Contestant sa radiation des listes électorales après sa condamnation dans une affaire de mœurs, Ousmane Sonko a enregistré deux revers judiciaires vendredi : la Cour suprême du Sénégal a cassé un jugement lui permettant de revenir dans la course à la présidentielle tandis qu’une cour régionale ouest-africaine a confirmé que les autorités sénégalaises n’avaient violé « aucun de ses droits ».
L’horizon politique reste toujours aussi incertain pour Ousmane Sonko. La Cour suprême au Sénégal a cassé vendredi 17 novembre un jugement qui remettait l’opposant emprisonné dans la course à la présidentielle de février 2024, précisant que l’affaire allait être rejugée, a annoncé son président Ali Ciré Ba.
« La cour casse et annule la décision du tribunal de Ziguinchor du 12 octobre et renvoie l’affaire au tribunal hors classe de Dakar » pour qu’elle soit rejugée, a-t-il déclaré.
Le mois dernier, le tribunal de Ziguinchor, la ville dont Sonko est le maire depuis 2022, avait annulé la radiation de l’opposant des listes électorales.
L’État avait fait appel de cette décision.
« Cette décision ne nous arrange pas. L’affaire sera rejugée mais les parrainages seront bientôt terminés », a dit à l’AFP Me Babacar Ndiaye, l’un des avocats d’Ousmane Sonko. L’obtention des parrainages est une étape indispensable à la candidature à la présidentielle.
«Un blanc-seing» à Macky Sall
Plus tôt dans la journée, une cour régionale ouest-africaine a infligé un autre coup aux tentatives de l’opposant sénégalais emprisonné de revenir dans la course présidentielle.
« Le Sénégal n’a violé aucun de ses droits », a affirmé la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à Abuja, la capitale nigériane.
La cour avait été saisie par les avocats d’Ousmane Sonko pour contester sa radiation des listes électorales sénégalaises après une condamnation dans une affaire de mœurs. Cette radiation rend impossible sa candidature à la présidentielle de février 2024 dont il serait l’un des principaux candidats.
« La Cour de justice de la Cédéao donne blanc seing à Macky Sall (le président sénégalais) pour détruire son opposant », a réagi Me Juan Branco, un des avocats d’Ousmane Sonko. « En jugeant comme elle l’a fait, les dictateurs pourraient désormais agir comme l’État du Sénégal a fait et se prévaloir de la jurisprudence de la Cour », a réagi Me Ciré Clédor Ly, un autre de ses conseils.
Sonko crie au complot
Le bras de fer d’Ousmane Sonko avec l’État dans plusieurs affaires politico-judiciaires tient le Sénégal en haleine depuis deux ans et demi et a déclenché les troubles les plus meurtriers depuis des années dans le pays. Lui et ses avocats n’ont cessé de dénoncer un complot pour l’éliminer politiquement.
Son discours souverainiste et panafricaniste, ses diatribes contre « la mafia d’État », les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population. Ses détracteurs voient en lui un agitateur incendiaire.
L’opposant avait appelé jeudi soir à la résistance, estimant que la souveraineté des Sénégalais et la « destinée de la nation » étaient en jeu vendredi.
« Nous devons nous lever pour une justice équitable, libre et indépendante, pour le droit de vivre dans un pays sans craindre d’être arrêté et emprisonné sans justification », a-t-il déclaré sur ses réseaux sociaux.
Grève de la faim
Le ministère de l’Intérieur a refusé jusqu’alors de délivrer à Ousmane Sonko les fiches officielles qui lui permettraient de recueillir ses parrainages, une étape nécessaire à la candidature.
La commission électorale, un organe en charge de la supervision du processus électoral, a pourtant demandé le 31 octobre à la Direction générale des élections (DGE), qui dépend de l’Intérieur, de rétablir Ousmane Sonko sur les listes et de lui délivrer les fichiers de parrainages. La DGE lui a le même jour opposé une fin de non-recevoir.
Ousmane Sonko, 49 ans, a été déclaré coupable le 1er juin de débauche de mineure et condamné à deux ans de prison ferme. Ayant refusé de se présenter au procès qu’il dénonçait comme un complot pour l’écarter de l’élection, il a été condamné par contumace.
Il a été écroué fin juillet sous d’autres chefs d’inculpation, dont appel à l’insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l’Etat.
Il a annoncé mi-octobre une nouvelle grève de la faim.
Avec AFP