Juste Codjo, ancien officier des forces armées béninoises, et aujourd’hui professeur de sécurité internationale (New Jersey City University), donne son analyse sur la crise entre le Niger et le Bénin. Dans une tribune publiée par Wathi et que rapporte Banouto, il relève des éléments susceptibles d’ être le terreau d’ une escalade.
Faut-il espérer une paix des braves entre le Bénin et le Niger? La crise qui met aux prises les deux pays voisins d’Afrique de l’Ouest depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 à Niamey va de rebondissement en rebondissement. Juste Codjo,professeur de sécurité internationale au New Jersey City University donne son analyse de la situation. Dans une tribune diffusée par Wathi, l’ex-officier des forces armées béninoises estime qu’il est « à craindre que cette crise ne persiste encore pour un temps et qu’une escalade ne soit, tôt ou tard, la seule issue possible. »
Il y a bien des éléments historiques et des faits d’actualité qui semblent confortés l’analyse. Juste Codjo convoque dans son analyse, l’agression militaire que le Bénin a subie le 16 janvier 1977 avec des mercenaires conduits par le Français Bob Denard. Cette agression baptisée « Opération Crevette », rappelle-t-il, a eu lieu dans un contexte de tension entre le Bénin et le Togo. « Il est également important de rappeler que le Bénin et son voisin le Togo entretenaient, bien avant cette opération, des relations particulièrement tendues. Kérékou accusait son voisin Gnassingbé Eyadéma d’abriter des activistes subversifs béninois, tandis qu’Eyadéma accusait Kérékou de vouloir attaquer le Togo», souligne-t-il.
Juste Codjo explique que « des archives découvertes ultérieurement ont révélé que jusqu’au 15 octobre 1976, soit seulement trois mois avant l’opération de Bob Denard, le Togo abritait encore un groupe de commandos mercenaires. Ces documents montrent également que ces mercenaires participaient à la formation et à la préparation d’un bataillon d’infanterie togolais, destiné à soutenir la phase finale de l’opération de Bob Denard au Bénin. »
Observateur averti des faits d’actualité, Juste Codjo constate que les protagonistes de la crise entre le Bénin et le Niger s’accusent réciproquement en des termes similaires à ce qui a prévalu de 1976 à 1977. Il y a les putschistes nigériens qui accusent le Bénin d’abriter des agents de déstabilisation. Il y a aussi le Bénin qui à son tour accuse la partie nigérienne de « planification d’actes d’atteinte à la sûreté » sur son territoire.
Au vu de ces précédents historiques et de ces faits d’actualité, le politologue et spécialiste des questions de sécurité déduit : « les acteurs et observateurs de la crise actuelle entre le Niger et le Bénin devraient se garder de sous-estimer les risques d’une escalade par l’une ou l’autre partie. Les risques d’une telle escalade devraient être évalués, non pas sur la base d’émotions envers l’une ou l’autre partie, mais par rapport à la perception, par chacune des parties, du degré de la menace d’une possible déstabilisation de leurs régimes respectifs. »
Si escalade il doit y avoir, l’initiative pourrait venir d’un côté comme de l’autre. Juste Codjo pense que cela tient à la perception que les dirigeants de chacun des deux pays ont des éléments d’appréciation qu’ils ont.
Côté nigérien, explique-til, si le Général Abdourahamane Tiani est sérieusement convaincu- indépendamment de la réalité- que le gouvernement béninois et ses alliés extérieurs préparent une déstabilisation armée contre son régime, il n’aura de choix que de radicaliser sa position.
Egalement, si au Bénin, le président Patrice Talon et ses alliés extérieurs sont convaincus que le régime militaire de Tiani et ses alliés constituent une menace à leurs intérêts vitaux, y compris la survie politique du régime béninois, l’escalade est à envisager.
L’escalade prévisible entre les deux Etats, peut également s’expliquer par deux autres éléments que cite Juste Codjo dans sa tribune. Il y a la difficulté des États d’avoir accès à des informations complètes sur les intentions et les capacités de leurs adversaires que les théoriciens appellent l’« incomplete information ». Cela conduirait à une escalade fondée sur des informations erronées ou incomplètes.
Le second élément tient à une crise de confiance entre les protagonistes même en cas d’un accord de paix. « Chacun craint qu’une fois l’accord signé, l’autre partie pourrait le violer et passer à une escalade quand de nouvelles conditions émergeraient à son avantage», fait savoir Juste Codjo. Et dans le cas du Bénin et du Niger, avertit-il, « des difficultés à trouver un accord satisfaisant pourraient persister si l’une des deux parties considère que l’autre manque de bonne foi ou ne l’a pas suffisamment démontrée. »
S.E.
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