Emmanuel Macron a annoncé dimanche 10 mars un projet de loi pour une « aide à mourir », qui rapprocherait la France de plusieurs de ses voisins européens où l’euthanasie et/ou le suicide assisté sont autorisés.
C’était l’une de ses promesses électorales. Deux ans après avoir annoncé son intention de réformer la fin de vie, et onze mois après la fin de la Convention citoyenne consacrée à cette question sociétale particulièrement sensible, Emmanuel Macron a dévoilé dimanche son « modèle français de la fin de vie ». Il ne s’agit ni d’euthanasie ni de suicide assisté, a affirmé le président français dans un entretien conjoint aux quotidiens Libération et La Croix, mais « une aide à mourir » soumises à des « conditions strictes ».
En France, la fin de vie des malades incurables est encadrée par la loi Claeys-Leonetti de 2016, après une première version en 2005. Cette loi prévoit l’arrêt des traitements en cas « d’obstination déraisonnable ». Si le patient le souhaite, les traitements peuvent être « suspendus » lorsqu’ils « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Si le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision doit être prise par les médecins de façon « collégiale ».
Le projet de loi dont le chef de l’État a esquissé les contours dans son entretien doit être présenté en avril en Conseil des ministres et le 27 mai à l’Assemblée nationale. Face aux résistances attendues, le Premier ministre Gabriel Attal a appelé ce lundi les parlementaires à « un débat apaisé, éclairé, respectueux des positions de chacun », soulignant que cette évolution de la loi est « attendue de longue date » et constitue « un progrès ». Si la voie est étroite, cette réforme « peut passer », même au Sénat, ancré à droite, a pronostiqué le chef des sénateurs centristes, Hervé Marseille. Car « ça correspond à ce que beaucoup de groupes de gauche souhaitaient et les autres groupes sont partagés ». Mais son adoption n’aurait sans doute pas lieu avant 2025.
La France se rapprocherait alors des sept pays européens où l’euthanasie et/ou le suicide assisté sont autorisés. Tour d’horizon des législations en vigueur en Europe.
Euthanasie légale ou dépénalisée
Les Pays-Bas et la Belgique ont été les deux premiers pays européens à avoir autorisé l’euthanasie – à savoir la mort provoquée par un soignant à la demande d’un malade. Aux Pays-Bas, l’euthanasie est strictement encadrée depuis le 1er avril 2002. La loi néerlandaise dispose que le médecin et un expert indépendant doivent déterminer chez le patient une souffrance insupportable et sans espoir d’amélioration. Il doit aussi être établi que la demande d’euthanasie est mûrement réfléchie, volontaire, et qu’il n’y a aucune autre « option réaliste ». Après des années de débat, l’aide à la fin de vie a été élargie en avril 2023 aux enfants de moins de douze ans.
En Belgique, la demande doit être « volontaire, réfléchie, répétée », « sans pression extérieure », selon un texte promulgué le 28 mai 2002. En 2014, la Belgique est devenue le premier pays au monde à autoriser l’euthanasie pour les mineurs sans limite d’âge.
Le Luxembourg a dépénalisé en 2009 l’euthanasie et le suicide assisté, à savoir lorsque le patient prend lui-même un produit prescrit pour donner la mort. « N’est pas sanctionné pénalement et ne peut donner lieu à une action civile en dommages et intérêts le fait par un médecin de répondre à une demande d’euthanasie ou d’assistance au suicide », selon la loi luxembourgeoise promulguée le 17 mars 2009.
L’Espagne a adopté en mars 2021 une loi qui permet l’euthanasie et le suicide médicalement assisté. La loi espagnole prévoit que toute personne ayant « une maladie grave et incurable » ou des douleurs « chroniques la plaçant dans une situation d’incapacité » puisse demander l’aide du corps médical pour mourir et s’éviter ainsi « une souffrance intolérable ». Des conditions strictes encadrent la démarche qui doit notamment recevoir le feu vert d’une commission d’évaluation.
Le Portugal a récemment dépénalisé l’euthanasie au terme d’un processus laborieux : une loi encadrant « la mort médicalement assistée » a été promulguée en mai 2023, malgré l’opposition du président conservateur Marcelo Rebelo de Sousa. Cette loi dispose notamment que l’euthanasie est autorisée dans les cas où « le suicide médicalement assisté est impossible en raison d’une incapacité physique du patient ».
Suicide assisté
La Suisse – non membre de l’UE – interdit l’euthanasie active directe, mais autorise le suicide assisté. La pratique de l’assistance au suicide est encadrée par des codes de déontologie médicale et est prise en charge par des organisations comme l’association Exit. Les accompagnateurs bénévoles de ces associations fournissent au patient la substance mortelle – obtenue par le biais d’une ordonnance médicale – qu’il ingérera lui-même, sans intervention extérieure, pour mettre fin à ses jours. Un médecin doit constater le décès.
La personne doit être majeure, capable de discernement, être atteinte soit d’une maladie incurable, soit de souffrances intolérables, soit de polypathologies invalidantes liées à l’âge. Toutefois, une personne peut être poursuivie si elle prête assistance au suicide d’un tiers alors qu’elle est « poussée par un mobile égoïste » comme la perspective d’un héritage.
L’Autriche a légalisé, par un vote du Parlement en décembre 2021, le suicide assisté pour les personnes atteintes d’une maladie grave ou incurable. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.
En Italie, l’aide au suicide est interdite, mais la Cour constitutionnelle a permis une exception en septembre 2019 pour les malades pleinement conscients « maintenus en vie par des traitements (…) et atteints d’une pathologie irréversible, source de souffrance physique et psychologique qu’ils estiment intolérable ».
Euthanasie interdite et criminalisée
Au sein de l’Union européenne, neuf pays interdisent l’euthanasie : l’Irlande, la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, la République tchèque, la Lituanie, la Lettonie, Chypre et Malte. C’est aussi le cas du Royaume-Uni et de la Norvège – hors UE. Au Royaume-Uni, l’euthanasie est considérée comme un homicide involontaire ou un meurtre, selon les circonstances. Elle peut être passible de la prison à vie, indique le site Toute l’Europe. L’aide au suicide est également illégale, la peine maximale est de quatorze ans de détention.