L’armée a annoncé le 29 avril avoir éliminé la veille Abu Huzeifa, un commandant du groupe État islamique au Sahel (EIS) dans la zone des trois frontières. Sa tête avait été mise à prix par les États-Unis pour son implication dans la mort de quatre soldats américains. Quel rôle ont joué les combattants du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) dans ce succès de l’armée malienne ? Quelles suites pour l’offre de récompense américaine ?
Sait-on comment l’armée malienne est parvenue à localiser et à identifier Abu Huzeifa ?
L’armée malienne elle-même, que ce soit dans son communiqué ou dans les informations qu’elle a transmises à la télévision nationale ORTM qui a consacré un reportage à cette élimination lundi soir, ne donne aucune précision : elle parle d’une « opération de grande envergure », sans davantage de détails, et assure que « l’identification et les indices recueillis confirment la mort » d’Abu Huzeifa, sans dire donc si son identification est strictement visuelle, s’il a tout simplement été reconnu, si on a trouvé sur lui ou dans sa cachette des documents d’identité ou quoi que ce soit d’autre.
Ce que l’on sait, grâce à des sources civiles et sécuritaires locales, c’est que cette opération a eu lieu dans la localité de Tassoubarat, au sud-est d’Indélimane, près de la frontière avec le Niger. C’est là qu’il se cachait avec une dizaine d’hommes. Et que les combattants du MSA ont joué un rôle décisif.
Quel rôle ont joué les combattants du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) dans cette opération ?
Il s’agit d’un groupe armé de la région de Ménaka, composé essentiellement de Touaregs de la fraction dahoussak, et qui combat avec l’armée malienne.
Il faut rappeler que lorsque l’État islamique au Sahel a lancé sa vaste offensive dans la région de Ménaka, en mars 2022, le MSA était absolument seul pour tenter de protéger, de secourir les populations. Aujourd’hui, la quasi-totalité de la région de Ménaka et une partie de la région de Gao sont contrôlées par les jihadistes de l’EIS et, selon le décompte des communautés locales, cette offensive de l’État islamique a fait plus d’un millier de morts, le MSA n’a pas pu faire face. Mais il est désormais allié aux Forces armées maliennes (Fama). Les Fama et leurs supplétifs de Wagner, qui se sont longtemps désintéressés de ce qui se passait dans la région, sont aujourd’hui présents à Ménaka.
Et donc, c’est grâce au MSA que l’armée a pu éliminer « Higgo », code US AFRICOM pour Abu Huzeifa. Ce sont en effet les combattants du MSA qui l’ont localisé, identifié et tué. Mais ils l’ont fait sous la bannière de l’armée malienne. On notera d’ailleurs que c’est Moussa Ag Acharatoumane, le chef du MSA, qui a le premier annoncé la mort d’Higgo, sur les réseaux sociaux, dès dimanche, donc le jour même de son élimination. Mais il affirmait bien dans son message que c’était l’armée qui l’avait neutralisé. Et le lendemain, lundi soir, c’est l’armée malienne qui a revendiqué ce succès militaire.
Notre confrère Wassim Nasr, de France 24, est d’ailleurs le premier à avoir clairement précisé le rôle de chacun, il expliquait notamment mardi comment les Fama avaient quant à eux isolé Higgo des autres combattants qui l’accompagnaient.
Pourquoi la tête de cet homme était-elle mise à prix par les États-Unis ?
« Jusqu’à 5 millions de dollars », 3,4 milliards de FCFA : les Américains avaient mis sa tête à prix après l’attaque de Tongo Tongo, en octobre 2017 au Niger. Attaque au cours de laquelle quatre soldats nigériens et quatre soldats américains des forces spéciales avaient été tués. Et Abu Huzeifa avait directement pris part à cette attaque. C’est même son principal fait d’armes.
Sur l’une des rares photos de lui en circulation, Higgo pose avec une arme volée aux Américains à Tongo Tongo. Les États-Unis avaient donc offert cette récompense à qui pourrait fournir des informations pouvant permettre de le retrouver, ainsi que six autres djihadistes impliqués dans l’attaque. Plusieurs ont été tués depuis : après la mort d’Higgo, il n’en reste en fait plus qu’un seul.
Les 5 millions de dollars de récompense vont-ils être remis aux autorités maliennes ?
C’est une question qui se pose, bien sûr, et qui fait un peu sourire aussi car la situation est effectivement cocasse, mais c’est peu vraisemblable.
Dans son communiqué, pour commencer, l’armée malienne rappelle l’existence de cette récompense mais ne dit à aucun moment qu’elle compte en faire la demande. Aucune déclaration en ce sens non plus de la part des autorités politiques de transition à Bamako.
Ensuite, les Américains avaient proposé une récompense en échange d’informations. L’offre du département d’État est facilement accessible sur Internet : l’argent, c’est en échange d’informations sur les responsables de Tongo Tongo, ces informations devant ensuite permettre à l’armée américaine de mener son opération.
Dernière chose : l’armée malienne travaillant avec le groupe russe Wagner, que Washington considère officiellement comme une « organisation criminelle internationale », en raison de ses « vastes atrocités et abus des droits humains ». On voit mal les Américains leur signer un chèque.