Bangladesh : Dans les rues de la capitale, les habitants expriment un besoin de justice et de sécurité

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Le Bangladesh s’est réveillé, ce vendredi 9 août, avec un nouveau gouvernement. À sa tête, Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix et banquier des pauvres, qui a effectué un retour triomphal dans son pays

L’ambiance est calme, comme tous les vendredis, jour chômé au Bangladesh. Les quelques personnes croisées dans la rue expriment leur désir de changement, mais aussi leur confiance dans ce que certains appellent « une révolution » et d’autres « une deuxième indépendance ».

« Ce que les étudiants et les gens dans leur ensemble ont accompli est le reflet de nos attentes. On voulait ce soulèvement massif. Le gouvernement de l’époque a essayé de présenter son peuple et l’opposition de manière générale comme des extrémistes ou des terroristes. Mais, le Bangladesh, ce n’est pas ça. Ce qui se passe aujourd’hui reflète le ressentiment de la population par rapport à tout ce qu’elle a vécu ces quinze dernières années », explique Lalchand Badsha, 29 ans.

Une tâche lourde attend l’autorité de transition

Les personnes rencontrées souhaitent désormais que l’on se concentre sur les besoins de la population. Ils sont nombreux à avoir besoin de sécurité. Les forces de l’ordre ont déserté les rues et plus de 230 personnes sont mortes depuis la chute du régime lundi.

Un besoin de justice également se fait sentir pour les victimes des manifestations. Des rassemblements en leur mémoire sont prévus ce vendredi. Justice également pour les autres victimes du régime et les nombreux prisonniers politiques notamment.

Une tâche très lourde attend donc l’autorité de transition qui devra à la fois panser les plaies d’un pays meurtri par la violence, mais surtout restaurer une démocratie très abîmée par quinze années de gouvernance autocratique.

Les messages de soutien des grandes puissances 

Malgré les très bonnes relations avec l’ancienne Première ministre déchue Sheikh Hasina, soutenue par New Delhi pendant ces quinze années de pouvoir autoritaire, l’Inde a chaleureusement félicité le Professeur Yunus, et reste déterminée à travailler avec son voisin et allié pour répondre aux « aspirations communes des deux peuples ».

La Chine qui nourrit des relations plus distantes avec Dacca en raison de sa proximité historique avec l’Inde, salue le nouveau gouvernement avec lequel elle est prête à travailler. Même son de cloche à Bruxelles et Washington qui veulent respectivement soutenir le Bangladesh dans cette transition cruciale et l’aider à construire un avenir démocratique.

En cette phase délicate de reconstruction, la communauté internationale prend une posture globalement bienveillante. Durant cette transition du pouvoir, les équilibres géopolitiques ne devraient pas beaucoup évoluer tout comme la politique modérée de Dacca dans ses relations internationales, en particulier au sein des Nations unies.

Face à l’absence de police, les habitants s’organisent autrement

Ciblés par certains pour leurs agissements, les policiers n’effectuent plus leurs missions, comme gérer le trafic. Alors, manifestants, associations et citoyens s’organisent autrement.

Trouver un feu rouge qui n’a pas été détruit durant les manifestations est devenue une mission presque impossible et cela a nettement aggravé une circulation déjà chaotique. « Il n’y a pas de loi pour l’instant contre les voitures ou les autres véhicules s’ils ne respectent pas les règles de sécurité. C’est un problème, car les gens n’ont pas conscience du danger et ne sont pas vigilants », explique Fahim, volontaire au Croissant-Rouge dans un carrefour agité de la capitale.

Lima Akter Mim, 22 ans, étudiante, porte un gilet jaune et un sifflet à la bouche depuis lundi : « Là, dans ce camp, on m’a donné cette veste. Il n’y a plus de police qui s’occupe de la circulation. C’est pour cela que nous, les étudiants, nous remplaçons la signalisation. Tout le monde nous respecte et apprécie ce que l’on fait. »

À ses côtés, Fahan aussi se réjouit de la réaction des chauffeurs. « Les gens nous soutiennent avec de l’eau, de la nourriture et nous aident avec tout. On n’a aucun souci ou problème ! », dit-il. Finhaz a, lui, tenu à apporter des parapluies aux policiers de fortune. « Les étudiants accomplissent leurs missions sous le soleil. On s’est dit que c’était la meilleure chose à leur donner », pense-t-il. Tous assurent vouloir faire leur part pour la construction de ce qu’ils appellent « un nouveau Bangladesh ».