Scènes inimaginables à Washington : des partisans de Donald Trump ont envahi, mercredi 6 janvier, le Capitole, majestueux bâtiment situé au cœur de Washington, interrompant la session qui devait confirmer la victoire de Joe Biden. Une femme blessée par balle à l’intérieur du bâtiment est morte peu après. Après une coupure de plusieurs heures, le Sénat a repris en début de soirée le processus de certification de la victoire du démocrate, qui avait dénoncé, un peu plus tôt depuis le Delaware, un climat d’« insurrection ».
- Scènes de chaos, interruption de la certification de la victoire de Biden et mort d’une femme blessée dans le Capitole
Les images de l’intérieur du Capitole marqueront l’histoire : élus portant des masques à gaz, agents de la police en civil arme au poing. A la suite d’un discours particulièrement virulent de Donald Trump dénonçant des élections « truquées » et promettant de ne jamais concéder sa défaite, certains de ses sympathisants y ont pénétré dans le temple de la démocratie américaine. Alors qu’un débat se tenait à la Chambre des représentants sur la certification de la victoire de Joe Biden à la présidentielle et que le vice-président Mike Pence venait d’annoncer qu’il ne pourrait pas s’y opposer, les partisans de Trump ont investi les terrasses et le célèbre bâtiment abritant le Sénat et la Chambre des représentants, provoquant son évacuation.
Selon la US Capitol Historical Society, c’est la première fois que le Capitole a été envahi depuis que le bâtiment avait été incendié par les troupes britanniques en 1814. Ces scènes resteront à jamais associées à la fin de mandat tumultueux de Donald Trump, qui apparaît désormais extrêmement isolé dans son propre camp. Depuis des mois, il refuse d’accepter sa défaite et souffle sur les braises de la division en brandissant des théories du complot.
Dès l’irruption des supporteurs de Donald Trump, le Congrès a suspendu en urgence la session. Par sécurité, Mike Pence a été évacué. La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour tenter d’évacuer les manifestants pro-Trump qui ont envahi la scène installée pour la prestation de serment de Joe Biden le 20 janvier.
Une femme, blessée par balle à l’intérieur du Capitole, est décédée peu après, a indiqué la police sans précisions sur les circonstances du drame.
Des militaires de la Garde nationale ont été envoyés pour rétablir le calme après plusieurs heures d’extrême tension. Un couvre-feu est entré en vigueur à 18 heures (minuit jeudi à Paris) à Washington. Mais certains partisans du milliardaires l’ont bravé, restant dans les rues avoisinantes du Capitole.
- Le Sénat rejette une première objection à la victoire de Biden
Après la sécurisation du Capitole, le Congrès américain a repris, peu après 20 heures locales (2 heures du matin jeudi à Paris), la séance de certification de la victoire de Bident. Le Sénat américain a rejeté à une écrasante majorité une première objection à la certification de la victoire de Joe Biden. Les parlementaires ont décidé, à 93 voix contre 6, de ne pas donner suite aux objections d’élus républicains visant les résultats de l’élection présidentielle dans l’Etat de l’Arizona. Conformément à un processus ultra-codifié, les deux chambres s’étaient séparées pour débattre de la question et la Chambre des représentants devrait bientôt se prononcer à son tour.
- Biden a dénoncé une « insurrection », Trump a dit à ses partisans qu’il les aimait et de « rentrer chez eux »
Dans l’après-midi, alors que les partisans de Donald Trump se trouvaient dans le Capitole, Joe Biden, qui s’installera à la Maison Blanche le 20 janvier, a dénoncé lors d’une allocution au ton grave une attaque « sans précédent » contre la démocratie américaine. Il a appelé Donald Trump à s’exprimer « immédiatement » à la télévision pour réclamer « la fin du siège » du Capitole et de cette « insurrection ».
En guise d’allocution solennelle, le président américain sortant, Donald Trump, s’est lui contenté de quelques tweets et d’une brève vidéo dans laquelle il a demandé à ses partisans de se tenir à l’écart de la violence et de « rentrer chez eux ». « Je vous aime (…). Je comprends votre douleur », a-t-il cependant ajouté, évoquant une nouvelle fois une élection « volée ».
La vidéo a été retirée peu après par Facebook qui a jugé qu’elle « contribuait aux risques de violence ». Le réseau social a par la même occasion décidé de bloquer le compte du locataire de la Maison Blanche pendant vingt-quatre heures. De son côté, Twitter a également supprimé la vidéo, a bloqué le compte @realDonaldTrump pour douze heures et l’a menacé de suspension permanente, des mesures sans précédent.
Dans un geste extraordinaire qui restera probablement dans les livres d’histoire, Donald Trump avait choisi de défier le Congrès en réunissant des dizaines de milliers de ses supporteurs à Washington mercredi matin. Il s’en était pris avec un extrême virulence à son propre camp. Les ténors républicains sont « faibles » et « pathétiques », avait-il lancé sous un ciel chargé de lourds nuages, à des dizaines de milliers de partisans. « Nous n’abandonnerons jamais. Nous ne concéderons jamais » la défaite, avait-il martelé, mettant la pression sur son vice-président Mike Pence pour qu’il « fasse ce qu’il faut ».
Condamnations de Bush et Obama, Trump accusé de souffler sur les braises
Le seul de ses prédécesseurs républicains encore en vie, George W. Bush (2001-2009), a dénoncé des scènes de chaos dignes d’une « république bananière ». Pour l’ancien président démocrate Barack Obama (2009-2017), ces violences sont « un moment de déshonneur et de honte » pour l’Amérique mais pas une « surprise », étant donnée l’attitude de Donald Trump et des républicains qui refusent « de dire la vérité ».
De très nombreuses voix se sont élevées à Washington pour dénoncer l’attitude de Donald Trump, accusé d’avoir soufflé sur les braises en refusant de reconnaître sa défaite et en relayant pendant des semaines des théories du complot sur de supposées fraudes électorales. « Le président incite au terrorisme intérieur », a déploré sur Twitter l’élu démocrate du Wisconsin Mark Pocan, évoquant « un triste jour pour l’Amérique ».
Des grandes entreprises américaines ont appelé Trump à intervenir pour mettre fin aux violences en cours au Capitole et « mettre fin au chaos ». « Le pays mérite mieux », a fustigé le lobby Business Roundtable, qui représente des fleurons américains, d’Apple à Boeing en passant par American Express, Best Buy, Bank of America, ont Donald Trump. Ignorant le chaos au Congrès, le Dow Jones a terminé sur un nouveau record.
Indignation à travers le monde
Les images en provenance de Washington ont suscité l’indignation à travers le monde. En France, dans une vidéo postée sur Twitter dans la nuit de mercredi à jeudi, le président Emmanuel Macron a appelé à ne rien céder face à « la violence de quelques-uns » contre les démocraties. Avant lui, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait condamné mercredi « une atteinte grave contre la démocratie ».
Berlin a appelé les pro-Trump à « cesser de piétiner la démocratie ». Londres a évoqué des « scènes honteuses ». Le chef de l’OTAN Jens Stoltenberg les a lui qualifiées de « choquantes », martelant que le résultat de cette élection démocratique devait être « respecté ». Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a dénoncé un « assaut inédit contre la démocratie américaine ».
(Avec Le Monde.fr)