L’art du jeu politique : Adrien Houngbédji, entre revirements et calculs stratégiques

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Adrien Houngbédji est un personnage politique dont le parcours est jalonné de revirements spectaculaires et de prises de position qui suscitent à la fois admiration et méfiance. Son discours du 2 février 2025, dénonçant les lois qu’il qualifie de « liberticides » et l’exclusion de certaines figures politiques, contraste de manière frappante avec ses propres déclarations passées, notamment celles de 2018 lorsqu’il soutenait les réformes du gouvernement en place.

Ce paradoxe soulève une question essentielle : Adrien Houngbédji est-il un acteur politique pragmatique ou un opportuniste ?

Un positionnement politique fluctuant

En janvier 2018, alors qu’il occupait le prestigieux poste de président de l’Assemblée nationale, Me Houngbédji était l’un des fervents défenseurs des réformes engagées par le gouvernement de Patrice Talon. Il dressait alors un portrait sombre du Bénin, le qualifiant d’« État saccagé, fragilisé, fragmenté ». En d’autres termes, il légitimait la nécessité de transformations radicales, dont certaines allaient par la suite aboutir aux lois qu’il qualifie aujourd’hui de « liberticides ». Cette incohérence dans son discours traduit-elle un changement de conviction sincère ou une volonté de repositionnement stratégique en vue des échéances électorales à venir ?Un passé marqué par des manœuvres politiques. Ce n’est pas la première fois qu’Adrien Houngbédji se retrouve au cœur de polémiques liées à son positionnement politique. Déjà en 1990, lors de la Conférence nationale des forces vives, il avait adopté une posture qui avait laissé nombre d’observateurs perplexes. Initialement pressenti pour occuper le poste de Premier ministre, il s’était mystérieusement éclipsé avant la désignation de Nicéphore Soglo. Une absence qui, selon certains analystes, traduisait une volonté d’éviter une clause restrictive qui empêchait le Premier ministre de se présenter à la présidentielle. Ce comportement avait alors été perçu comme une trahison, suscitant rancœurs et méfiance.

Une constance dans l’ambiguïté

 

Ce qui frappe dans la trajectoire de Me Houngbédji, c’est sa capacité à manœuvrer dans les méandres du pouvoir, parfois en soutenant un régime, parfois en s’y opposant, toujours avec un sens aigu de la négociation et de la préservation de ses intérêts politiques. Ce pragmatisme, qui pourrait être perçu comme une forme d’intelligence politique, est aussi ce qui lui vaut une réputation d’homme insaisissable et peu fiable.Derrière ce jeu d’équilibriste, se cache une stratégie bien rodée : rester dans la sphère du pouvoir en évitant de se mettre irrémédiablement à dos les différents camps. En 2018, il était du côté du gouvernement, et en 2025, alors que le contexte a évolué, il adopte une posture critique. Ce n’est ni un hasard ni un revirement impulsif, mais une manière calculée de rester un acteur incontournable du jeu politique béninois.

 

Un héritage politique en question.

La véritable interrogation aujourd’hui est de savoir quel héritage politique laissera Adrien Houngbédji. Sera-t-il perçu comme un fin stratège capable de s’adapter aux contextes mouvants ou comme un politicien opportuniste dont la parole peine à inspirer confiance ? Une chose est certaine : son parcours illustre à merveille les complexités et contradictions de la politique béninoise, où les alliances se font et se défont au gré des intérêts du moment.Dans un pays où la mémoire politique est courte mais où les citoyens sont de plus en plus exigeants quant à la cohérence des dirigeants, seul l’avenir dira si cette stratégie du « jeu flou » lui aura permis de rester dans l’histoire comme un maître du compromis ou comme un acteur dont les revirements auront fini par le décrédibiliser.Une piscine s’ouvrira-t-elle au monde ? Mon colonel !

Fréjus MASSIHOUNTON