La fondation L’Oréal et l’Unesco ont dévoilé le 10 décembre dernier, les lauréats du Prix Jeunes Talents pour les Femmes et la Science en Afrique.
Ce prix, qui est à sa 15e édition, a récompensé en 2024, 30 chercheuses africaines dans le domaine des sciences, dont 25 doctorantes et 5 post-doctorantes provenant de 15 pays africains.Parmi elles, figure la doctorante béninoise Marie Marthe Chabi.
Marie Marthe Chabi se distingue par ses recherches dans le secteur de la santé, ciblant un mal qui affecte de plus en plus d’Africains : le diabète.
Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 24 millions de personnes étaient atteintes de diabète en Afrique en 2021, et ce chiffre devrait passer à 55 millions en 2045, soit une augmentation de 129 %.
Cette maladie, considérée comme un tueur en Afrique, se manifeste sous plusieurs formes selon l’OMS.
- Le diabète de type 1 : Il est dû, explique l’organisation, à une production insuffisante d’insuline dans l’organisme. Il faut alors un apport extérieur d’insuline à l’organisme du malade. Le diabète de type 1 se manifeste par une miction excessive (polyurie), la soif (polydipsie), la faim constante, une perte de poids, des troubles de la vision et la fatigue.
- Le diabète de type 2 : Selon l’OMS, celui-ci est causé par une production insuffisante d’insuline ou une incapacité de l’organisme à utiliser efficacement l’insuline. Ce type de la maladie qui touchait auparavant les adultes, « s’est récemment étendu à un nombre croissant d’enfants », dit-elle. Présentant les mêmes symptômes que le type 1, il est favorisé par le surpoids et l’inactivité physique. Cela a été observé chez 95 % des personnes ayant reçu un diagnostic de diabète.
- Le diabète gestationnel : Cette hyperglycémie survient chez les femmes enceintes et présente un risque élevé de complications pendant la grossesse et l’accouchement. « Leurs enfants sont également à haut risque de diabète de type 2 », indique l’OMS.
La doctorante en sciences biologiques, Marie Marthe Chabi, a choisi de baser ses recherches sur le diabète de type 2 et ce choix n’est pas un hasard.
« Personnellement, je connais des personnes qui souffrent de la maladie et il faut reconnaître que la majorité d’entre elles ont une qualité de vie qui est vraiment diminuée par les maladies qui découlent du diabète de type 2 », confie mademoiselle Chabi.
Si le diabète est défini comme une maladie qui se caractérise par un taux élevé de sucre dans le sang, il va au-delà selon Marie Marthe Chabi.
Il s’élargit à la survenue par exemple de maladies comme les maladies cardiovasculaires, donc les maladies qui touchent le cœur, des maladies qui touchent les nerfs, qui touchent même les yeux, détaille-t-elle.
Plus les facteurs qu’il faut surveiller pour avoir un mode de vie un peu plus équilibré sont ignorés, plus la maladie fait des dégâts voire provoque la mort.« C’est la raison pour laquelle je me bats contre ça », explique Marie Marthe Chabi.
La lumière comme la solution
Cette thérapie consiste à appliquer la lumière sur le corps du malade afin de dégager, dit-elle, les mécanismes et les voies de signalisation qui stoppent ou diminuent l’absorption du glucose.
Mais suffit-il d’appliquer n’importe quelle lumière au corps ? Quelle partie du corps d’ailleurs ?
Le mécanisme est bien plus complexe, dit-elle d’emblée, précisant qu’elle s’intéresse « à la lumière rouge, à la lumière infrarouge« .
« La lumière, en fait, c’est de l’énergie. C’est comme le soleil qui nous apporte de la chaleur lorsqu’on a froid. Cette lumière est constituée de petites molécules qu’on appelle des photons qui vont servir de sources d’énergie, pour de petites centrales énergétiques qu’on retrouve dans le corps qu’on appelle les mitochondries. »
Lorsqu’une personne est par exemple, exposée à un dispositif de lumière rouge ou infrarouge, ces petites centrales énergétiques du corps absorbent l’énergie qu’est la lumière.
Cette énergie va ensuite réguler les voies qui permettent l’absorption du glucose qui est inhibée chez les personnes qui souffrent du diabète de type 2, explique-t-elle.
« Notre challenge ici, c’est de montrer en fait qu’avec de la lumière rouge, on peut rétablir cette voie-là afin d’améliorer l’absorption du glucose et donc réduire l’inflammation qu’on retrouve au niveau des organes cible de l’insuline », conclut Chabi.
La difficile équation financière
Comme toute solution médicale, la technologie proposée par Marthe Chabi est utilisée sur prescription et attention médicale. Ce d’autant que, insiste-t-elle, « pour le moment, nous sommes encore en phase de test ».
« On a encore beaucoup d’expérimentation à faire. On a encore beaucoup de réglages à faire pour qu’on puisse laisser juste le patient se charger. »
Actuellement, Marie Marthe Chabi continue de peaufiner sa recherche en menant des tests sur des modèles animaux.
Pour aboutir à un produit final de qualité, la chercheuse doit passer par trois phases qui nécessitent un important investissement en temps, en connaissances et surtout matériel et financier.
La première phase, qui est la phase in-vitro, se fait exclusivement au laboratoire. La deuxième phase, est celle de l’expérimentation sur les rats, étape à laquelle elle se trouve au moment où nous bouclons cet article.
Si Marie Marthe Chabi a pu mener ces deux phases en comptant sur le peu de ressources dont elle dispose, elle a besoin de plus de financement pour passer à la dernière.
« Je ne vais pas vous mentir, la recherche nécessite vraiment beaucoup de financement. »
« Pour le moment, on n’est pas encore satisfait du type de financement qu’on a, mais on fait avec ce qu’on a », dit-elle, précisant que son leitmotiv demeure la raison pour laquelle elle s’est lancée dans cette recherche : son expérience personnelle évoquée plus haut.
Avec cette recompense de la Fondation l’Oréal-Unesco, se réjouit-elle, « on espère avoir plus de financement pour passer à l’étape des essais cliniques ».
Surmonter les défis et stéréotypes
En Afrique subsaharienne, les femmes ne représentent que 31 % des chercheurs et elles sont moins bien payées et souvent moins mises en lumière que leurs pairs masculins, estime l’Unesco.
« Le premier défi auquel on est confronté, c’est vraiment celui du financement, surtout en Afrique subsaharienne, en Afrique de l’Ouest, dans mon pays », insiste Dr Chabi.
« Donc, j’espère vraiment pouvoir attirer l’attention de personnes ou d’institutions qui sont vraiment intéressées par ce sujet, afin qu’elles puissent mettre la main à la pâte et me permettre de donner le meilleur de moi pour pouvoir faire aboutir un produit physique qui soit vraiment efficace. »
Le second point, est la confiance en soi selon la doctorante en sciences biologiques.
« Moi, J’ai eu à beaucoup travailler sur moi pour vraiment croire en moi et je me dis que tant que je veux quelque chose, je me donne les moyens d’y arriver »
Ce, d’autant, estime-t-elle, que les stéréotypes, sont parfois un obstacle.
« Je n’ai pas eu à faire face à beaucoup de stéréotypes, mais ils sont présents ».
« Je prends toujours à cœur un conseil d’un aîné qui me dit en fait que peu importe ce qui arrivera, peu importe comment j’aurai à me comporter en fait, que je le fasse bien ou pas je serai toujours critiquée ».
Forte de cette philosopie, « je m’accroche, peu importe les stéréotypes qu’il y a » conclut-elle.
Avec la contribution de Patrick Degbevi (BBC)