Burundi : Des centaines de «concubines» chassées de leurs ménages par les autorités au nom de l’ordre moral

Afrique

Au Burundi, deux provinces du nord du pays mènent depuis quelques mois une opération de séparation des couples en concubinage au nom de « l’ordre moral et chrétien », sous l’impulsion des autorités. « Nous avons commencé à expulser de ces ménages les femmes qui vivent avec des hommes », explique ainsi un gouverneur. Détails.

C’est une forme de retour à l’ordre moral et chrétien au Burundi : après avoir fait la chasse aux concubins et autres pratiquants de l’union libre en 2017, sous l’impulsion du chef de l’État de l’époque, le défunt Pierre Nkurunziza, le couple présidentiel actuel, des catholiques très pratiquants, ont appelé à plusieurs reprises à mettre fin au concubinage du pays. Un péché qui empêcherait, selon eux, le Burundi de se développer. Un appel qui a été entendu diversement dans le pays.

Deux provinces du nord sont en tout cas à la pointe dans ce dossier, avec des concubins qui sont séparés de force. Mais l’administration assure qu’elle a agi avec méthode. Ainsi, le gouverneur de la province de Ngozi assure qu’ils ont d’abord initié une phase de sensibilisation et d’explications début novembre 2023.

La suite, Désiré Minani l’a racontée sur une radio locale, BeTV : « Depuis janvier, nous avons arrêté la phase de concertation et nous avons commencé à expulser de ces ménages les femmes qui vivent avec des hommes qui ne sont pas leurs maris légaux. On avait déjà déguerpi 237 femmes dans toute la province de Ngozi jusqu’au 26 mars 2024. »

Ce sont souvent les voisins qui dénoncent « ces couples qui vivent dans le péché », selon l’expression du président Évariste Ndayishimiye. Puis, l’administration, accompagnée de jeunes miliciens Imbonerakure et des forces de l’ordre, se rend au domicile de ce couple, comme l’explique cette femme de la province voisine de Kayanza, bien avancée aussi dans la chasse aux concubines, avec près de 200 couples déjà séparés : « Ils vérifient si vous êtes mariés légalement et si ce n’est pas le cas, ils obligent l’homme à retourner vivre avec sa première femme et la concubine est renvoyée chez ses parents. Puis, ils cadenassent la porte de la maison. »

Des femmes en ménage depuis quinze à vingt ans – avec parfois jusqu’à huit enfants – renvoyées chez leurs parents, des enfants séparés de leurs mères et obligés d’aller vivre auprès de la première femme, ou encore des hommes obligés d’aller vivre avec leur première femme qui les a quittés depuis une dizaine d’années : plusieurs témoins dénoncent de nombreux abus au nom de l’ordre moral et chrétien.