Robert Ishola Lagbadé Agouloyé est bien plus qu’un simple prince de la grande cour royale. Son respect est acquis non par l’éclat de son apparence, mais par la profondeur de sa sagesse.
Avec son physique ordinaire, sa modestie désarmante, et son calme presque imperturbable, il aurait pu passer inaperçu. Pourtant, sous cette apparente simplicité, réside une autorité inébranlable. Lors des grandes décisions, sa parole douce devient soudain ferme, comme le roc. Respecter les principes est pour lui une question d’honneur. Jamais il n’ordonne ce qui est irréalisable, et lorsqu’il parle, ses mots, aussi doux qu’une brise, convainquent sans effort.
Quand Èmani, ce jeune héritier prodige, ne suivait pas son grand-père comme une ombre, il se réfugiait dans le pagne de sa grand-mère, sautillant ici et là, insouciant et libre comme l’air. Chaque matin, une des tâches essentielles de la grand-mère était de préparer et de porter le petit-déjeuner à son père, le vieux manchot Elema, dans le quartier Idégou. L’histoire raconte que ce dernier n’avait jamais été un père tendre, surtout envers son épouse et sa fille aînée, Domiga. Ironie du sort, dans ses dernières années de vie, il se retrouva à dépendre essentiellement de cette même fille, devenue grand-mère respectée et chérie au sein d’une famille royale.
Aussi longtemps que l’on veuille dépoussiérer la mémoire collective, elle n’offre aucun repère en matière de disputes vives entre le couple Ishola-Domiga. Non point qu’il n’en avait jamais eu, mais c’est l’art, la subtilité et la discrétion avec lesquels elles furent gérées le long du temps, qui font la force et la magnificence des grands esprits. Dire que le couple royal Agouloyé fut une union conjugale inspirante, c’est faire preuve de modestie dans le jugement.
Les anciens du palais se plaisaient à dire qu’il suffisait d’observer les regards échangés entre Ishola et Domiga pour comprendre que l’amour véritable existe encore.
Leur complicité était silencieuse, mais palpable ; un langage de gestes et de silences, de soupirs et de sourires.
Le vieux prince, pourtant peu démonstratif, ne manquait jamais une occasion de glisser une boutade à sa tendre compagne, ce qui la faisait éclater de rire, comme au premier jour. Èmani, grandit, témoin silencieux de ces scènes de tendresse authentique.
Dans les nuits douces d’Odélla, lorsque la lune baignait le village de sa lumière argentée, l’enfant prodige s’endormait au son des voix aimées de ses grands-parents, bercé par l’amour, la tradition, et le destin.
Adissa ADENIYI