Au Bénin, il existe d’énormes potentialités naturelles en matière de production maraîchère, favorisée par les conditions agro écologiques propices. A l’instar d’autres pays africains, ce pays a connu ces dernières années un développement de l’agriculture urbaine et périurbaine due à la forte croissance démographique et à l’urbanisation croissante induisant un accroissement des besoins alimentaires. Selon Gnanglè (2009), un total de 35,85 ha de Surface Agricole Utile disponible sont exploités par 567 producteurs maraichers soit 632 m² par exploitant. Ces exploitants sont répartis sur plusieurs périmètres dont le plus important est celui de Houéyiho qui couvre une superficie de quatorze (14) hectares. Bien qu’il y ait un nombre important d’actifs agricoles exerçant cette activité, la demande pour l’ensemble des produits maraîchers reste considérable face à une offre largement inférieure. Par exemple, la demande annuelle du seul marché de Cotonou, représente environ 125% de l’offre pour la tomate et 120% de l’offre pour l’oignon (Lares, 2004). Il en est généralement de même pour les autres légumes feuilles qui occupent la deuxième position juste après la tomate. En 2002, Sanny avait déjà remarqué que pour faire face aux exigences du marché et répondre à la concurrence, les producteurs de produits maraîchers pratiquent une utilisation parfois abusive de pesticides chimiques ravageurs pour accroître la productivité de leurs exploitations, ce qui compromet la qualité des légumes.Trois ans après Sanny et al. (2005) ont montré que les maraîchers béninois utilisent un grand nombre de produits chimiques inappropriés, en particulier les insecticides destinés aux ravageurs du coton, pour résoudre les problèmes des nuisibles des cultures. De plus, il a été rapporté que les teneurs en résidus des organochlorés (DDT, Endrine, Heptachlore) utilisés pour les légumes collectés dans l’Ouémé au Sud-Bénin ont largement dépassé les recommandations normatives (Assogba-Komlan et al., 2007). A travers la présentation d’une étude effectuée à Cotonou, le présent article vise à alerter et à faire prendre conscience aux consommateurs Cotonois du grand danger auxquels ils sont exposés en consommant les produits maraichers sans prendre les précautions d’hygiène alimentaire requises.
Description de l’étude
Pour mieux appréhender le phénomène dans la ville de Cotonou, Akle 2012 a conduit une étude sur les Effets des pratiques phytosanitaires et culinaires sur la qualité des produits maraîchers cultivés et consommés à Cotonou. Cette étude s’inscrit dans le cadre de son mémoire de master en normes, contrôle de qualité et technologie alimentaire co-organisé par la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA) – l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi et la Faculté des Sciences et Techniques (FAST) del’Université d’Abomey-Calavi.
Deux légumes ont été retenus dans le cadre de cette étude : le Vernonia (Vernonia Amygdaline) et la laitue (Lactuca sativa). Cette étude a couvert 598 ménages situés dans les 4e, 11e, 12e et 13e arrondissement de Cotonou (arrondissement ayant au moins un site maraîcher). De plus, 195 producteurs maraîchers cultivant les deux spéculations à la fois ont été sélectionnés sur les 09 sites maraîchers de Cotonou. Des échantillons des légumes ont été prélevés sur les trois plus grands sites maraîchers de Cotonou en termes de superficies cultivées, de fonctionnalités et d’organisations réelles : les sites maraîchers de HOUEYIHO, d’ONIP à Cadjèhoun et d’AKOGBATO à Fidjrossè. Les prélèvements effectués sur les parcelles individuelles ont été regroupés par produit pour constituer des échantillons composites représentatifs de chaque site maraîcher. Trois sous échantillon ont été constitué :
– Sous échantillon 1 : légumes non traités c’est-à-dire légumes brutes récoltés sur les parcelles
– Sous échantillon 2 : légumes brutes ayant subis un lavage simple
– Sous échantillon 3 : légume du sous échantillon 2 ayant subis une opération de traitement finale : cuisson au bicarbonate pour le Vernonia et traitement à la désinfectante javel pour la laitue.
Ces échantillons ont été analysés au laboratoire.
Les inquiétants résultats…
Les résidus des pesticides, sept (07) au total, ont été ciblés pour l’analyse et concernent les insecticides organochlorés dont les principaux sont : la Dieldrine, le Lindane, l’Heptachlore, l’Aldrine, le Bénomyl, l’Acéphate et le DDT. L’analyse des échantillons de légumes feuilles prélevés sur les trois sites maraichers retenus dans la commune de Cotonou a permis de détecter ces molécules de pesticides organochlorés dans tous les légumes échantillonnés.
– Sous échantillon 1 : légumes brutes récoltés sur les parcelles
Sur les 7 pesticides à haut risque qui ont été analysées, il ressort aussi bien pour la laitue et le Vernonia et ceci sur les trois sites étudiés que les concentrations des résidus sont hors normes pour quatre (04) des molécules à savoir : heptachlore, aldrine, bénomyl et acéphate. Les teneurs moyennes de ces résidus de pesticides issus des trois sites se présentent comme suit (L=laitue ; V = vernonia et N= norme) : Heptaclore (L : 0,05 ; V : 0,04 contre N : 0,03 ?g/l), d’Aldrine (L : 0,05 ; V : 0,07 contre N : 0,03 ?g/l), de Bénomyl (L : 0,24 ; V : 0,26 contre N : 0,02 mg/kg) et Acéphate ((L : 3,92 ; V : 3,62 contre N : 2 mg/kg).
– Sous échantillon 2 et sous échantillon 3
En ce qui concerne les laitues, l’étude a révélé que suivant les traitements, on note une différence significative entre les teneurs en Aldrine mais par contre que les autres substances (Heptachlore, DDT, Lindane, Benomyl, Acéphate et Fibres) ont des teneurs significativement identiques ce qui veut dire que les substances heptachlore, aldrine, bénomyl et acéphate ont toujours des teneurs hors norme quel que soit le traitement (même les feuilles lavées à l’eau de Javel). En ce qui concerne le Vernonia, l’étude montre que suivant les traitements, on note une différence significative entre les teneurs en Heptachlore mais elle reste au-delà de la norme. Les autres substances (DDT, Aldrine, Lindane, Benomyl et Acéphate) ont des teneurs significativement identiques ce qui veut dire qu’elles ne diffèrent pas vriment des valeurs obtenues avec les légumes non traitées.
Cette étude montre ainsi que les habitants de Cotonou consommateurs de produits maraîchers spécifiquement la laitue et le Vernonia, ingurgitent à chaque consommation des substances chimiques toxiques ce qui est véritablement inquiétant.
Impacts environnementaux et sanitaires des organochlorés
Comme les métaux lourds et certains métalloïdes auxquels ils peuvent ajouter leurs effets négatifs, les organochlorés massivement synthétisés par l’Homme et dispersés dans l’environnement (eau, air, sols) sont d’importants contaminants des écosystèmes, du réseau trophique et aussi de la chaîne alimentaire humaine. En effet, ils sont souvent extrêmement stables (pas ou peu biodégradables), ne se décomposent pas avant des décennies, et dans certains cas, des siècles. La plupart d’entre eux sont classés dans les « polluants organiques persistants ». Ils sont pour la plupart toxiques à très toxiques ou éco-toxiques ; ils sont bioaccumulables et sont facilement stockés dans les graisses. De plus, pour la plupart, ils franchissent facilement les muqueuses pulmonaires, intestinales et les barrières cutanées ou placentaires. Ils peuvent être cancérogènes, mutagènes et/ou reprotoxiques. Des produits accumulés dans les sols ou les sédiments, peuvent être mobilisés par les vers de terre, d’autres animaux fouiseurs, la volaille ou les porcs et sangliers et contaminer, ou être encore présent dans certains aliments contaminant ainsi l’alimentation humaine en causant par exemple des maladies neurodégénératives, malformations du fœtus, la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers hématopoïétiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples) », etc. Les conséquences de ces contaminations lentes se manifesteront aussi pas des complications lors des accouchements.
Enfin mon appel !
Même si cette étude mérite d’être approfondie notamment en tenant compte des Quantités journalières assimilables de ces substances, il n’en demeure pas moins qu’elle soulève un grave problème qui, si on y prend garde, aura dans les années à venir des conséquences désastreuses.. Il convient donc que ce secteur soit mieux réglementé et que la mise en application des textes en la matière et les normes par les maraîchers soient suivie de façon rigoureuse. Aussi, les alternatives saines aux pesticides et aux engrais doivent être trouvées de concert avec les producteurs et les spécialistes du domaine. Mais avant que cet appel à l’endroit des autorités, qui ma foi, je ne sais quand ce sera fait, soit une réalité, j’appelle les consommateurs à de plus en plus opter pour les produits biologiques. Il n’est pas du tout difficile de remarquer aujourd’hui que la plupart des béninois moyens construisent des «maisons à dalle». Ils disposent ainsi d’espace, la dalle de leur maison pour faire de la culture hors sol ce qui leur permettra ainsi de veiller sur ce qu’ils consomment car nous sommes malades de ce que nous consommons. Et pour ne pas être beaucoup malade des laitues et du Vernonia que nous consommons à Cotonou, lavons correctement et plusieurs fois ces légumes avant même de les désinfecter ou de les cuir