller en grève. Ainsi, la justice, la santé, voire l’armée se sont vues conférer ce droit en dépit de critiques vives et contestations des puristes qui ont rappelé à la Cour Holo, la décision prise quelques années plus tôt par son prédécesseur Robert Dossou, interdisant déjà le droit de grève aux douaniers.
Avec la Cour Djogbénou, de nouvelles perspectives sont annoncées. Et dans son discours, le président Djogbenou a été clair. La constitution de 1990 ne sera pas un gadget destiné à la satisfaction intellectuelle de quelques-uns. « Elle est constitution parce qu’elle construit le pays » a souligné Joseph Djogbénou qui pense que l’heure est venue pour les nouveaux membres de la Cour, d’assumer le « nécessaire devoir d’ingratitude à l’égard de ceux qui agissent, à l’égard de ceux qui commandent ». C’est dire qu’on pourrait assister de par cette satisfaction de l’intérêt général à un retrait du droit à la grève dans certains corps de la fonction publique, afin d’assurer un minimum de sécurité aux citoyens.
Que ce soit sur l’article 31, ou l’article 42, Djogbénou reste dans une logique nouvelle. En 2016 déjà, il a défendu quelques mois avant le projet de révision, envers et contre tous, la constitutionnalisation du mandat unique. Sur le retrait du droit de grève, ces différentes sorties ont clairement montré sa position. Argumentaire rejeté par une cour constitutionnelle, divisée et dont un membre claquera la porte avant la fin du mandat Djogbénou va forcément revenir sur le droit de grève surtout qu’il entend réformer cette institution et lui donner sa vraie valeur. La cour Djogbénou sera plus audacieuse. Elle sera une cour des réformes, rendra des décisions, non seulement impopulaires, mais reviendra surtout sur des décisions précédentes, parce que plusieurs sources confirment déjà qu’elle aura sur sa table incessamment des dossiers sensibles concernant aussi bien les élections que les droits des travailleurs.
C’est donc sans surprise qu’on assistera à des revirements jurisprudentiels, comme ce fut le cas sous la mandature précédente où certaines décisions déjà vidées par la Cour présidée par Robert Dossou, ont été rafistolées au nom de la paix et de la cohésion sociale, au détriment du développement.