Un peu de lecture : Les aventures d’un enfant prodige, Douzième partie

Santé & Culture

Les aventures d’un enfant prodige

Douzième partie

Iléwé Oké… Un nom qui évoque à la fois le mystère et une nostalgie teintée de crainte. Peu de souvenirs y sont restés gravés, mais ceux qui persistent sont aussi vifs que des éclairs dans la nuit. Il y avait la lanière de maître Saliou, ce morceau de cuir usé qui tranchait l’air avec un sifflement glaçant, annonçant la douleur avant même qu’elle ne frappe. Puis, il y avait ce mythe, ce fantôme insaisissable qu’était la table de multiplication, une bête noire que les enfants affrontaient avec des mains tremblantes et des yeux pleins de peur. Enfin, il y avait le cercle maudit du calcul mental, tracé à l’angle droit du tableau noir, un symbole de torture intellectuelle imposé aux tout-petits du CI, alors que d’habitude, c’est à partir du CE1 que les écoliers devaient en subir les assauts. Difficile de connaître la logique qui sous-tend cet abus.

Mais au milieu de cette terreur, il y avait un amour si fort, si palpable, qu’il brillait plus fort que tous les cauchemars.
Incroyable, mais vrai : chaque jour, grand-père se transformait en ange gardien pour son petit-fils. Il le déposait à l’école avec une tendresse infinie, revenait le chercher à midi, l’accompagnait à 15h et se postait à nouveau à 17h pour le ramener à la maison. Ce rituel, s’est répété jour après jour, sans jamais une faute, malgré la proximité de l’école, à seulement dix minutes de marche. Les autres enfants, eux, se débrouillent seuls, mais pas ce petit-fils adoré. Non, pour lui, grand-père était là, une présence rassurante, un rempart contre le monde extérieur.

Les femmes de la cour en étaient venues à soupirer d’exaspération. « Assez, Baba ! Trop, c’est trop, laissez donc cet enfant respirer ! » Mais rien n’y faisait. L’amour de grand-père était inébranlable, et quiconque osait tenter d’arracher l’enfant à son étreinte douce mais ferme risquait de provoquer sa colère. Oh, cette colère ! Rarement visible, mais terrifiante lorsqu’elle éclatait.

Un après-midi de pluie fine, alors qu’Èmani rentrait de l’école, boueux et couvert de honte à cause d’une punition publique, le vieux prince entre dans la salle du maître sans avertir. Il ne crit pas. Il ne brandit aucune menace. Il fixa simplement Saliou Adjiborian dans les yeux et déclare calmement :
« Mon petit-fils ne vous appartient pas. Il est l’enfant du royaume, pas un sujet de vos humeurs.

Le silence qui suit est plus perçant que n’importe quelle réprimande. Saliou, pourtant maître incontesté, courbe légèrement la tête.

Dès ce jour, Èmani n’est plus jamais frappé en classe. Les autres élèves murmurent que le garçon avait reçu un bouclier magique, forgé dans les profondeurs d’un amour ancestral. Mais Èmani savait. Ce n’était ni magie ni sort. C’était simplement… la parole d’un prince respectable et craint malgré sa souplesse légendaire.

Adissa ADENIYI

A lire Aussi :

Les aventures d’un enfant prodige, Onzième partie