Sahara occidental : Après les propos de la France, Alger annonce le « retrait immédiat » de son ambassadeur à Paris

Afrique

« La France considère que le présent et l’avenir du Sahara Occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine », affirme une lettre d’Emmanuel Macron adressée au roi du Maroc Mohammed VI et dont RFI a confirmé l’authenticité auprès de l’Élysée mardi 30 juillet 2024. Une lettre à l’occasion de la Fête du Trône, qui marque l’arrivée au pouvoir en 1999 du monarque. Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est revendiqué par Rabat, mais aussi par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger.

« Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. » Ce 30 juillet 2024, à l’occasion de la Fête du Trône, célébration marquant les 25 ans de l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI, Paris a affirmé « l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour [le] Royaume » qu’est le Sahara occidental.

Selon un communiqué du Cabinet royal marocain, diffusé un peu plus tôt, le président français a adressé à Mohammed VI une lettre indiquant que le plan marocain « constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ».

Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est contrôlé en majeure partie par le Maroc, qui propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté. Mais ce territoire est revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie, qui réclament un référendum d’autodétermination prévu lors d’un cessez-le-feu en 1991, mais jamais organisé.

De son côté, l’ONU considère ce territoire, aux riches eaux poissonneuses et aux importantes réserves en phosphates, comme un « territoire non autonome ».

« Notre soutien est clair et constant »

« Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant », poursuit Emmanuel Macron dans la lettre adressée au roi marocain et dont RFI a confirmé l’authenticité auprès de l’Élysée.

Dès le 25 juillet, le ministère algérien des Affaires étrangères avait exprimé, dans un communiqué, sa « profonde désapprobation » de la décision « inattendue, inopportune et contre-productive » de la France d’apporter son soutien au plan d’autonomie défendu par le Maroc pour le Sahara occidental. Alger y a affirmé que le gouvernement algérien « tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française ».

Alger annonce le « retrait immédiat » de son ambassadeur à Paris

Le gouvernement algérien a annoncé ce mardi le « retrait avec effet immédiat » de son ambassadeur en France. « La représentation diplomatique algérienne en France est désormais du ressort d’un chargé d’affaires », a précisé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié par l’agence officielle APS, dénonçant un « pas qu’aucun autre gouvernement français n’avait franchi avant lui ».

Dès le 25 juillet, le ministère algérien des Affaires étrangères avait exprimé, dans un communiqué, sa « profonde désapprobation » de la décision « inattendue, inopportune et contre-productive » de la France d’apporter son soutien au plan d’autonomie défendu par le Maroc pour le Sahara occidental. Alger y a affirmé que le gouvernement algérien « tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française ».

Autre conséquence possible : selon une source française bien informée, la visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune, prévue en septembre prochain à Paris, pourrait être annulée.

« Nous croyons que cette décision – même si dans le fond n’apporte pas un grand développement puisque la France est connue pour son soutien inconditionnel au Maroc depuis le déclenchement du conflit jusqu’à aujourd’hui – dans la forme surtout, la partie légale et juridique, est un développement substantiel et très dangereux. Dangereux pour la médiation en cours de l’ONU pour relancer les négociations directes entre les deux parties au conflit, le Front Polisario et le Royaume du Maroc, parce qu’elle encourage de façon définitive le Maroc à continuer avec sa politique de fuite en avant. Mais aussi, c’est un coup dur pour la stabilité et la sécurité régionale puisqu’elle rompt d’une façon définitive cet équilibre fragile et fragilisé dans la région en faveur du Maroc, ce qui aura bien sûr des conséquences. C’est un acte d’une irresponsabilité extrême et cette décision vient pour compliquer les choses davantage ». (Oubi Bachir Bouchraya, représentant du Front Polisario auprès de la Suisse et des Nations unies à Genève)

Une prise de position de la France sur le dossier du Sahara occidental qui suscite par ailleurs de vives réactions également sur la scène politique française, du député communiste Jean-Paul Lecoq à la ministre de la Culture Rachida Dati.

« Comment le président de la République alors qu’il en appelle à une trêve politique, qu’on n’a pas de gouvernement de plein exercice, qu’on ne siège pas à l’Assemblée, peut-il choisir ce moment pour prendre une décision politique de la plus haute importance ? Et puis le deuxième aspect, c’est le droit international : c’est-à-dire qu’on ne peut pas s’arranger avec le droit international. Et tous ceux qui veulent s’en arranger génèrent de la violence. La France, qui est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qui devrait montrer l’exemple, qui devrait respecter la Charte des Nations unies, là, aujourd’hui se couche. Elle se range dans le camp des colonisateurs : soutien inconditionnel à Israël, soutien inconditionnel au Maroc ; et puis elle-même, elle est questionnée sur la Nouvelle-Calédonie. Je pense que ce n’est pas l’honneur de notre pays de faire de ce genre de choses » ( Jean-Paul Lecoq, député communiste français).