De nombreux auditeurs de RFI ont interrogé l’équipe de « Priorité santé » sur l’efficacité d’un antipaludéen, la chloroquine, dans le traitement contre le coronavirus. Deux spécialistes leur ont répondu mercredi matin sur RFI.
Face à la pandémie de Covid-19, les États-Unis ont approuvé le recours à la chloroquine, un traitement antipaludéen qui a « montré des résultats préliminaires très très encourageants », a annoncé jeudi 19 mars Donald Trump.
« Nous allons pouvoir rendre ce médicament disponible quasiment immédiatement », a assuré le président américain lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, estimant que cela pourrait « changer la donne » face à la pandémie.
L’antipaludique Plaquenil hydroxychloroquine – connu sous le nom générique de chloroquine – est aujourd’hui utilisé dans le cadre de la prise en charge de certaines maladies auto-immunes.
Une étude menée à Marseille par Didier Raoult, infectiologue à l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille, affirme que son effet est spectaculaire auprès des trois quarts des malades du coronavirus. Le professeur assure que 24 malades du Covid-19 ont pris du Plaquenil et que six jours plus tard seuls 25 % d’entre eux étaient encore porteurs du virus, contre 90 % de ceux qui n’en prennent pas.
Des réserves méthodologiques
Mais les experts appellent à la prudence. Selon le professeur Christophe Rapp, infectiologue à l’hôpital américain de Paris : « C’est un travail intéressant qui a été fait sur un effectif réduit. L’utilisation de la chloroquine ajoutée à un autre antibiotique, l’azithromycine, a une efficacité sur la clairance du virus, c’est-à-dire qu’il fait disparaître plus rapidement le virus. Il n’y a pas de corrélation évidente avec les manifestations cliniques. L’effectif est petit : il ne s’agissait pas de complications sévères, le groupe contrôle est à discuter… Il y a des réserves méthodologiques. C’est une piste, mais il ne faut pas s’emballer. Ça doit être fait dans d’autres conditions, sur un effectif plus important. »
Le ministère de la Santé veut étendre les essais cliniques
Astrid Vabret, cheffe de service de virologie au CHU de Caen, en Normandie : « C’est en effet quelque chose qui est intéressant. On a des données écrites, donc c’est déjà très intéressant. En revanche, il faut effectivement consolider les résultats, pour une utilisation en pratique. Je pense que c’est ce qu’a demandé le ministre français de la Santé, Olivier Véran, à partir de ces premiers résultats. »
En effet, mercredi, au sortir du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement français Sibeth Ndiaye a expliqué que « le ministère a souhaité étendre ces essais cliniques, qui seront dupliqués sur un plus grand nombre de patients ». « Nous n’avons pas de preuve scientifique [que ce traitement fonctionne] », a-t-elle ajouté. Aussi, « ces nouveaux essais seront réalisés avec une équipe indépendante du professeur Raoult ».
Le professeur Christophe Rapp avertit : « Le danger avec ces effets d’annonces, c’est que les gens vont se précipiter sur ces médicaments (chloroquine, Plaquenil) qui sont utilisés dans d’autres pathologies immunitaires. Cela pourrait engendrer une pénurie. Il faut rester très scientifique et mettre en place des protocoles, dans des conditions très rigoureuses pour évaluer les molécules. Pour l’instant, c’est un peu prématuré. C’est intéressant, mais ça ne permet pas au médecin de prescrire largement ce médicament. »
Le laboratoire français Sanofi a en tout cas indiqué mardi qu’il était prêt à offrir aux autorités françaises des millions de doses de Plaquenil. « Sanofi s’engage à mettre son traitement à la disposition de la France et à offrir plusieurs millions de doses qui pourraient permettre de traiter 300 000 patients », a indiqué à l’AFP un porte-parole du laboratoire, tout en précisant que le groupe se tenait prêt à travailler avec les autorités de santé françaises « pour confirmer ces résultats ».
RFI