Les autorités béninoises doivent protéger celles et ceux qui exercent leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique et respecter le droit à un procès équitable de tous les opposants et voix critiques qui font l’objet de procédures pénales, a déclaré Amnesty International mercredi 31 mars 2021 dans un communiqué de presse.
Les détenus doivent être informés des raisons de leur arrestation, avoir accès à leurs avocats de manière privée et être en mesure de préparer leur défense.
Depuis le début de l’année, Amnesty International a recensé la convocation, l’arrestation et/ou la condamnation d’au-moins 12 opposants politiques et voix critiques du pouvoir. Plusieurs d’entre-eux sont poursuivis au nom d’une loi sur le numérique adoptée en 2018.
En octobre 2020, dans un Avis jugeant la détention du journaliste Ignace Sossou arbitraire, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire avait considéré que « le langage utilisé dans l’article 550 du Code du numérique » – qui porte sur le « harcèlement par le biais d’une communication électronique » – était « vague et trop large ».
Alors que l’élection présidentielle se tient dans une dizaine de jours, certains opposants ont été arrêtés et inculpés sur la base de motifs imprécis, et sont détenus sans respect de certains de leurs droits.
Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International
« Alors que l’élection présidentielle se tient dans une dizaine de jours, certains opposants ont été arrêtés et inculpés sur la base de motifs imprécis, et sont détenus sans respect de certains de leurs droits, » a déclaré Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
Vague d’arrestations depuis janvier
Amnesty International a documenté plusieurs cas d’opposants arrêtés entre janvier et mars.
Bio Dramane Tidjani et Mamadou Tidjani, membres du parti d’opposition Les Démocrates (LD), sont en détention provisoire depuis le 1er mars à la prison de Akpro-Missérété au sud-est du Bénin. Ils ont été inculpés d’« association de malfaiteurs et terrorisme », a déclaré leur avocat à Amnesty International. Selon lui, aucune précision n’a été apportée par la justice sur les faits à l’origine de cette accusation.
Abdoul Razak Amadou, également membre de LD, est libre depuis le 25 mars après avoir été condamné à six mois de prison dont deux fermes. Condamné pour « incitation à la violence et à la rébellion » sur la base de la loi sur le numérique, il lui était reproché d’avoir partagé une publication WhatsApp incitant à la « lutte », et mentionnant que « aucun président au monde et en particulier en Afrique ne résiste au peuple face à la pression de la rue. Soit il fuit ou il meurt. »
Rékiatou Madougou, également membre de LD, et dont la candidature à l’élection présidentielle a été rejetée par la Commission électorale nationale autonome, est détenue depuis le 5 mars à la prison de Akpro-Missérété. Après son arrestation le 3 mars à Porto-Novo en pleine circulation, elle a été inculpée pour « financement du terrorisme » par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET).
Selon la CRIET elle aurait « formé le dessein de perturber le déroulement du prochain scrutin en perpétrant des actes de terreur de grande ampleur », en « préparant l’assassinat de deux autorités politiques ».
Des accusations sans fondement selon les avocats de Rékiatou Madougou, qui affirment par ailleurs que ses conditions de détention se sont dégradées. Des visites de ses parents et amis sont interdites, et il est arrivé que celles de ses avocats soient « filmées et écoutées. »
Rékiatou Madougou doit avoir l’opportunité de faire appel contre la décision de sa détention provisoire, et doit pouvoir avoir accès à ses proches et s’entretenir de façon confidentielle avec ses avocats, comme l’y autorise le droit international.
Un autre candidat écarté de l’élection présidentielle, Galiou Soglo, a été la cible, le 5 février, d’une possible tentative d’assassinat, dans la commune de Calavi. Blessé par balle à la poitrine, il a été évacué en France pour des soins. Une enquête sur les auteurs de son agression a été ouverte selon le procureur.
Il a déclaré à Amnesty International être victime de filature et de diffamation sur les réseaux sociaux depuis deux ans :
« Depuis 2019, je suis filmé dans mes déplacements et je retrouve des photos et des vidéos de mon domicile et de mes bureaux circuler sur internet. J’ai déposé une plainte à l’Office central de répression de la cybercriminalité en mai 2019. La plainte n’a pas abouti jusqu’à ce jour. »
« Les autorités béninoises doivent non seulement respecter le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, mais elles doivent également s’assurer de la sécurité de toutes les personnes exerçant ces droits et protéger leur droit à la vie et à l’intégrité physique et mentale, » a déclaré Fabien Offner.
Outre les arrestations d’opposants et de voix critiques, Amnesty International craint qu’internet ne soit bloqué pendant l’élection comme ce fut le cas lors des élections législatives du 28 avril 2019, violant le droit à la liberté d’expression.
« Nous appelons les autorités béninoises à s’abstenir de bloquer internet avant, pendant et après l’élection présidentielle du 11 avril. Une telle pratique viole le droit à l’information consacré à l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et contrevient aux Directives sur l’accès à l’information et les élections en Afrique, » a déclaré Fabien Offner.
En janvier 2020, Amnesty International avait dénoncé les poursuites menées contre au-moins 17 journalistes, blogueurs et opposants en moins de deux ans, au titre de la loi sur le code du numérique.
Nous appelons les autorités béninoises à s’abstenir de bloquer internet avant, pendant et après l’élection présidentielle du 11 avril. Une telle pratique viole le droit à l’information.
Fabien Offner.( communiqué de presse de Amnesty International )
Complément d’information
La loi électorale du 15 novembre 2019 a imposé aux candidats de recueillir au moins 16 parrainages de députés ou de maires pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Or, seule une minorité de ces élus sont affiliés à l’opposition. Une condition dénoncée par les partis d’opposition et la société civile comme étant une loi d’exclusion, que n’ont pas pu ou pas voulu remplir les opposants les plus en vue
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