Virus mpox : Ce que l’on sait de cette épidémie qui se propage en Afrique

Afrique

Alors que l’Organisation mondiale de la santé a déclenché mercredi 14 août son plus haut niveau d’alerte mondiale face à la propagation du mpox, aussi connu sous le nom de variole du singe, RFI fait le point sur cette maladie connue depuis les années 1970 et sur son épidémie qui s’accélère en Afrique.

Qu’est-ce que le mpox ?

Initialement connu sous le nom de monkey pox, la variole du singe, et renommé en 2022 mpox par l’OMS, ce virus est une espèce de la variole. Paradoxalement, le mpox n’a pas grand-chose à voir avec les singes, si ce n’est qu’il a été isolé pour la première fois sur des primates dans un laboratoire du Danemark en 1958.

Le mpox est en effet une zoonose, une maladie infectieuse qui passe de l’animal à l’homme, mais ce n’est pas le singe qui transmet la maladie à l’humain. L’hypothèse privilégiée est celle d’une maladie originellement véhiculée par les rongeurs. Le premier cas humain a été rapporté en RDC en 1970, il s’agissait d’un enfant de neuf ans qui avait pu être soigné de la maladie avant de mourir peu de temps après avoir contracté les oreillons.

Pourquoi l’épidémie s’accélère ?

Pendant de nombreuses années, de petites flambées épidémiques localisées ont régulièrement eu lieu en Afrique centrale et de l’Ouest, certains pays comme la RDC, le Nigeria, le Liberia ou encore le Cameroun étant des zones endémiques du virus. Mais c’est en 2022 que l’OMS déclare l’épidémie comme une urgence sanitaire mondiale après que plus de 75 pays non endémiques dont les États-Unis, l’Australie, le Canada et une grande partie de l’Europe ont rapporté des cas.

La propagation de mpox s’est rapidement calmée dans les pays occidentaux, mais elle a pris un autre tournant ces derniers mois en Afrique où les deux souches connues du virus (clade 1 et clade 2) ont continué à circuler, ce qui a poussé l’OMS à déclencher son plus haut niveau d’alerte. « C’est une maladie qui a évoluée qui n’est plus seulement transmissible d’animal à humain », explique au micro de RFI, le Dr Jean Kaseya, directeur général des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies.

La République démocratique du Congo qui concentre actuellement 96% des cas rapportés de mpox fait ainsi face à une souche bien plus virulente appelée clade 1b, plus transmissible et plus létale que le clade 2 qui était en cause dans l’épidémie de 2022 dans de nombreux pays occidentaux. Le virus a muté et il se transmet maintenant « d’humain à humain, avec les sécrétions et les contacts, avec les objets utilisés par une personne infectée comme les habits, le lit, une chaise… », détaille le Dr Kaseya. « Des études sont menées car nous suspectons également des transmissions par voie aérienne », précise-t-il.

La Suède et le Pakistan ont annoncé avoir découvert leurs premiers cas de mpox issus du variant clade 1b, ainsi observé pour la première fois hors d’Afrique. « Ce variant se propage très rapidement et s’étend à des pays d’Afrique qui ne l’avaient jamais vu auparavant, comme le Rwanda, le Kenya et le Burundi. Nous observons de nombreux cas au Burundi et en Ouganda et ce sont des pays qui ont beaucoup de contacts avec le reste du monde. Il s’agit donc d’une menace pour le reste du monde », a expliqué la porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé, Margaret Harris. « Il est probable que d’autres cas importés de clade 1 soient enregistrés dans la région européenne au cours des prochains jours et des prochaines semaines », a par ailleurs averti l’organisation onusienne.

À quel point le mpox est-il dangereux ?

Moins virulent que la variole dont il est un variant, la dangerosité de mpox a pendant très longtemps été limitée, mais l’apparition d’un nouveau variant du clade 1 change désormais la donne. « Avant mpox ne tuait pas vraiment, explique le Dr Kaseya, mais aujourd’hui avec les nouvelles souches, clade 1 peut atteindre un taux de létalité allant jusqu’à 10%, ce qui est énorme ».

Le clade 2 est beaucoup moins dangereux avec un taux de létalité estimé autour de 0,1% soit un à deux morts pour 1 000 malades. C’est cette souche qui était à l’origine de l’épidémie de 2022 qui avait fait 140 morts pour un peu plus de 90 000 cas. L’épidémie de mpox de sous-type clade 1b qui sévit actuellement en Afrique, et tout particulièrement en RDC, est en revanche beaucoup plus dangereuse avec un taux de létalité qui atteint en moyenne 3 à 4%.

Au total, 38 465 cas de mpox ont été recensés dans 16 pays africains depuis janvier 2022, pour 1 456 décès, avec notamment une augmentation de 160% du nombre des cas en 2024 par rapport à l’année précédente, selon des données publiées la semaine dernière par l’agence de santé de l’Union africaine, Africa CDC. Les enfants sont par ailleurs particulièrement à risque, rien qu’en RDC, « les moins de 15 ans représentent plus de 60% des cas », selon le Dr Kaseya.

Quels sont les symptômes et comment s’en protéger ?

Après une période de six jours jusqu’à trois semaines d’incubation, les premiers symptômes sont d’ordres généraux et ressemblent à ceux d’un état grippal : fièvre, douleurs musculaires, maux de tête, fatigue… Apparaissent ensuite les lésions cutanées qui peuvent parfois s’avérer douloureuses et laisser des cicatrices, mais « avec l’apparition de nouvelles souches, il y a désormais aussi des cas où les lésions cutanées apparaissent avant les symptômes généraux », précise le Dr Jean Kaseya.

La guérison intervient en général en deux à quatre semaines, mais pour se protéger du virus auquel on ne connaît pas pour le moment de traitement curatif, le plus efficace reste de garder une bonne hygiène corporelle et de se laver régulièrement les mains. Les personnes ayant de multiples partenaires sexuels doivent également se montrer particulièrement vigilantes, car s’il est avéré que le virus se transmet via des contacts rapprochés, des doutes subsistent sur la possibilité qu’il puisse également être devenu sexuellement transmissible.

Le vaccin, le seul traitement pour endiguer l’épidémie

Les vaccins développés pour immuniser contre la variole sont également efficaces à 80% contre le mpox, ce qui pourrait permettre de venir assez rapidement à bout de l’épidémie. Mais depuis l’annonce de l’éradication de la maladie en 1980 par l’OMS, les campagnes de vaccination ont été stoppées, ce qui pourrait d’ailleurs en partie expliquer cette recrudescence de mpox. « La vaccination contre la variole qui protégeait par réaction croisée contre la variole du singe a permis de la garder étouffée pendant longtemps, mais les personnes nées depuis l’arrêt de la vaccination contre la variole n’ont pas été vaccinées, ce qui fait un nombre de réservoirs plus importants de personnes susceptibles de contracter la variole du singe, expliquait en 2022 sur RFI l’épidémiologiste de l’Institut Pasteur, Arnaud Fontanet. C’est un des éléments qui pourrait expliquer pourquoi ce virus se met à circuler de plus en plus ».

En déclenchant son plus haut niveau d’alerte, « l’urgence de santé publique de portée internationale », l’OMS va pouvoir donner la priorité sur le plan financier à la lutte contre le virus mpox, alors que son budget est fortement encadré. Près d’1,5 million de dollars ont déjà été débloqués mercredi par l’OMS sur le fonds d’urgence. L’organisation juge que son plan de réponse nécessite au moins 15 millions de dollars de montant initial. L’annonce de l’OMS doit aussi permettre de débloquer des fonds pour l’accès à des vaccins en Afrique, alors que quasiment aucun traitement n’est disponible sur le continent.

Car si des vaccins contre le mpox existent, leur nombre est encore trop faible, en particulier sur le continent africain. Mardi, l’agence de santé de l’Union africaine Africa CDC a annoncé que quelque 200 000 doses allaient être déployées en Afrique, grâce à un accord avec l’Union européenne (UE) et le fabricant danois Bavarian Nordic qui se dit en capacité de produire deux millions de doses supplémentaires d’ici fin 2024 et jusqu’à dix millions d’ici fin 2025.

Une situation qui appuie encore un peu plus l’urgence pour l’Afrique d’acquérir son indépendance vaccinale. « On nous dit qu’il y a actuellement un stock de 200 000 doses de vaccins à travers le monde, alors qu’un pays comme la RDC en réclame déjà trois millions », déplore le Dr Jean Kaseya. « Commencer à produire nos propres vaccins et nos propres médicaments, c’est pour moi le combat du siècle », conclut le directeur de l’Africa CDC.