L’ancien nonce apostolique Luigi Ventura, qui a inlassablement nié les faits, était jugé mardi à Paris. Le tribunal rendra sa décision le 16 décembre.
L’accusation a requis, mardi 10 novembre, dix mois de prison avec sursis contre l’ancien ambassadeur du Vatican Luigi Ventura, jugé à Paris pour des agressions sexuelles sur cinq hommes. En l’absence du prélat italien de 75 ans, resté à Rome pour des raisons sanitaires liées au coronavirus, trois plaignants ont raconté à la barre leur « sidération » au moment des faits qu’ils dénoncent, à chaque fois lors d’évènements publics.
« Inimaginable » pour le premier d’entre eux, qui se replonge dans ses souvenirs de la cérémonie des vœux du 17 janvier 2019, à la mairie de Paris. Alors en charge des évènements internationaux, il doit accueillir Luigi Ventura, doyen de l’ordre diplomatique. Selon son récit, le nonce lui touche les fesses de façon appuyée à trois reprises, dont une fois devant témoins.
« C’est pas qu’une histoire de main aux fesses, c’est une agression sexuelle de la part d’un ambassadeur », insiste Mathieu de la Souchère. « Je veux qu’on me dise : “Oui, vous avez été victime de Luigi Ventura” et j’espère, mais ça me dépasse, que ça permettra la libération de la parole d’autres victimes. »
Immunité du diplomate levée
Ces faits ont été signalés par la mairie de Paris en janvier 2019, entraînant l’ouverture d’une enquête. Par la suite, d’autres hommes se sont manifestés auprès de la justice et le Saint-Siège a levé, le 8 juillet 2019, l’immunité du diplomate, une première dans l’histoire moderne du Vatican.
Un community manager de la mairie de Paris d’une quarantaine d’années a ainsi appris l’enquête par la presse et décidé de porter plainte pour un épisode datant de la même cérémonie, un an plus tôt. Un troisième plaignant, séminariste alors âgé de 20 ans, a rapporté, lui, cinq gestes comparables sur les fesses lors d’une messe le 8 décembre 2018 à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne).
Deux autres hommes ont relaté des faits similaires : l’un lors d’une soirée franco-italienne à l’hôtel Meurice à Paris, l’autre, un haut fonctionnaire, lors d’une réunion préparatoire au G7. Tous deux étaient absents mardi. Parlant d’un « modus operandi », l’une des avocates de plaignants, Me Jade Dousselin, estime à l’audience que le tribunal juge « la partie émergée de l’iceberg ».
Les parties civiles insistent sur le témoignage d’un homme qui a parlé d’attouchements dès 2008, alors que Luigi Ventura était nonce au Canada. « La vérité judiciaire a de l’importante pour eux et pour tous ceux qui viendront dénoncer devant les juridictions des abus par des hommes haut placés », assure Me Dousselin.
Les agressions sexuelles sont établies, tranche le procureur dans son réquisitoire. « La question, c’est : comment a-t-il pu avoir un comportement aussi débridé ? », s’interroge le magistrat.
Estimant qu’il fallait cependant tenir compte d’une expertise qui a conclu à une altération du discernement, il demande dix mois de prison avec sursis pour l’ancien nonce. « Le tribunal doit juger sans faiblesse » mais « aussi en considération de ce qu’il est, lui ». « Ne faisons pas de M. Ventura la victime expiatoire de tous les abus qui ont pu être commis dans l’Eglise », lance le procureur.
Au cours de l’enquête, Luigi Ventura a inlassablement nié les faits, invoquant notamment son « tempérament latin » et sa « vue altérée », décrivant des « salutations amicales » sans « aucune connotation sexuelle ».
« J’avais l’impression que c’était le procès du Vatican, de l’homosexualité cachée du Vatican, de l’Eglise » mais « pas le procès de M. Ventura », s’agace son avocate Solange Doumic. « A vouloir faire un procès historique, le risque est de faire partir la justice du prétoire. Alors revenons-y ! », lance-t-elle. Evoquant des « faits mineurs » dont le préjudice est quasi « inexistant », elle demande la relaxe de son client, « quels que soient l’histoire, l’Eglise et les icebergs qu’on a tenté de faire rentrer dans cette affaire », qui ne contient selon elle « que quelques gestes et un pauvre homme ».
Le tribunal rendra sa décision le 16 décembre.
Le Monde avec AFP